L’Express

Nucléaire iranien : les pourparlers très secrets entre Téhéran et les Européens au bord du lac Léman

Technicien iranien, le 9 février 2015, dans la centrale nucléaire de Bouchehr, contruite en coopération avec les Russes dans le sud de l'Iran




La réunion était entourée de la plus grande discrétion. L’Iran, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont discuté, ce vendredi 29 novembre, à Genève du programme nucléaire de Téhéran, sur fond de tensions exacerbées avant même le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump.Les chancelleries des quatre pays n’avaient rien laissé filtrer du programme détaillé des discussions, ni même sur l’endroit où elles devaient se tenir au bord du lac Léman ou combien de temps elles devaient durer. Un degré de discrétion rare.A l’issue des discussions, un diplomate iranien de haut rang a indiqué que l’Iran, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni allaient « poursuivre leur dialogue diplomatique dans un avenir proche ». « Nous sommes fermement engagés à défendre les intérêts de notre peuple et notre préférence va à la voie du dialogue et de l’engagement », a écrit sur X, Kazem Gharibabadi, adjoint du ministre iranien des Affaires étrangères, ajoutant que les discussions avaient été « franches ».L’enjeu des pourparlers avait été clairement exposé par le chef espion britannique lors d’une visite à Paris ce vendredi matin. Les ambitions nucléaires iraniennes font peser une « menace sécuritaire » majeure sur le monde, a affirmé Richard Moore. « Les milices alliées de l’Iran au Moyen-Orient (Hamas et Hezbollah) ont souffert de sérieux revers. Mais les ambitions nucléaires du régime continuent de nous menacer tous », avait averti le patron du MI6, qui s’exprimait aux côtés de son homologue français, le patron de la DGSE Nicolas Lerner.Les échanges par réseau social interposé, après une première réunion jeudi sur les bords du Léman entre diplomates iranien et l’Union européenne, donnaient aussi une idée du ton de la rencontre de ce vendredi. Le numéro deux de la diplomatie européenne, Enrique Mora, avait évoqué sur X une « discussion franche » avec Majid Takht-Ravanchi et Kazem Gharibabadi, deux adjoints du ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi. Côté iranien, on fait valoir que l’Europe n’a « pas réussi à être un acteur sérieux » sur la question du nucléaire après le retour de sanctions américaines et on appelle l’UE à abandonner un comportement « irresponsable », en particulier concernant la guerre en Ukraine et Gaza.A la situation difficile des alliés de Téhéran vient s’ajouter le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump, artisan d’une politique dite de « pression maximale » envers l’Iran durant son premier mandat.De nouvelles centrifugeuses « avancées »L’Iran espère donc arrondir les angles avec les Européens, tout en faisant preuve de fermeté. Dans un entretien au quotidien britannique The Guardian publié jeudi, Abbas Araghchi a ainsi expliqué que l’Iran pourrait se doter de l’arme nucléaire si les Européens réimposaient des sanctions.La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, associés aux Etats-Unis, ont réussi à faire adopter une résolution dans le cadre de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) reprochant à l’Iran son manque de coopération sur le nucléaire.En riposte, Téhéran avait annoncé vouloir mettre en service de nouvelles centrifugeuses « avancées », ce que l’AIEA a confirmé dans un rapport confidentiel dont l’AFP a obtenu copie vendredi. L’agence, chargée de surveiller le programme nucléaire iranien, a indiqué que Téhéran voulait installer quelque 6 000 nouvelles centrifugeuses pour enrichir de l’uranium à un faible niveau. « L’Iran a informé l’agence » de son intention de mettre en service ces machines sur les sites de Fordo et Natanz pour un taux d’enrichissement allant jusqu’à 5 %, soit légèrement au-dessus de 3,67 % autorisés par un accord international de 2015 mais loin du matériel fissile enrichi à 60 % que Téhéran produit déjà.Cela « va clairement dans la mauvaise direction, l’Iran fait croire qu’il réagit à une résolution du conseil des gouverneurs (de l’AIEA), mais au vu de la situation nous disons que l’impératif du moment pour l’Iran devrait être à la désescalade », a souligné depuis Berlin un porte-parole des Affaires étrangères allemandes. Les Iraniens défendent un droit au nucléaire à des fins civiles et nient vouloir se doter de l’arme atomique, ce dont les Occidentaux les soupçonnent fortement.Un accord déchiré par Donald Trump En 2015, l’Iran avait conclu à Vienne un accord avec la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et les États-Unis pour encadrer son programme nucléaire. Le texte prévoyait en contrepartie un allègement des sanctions internationales contre Téhéran. Mais en 2018, Donald Trump, devenu président des États-Unis, avait retiré unilatéralement son pays de l’accord – auquel se conformait Téhéran, selon l’AIEA – et rétabli de lourdes sanctions à l’encontre de l’Iran.En représailles, Téhéran a considérablement augmenté ses réserves d’uranium enrichi et porté le degré d’enrichissement à 60 %, proche des 90 % nécessaires pour fabriquer une arme atomique.



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Publish date : 2024-11-29 14:13:09

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