L’Express

Rendre aux Français leur liberté : cette vision gaullienne qui manque au pays, par Nicolas Bouzou

Des personnes regardent le Général de Gaulle prononcer un discours à la télévision, le 20 avril 1963




Le 16 décembre, Artcurial mettra en vente des centaines d’objets et manuscrits issus de la collection de l’amiral Philippe de Gaulle, le fils du général, décédé il y a quelques mois à plus de 100 ans. Trouvera-t-on, dans ce trésor, de nouvelles indications quant à la pensée économique et sociale de l’homme du 18 juin ? Il y a peu de chances car il semble que les souvenirs en question sont très personnels. Mais toutes les occasions sont bonnes pour réfléchir au legs du fondateur de la Ve République sur ces sujets, surtout au moment où la classe politique ne sait plus comment aborder les défis économiques qui se posent au pays. En témoignent nos débats parlementaires sur la réduction des déficits, au cours desquels les augmentations d’impôts tiennent lieu d’alpha et d’oméga, et la moindre réflexion sur le fonctionnement de l’Etat semble avoir déserté 90 % des esprits.Pour redonner du carburant à la pensée politique, on pourra se reporter au formidable ouvrage de notre actuel ministre délégué aux Armées, Jean-Louis Thiériot, intitulé De Gaulle, le dernier réformateur (Editions Taillandier, 2018). En outre, quiconque s’intéresse à l’histoire économique de notre pays serait bien inspiré de parcourir les Mémoires du général, chef-d’œuvre d’intelligence, de clarté et d’efficacité. Comme chez Tocqueville, on trouve à chaque page des fulgurances pour aujourd’hui, notamment dans le domaine économique et social – voir en particulier ses Mémoires d’espoir, rédigés après son départ de l’Elysée et malheureusement interrompus par la mort.Liberté dans l’entreprise, ordre dans les finances publiquesPremier enseignement de ces lectures : de Gaulle était, sur les questions économiques, un grand libéral. Il est malheureux qu’une partie de la droite française, qui n’a visiblement jamais lu ses écrits, le considère comme un interventionniste et un protectionniste. A ses yeux, la liberté d’entreprendre constituait le meilleur gage de développement économique et social, et l’ordre dans les finances publiques, seul moyen de maîtriser l’inflation, une condition nécessaire de l’ordre dans la société. Preuve en est son choix de s’appuyer sur Jacques Rueff pour la conception du plan de redressement de la France, après la stabilisation Pinay de 1958, qui empruntait les traits de la politique de l’offre. De Gaulle confia le destin économique du pays à l’un de ses plus grands esprits libéraux qui, en luttant contre les rentes, immergea celui-ci dans le grand bain de la concurrence européenne. Ce n’est pas rien.Deuxième leçon : le politique doit organiser la complémentarité entre l’Etat et la liberté. Le problème principal de la France en 2024, c’est que l’Etat croît sans contrôle. La dépense publique, les prélèvements obligatoires et le stock de normes atteignent des niveaux inégalés. Alors que le rôle de l’Etat devrait être d’assurer ses missions régaliennes et de permettre aux entreprises de grandir, il est devenu le frein n° 1 à l’innovation et au développement économique. Un directeur d’administration, aujourd’hui, se fixe comme principal objectif non plus l’intérêt général, mais la maximisation de son budget. C’est parfaitement contraire à l’esprit gaullien du rôle de l’Etat, et de l’idée d’une « administration de mission ».Un libéralisme utilitaristeDernier précepte : le but de la politique économique, c’est la prospérité des Français et la puissance de la France. En ce sens, le libéralisme du général était utilitariste. Donner le maximum de liberté aux Français visait, selon de Gaulle, à leur permettre d’offrir le meilleur d’eux-mêmes à la France. Cette idée s’est matérialisée par deux fois en 2024 : avec nos fabuleux Jeux olympiques et avec la réouverture imminente de Notre-Dame de Paris, qui n’aura jamais été aussi belle de son existence.Pour mener à bien ces deux chantiers colossaux, il a fallu en passer par des lois d’exception. Ces dernières ont levé toutes les contraintes qui, en temps normal, empêchent les Français les plus talentueux de révéler leur potentiel. Voilà l’essence du message gaullien : pour le bien du pays, accordons davantage de liberté à nos compatriotes.



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Author : Nicolas Bouzou

Publish date : 2024-11-29 11:00:00

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