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Economies d’énergie : l’échec d’un dispositif à 6 milliards d’euros

La France mène, depuis plus de 10 ans, une politique d'incitation fiscale pour la réalisation de travaux d'économies d'énergie dans les habitations principales.




Comme souvent, tout partait d’une bonne idée : mettre les Français sur le chemin de la sobriété. Mais voilà. La méthode suivie par la France, qui repose sur les certificats d’économie d’énergie (CEE), fait l’objet d’un rapport au vitriol de la part de la Cour des comptes. Les juristes appellent à une refonte en profondeur de ce mécanisme, considéré comme coûteux pour les ménages et inefficace.Créé en 2005, le système oblige – en échange de certificats – les fournisseurs d’électricité, de gaz ou de carburant à soutenir des actions d’économies d’énergie. Sur le papier le principe est simple. Mais au fur et à mesure, le système s’est complexifié. Au point d’inclure une forêt insondable de mesures : isolation des bâtiments, changement de chaudières, formations, récupération de la chaleur industrielle…Une taxe déguisée »Pour trouver des moyens de financements sans débloquer de nouvelles lignes budgétaires, l’Etat n’a cessé d’élargir le dispositif », abonde Matthieu Glachant, économiste et professeur à Mines ParisTech. Depuis 2018, plus de 280 textes réglementaires sont venus modifier ses contours… Résultat, les CEE reposent désormais « sur des règles et mécanismes multiples et instables », différenciés selon les énergies ou les fournisseurs, sans pour autant apporter la preuve de « la réalité des économies obtenues », étrille la Cour des comptes.Selon le gouvernement, les actions menées dans le cadre des CEE auraient permis de réduire de 6,5 % la consommation d’énergie en France entre 2014 et 2020. Mais pour la Cour des comptes, les économies d’énergie annoncées pour l’année 2022-2023 seraient surestimées de 30 %. Les auteurs pointent plusieurs dysfonctionnements. Une bonne partie des certificats n’ont pas de lien direct avec les économies d’énergie ; la manière de comptabiliser ces baisses incite aux approximations ; les actions répertoriées par l’Etat pour émettre ces certificats se fondent sur leurs effets supposés, sans qu’un contrôle à postériori puisse en attester… Enfin, quand les travaux sont bien réalisés, ils entraînent parfois un effet rebond important, c’est-à-dire une hausse de la consommation d’énergétique.Inefficace, le dispositif brasse pourtant beaucoup d’argent. Entre 2022 et 2023, le coût total du mécanisme approchait les 6 milliards d’euros. Une somme dont s’acquittent en réalité les ménages et les entreprises du secteur tertiaire, car les fournisseurs d’énergie répercutent le coût des certificats dans leurs prix de vente, ce qui représente de facto une taxe sur l’énergie. « En 2023, chaque ménage a ainsi, en payant ses factures d’énergies, financé à hauteur de 164 € en moyenne le dispositif », souligne la Cour des comptes. « A l’heure des appels à la sobriété, cela représente une manière aisée pour l’Etat d’éviter d’augmenter la fiscalité sur l’énergie », constate Matthieu Glachant.Eviter les fraudesPour corriger le système, une réforme d’ampleur est nécessaire, note l’étude. Si l’Etat souhaite conserver le dispositif, il faudra impérativement le simplifier, et le rendre réellement mesurable. « La mesure et la publication des résultats effectifs, débarrassés des artifices de l’unité de compte actuelle, seraient à cet effet une première avancée essentielle », évoque le rapport. Une solution complémentaire serait de resserrer drastiquement la cible du dispositif en le concentrant sur des bénéficiaires professionnels. « Cela permettrait de soutenir les besoins des acteurs économiques et de s’assurer que de véritables économies d’énergie seront réalisées puisque ces acteurs réalisent généralement un suivi de leurs consommations », écrivent les auteurs. Cela aurait aussi pour bénéfice d’éviter une bonne partie des fraudes aux certificats, qui sont principalement rencontrés dans le secteur des particuliers.La Cour des comptes appelle également à intégrer plus de transparence dans le système. Pour cela, elle plaide pour que le Parlement joue un rôle dans l’orientation du dispositif, notamment en intégrant ses objectifs dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). « Déterminer les objectifs de réduction de la consommation via les CEE dans une loi-cadre comme la PPE c’est la bonne solution, souligne Matthieu Glachant, car ce sont des outils administratifs permettant d’assurer une certaine stabilité au dispositif. » Mais si les anomalies persistent, la suppression du dispositif pourrait être envisagée, relève la Cour. C’est d’ailleurs l’option qu’à choisi le Danemark.



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Author : Valentin Ehkirch

Publish date : 2024-09-20 06:00:00

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