L’Express

Nucléaire : l’été de tous les paradoxes pour la filière, par Cécile Maisonneuve

La piscine du réacteur nucléaire de Flamanville 3, le 25 avril 2024 dans la Manche




Côté soleil, le démarrage imminent de l’EPR de Flamanville et, cet été, le début des travaux préparatoires du grand chantier des deux EPR2 à Penly. Côté ombre, la victoire de la gauche aux élections législatives anticipées dont le programme est resté remarquablement muet sur le sujet. D’un côté, se clôt un épisode douloureux, celui des projets de construction isolés qui partout ont vu leur calendrier déraper et leur budget exploser. L’industrie nucléaire peut enfin regarder devant elle : la réalité d’un monde où il est enfin acté par les gouvernements d’un nombre croissant de pays, à la suite des scientifiques, qu’il n’y aura pas de transition énergétique vers le bas-carbone sans nucléaire. De l’autre, les fantômes d’un passé pas si lointain resurgissent, que décrit avec vigueur le rapport transpartisan des députés Armand et Schellenberger de 2022 : un monde où le poids et l’avenir du nucléaire sont sabordés à la faveur d’accords de coalition entre le Parti socialiste et les seuls écologistes naguère, dorénavant confortés par l’analphabétisme économique et industriel de La France insoumise. Scénario cauchemar pour une filière encore traumatisée par la légèreté d’un politique capable de sacrifier sur un coin de table l’un des secteurs où la France peut encore parler d’excellence et de rang mondial.La terrible ironie de la situation veut qu’un gouvernement de gauche qui s’installerait aujourd’hui aux manettes pourrait se contenter d’appliquer le droit existant pour mettre en œuvre un programme antinucléaire. Nul besoin d’aller chercher une majorité introuvable dans un Parlement qui est largement favorable au nucléaire dans la mesure où la politique énergétique des années à venir est, dans l’ordre juridique, toujours régie par la programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028, par un décret adopté en 2020 toujours en vigueur. Un décret qui prévoit la fermeture de 14 réacteurs d’ici à 2035 et qui fait de la mise en place d’une filière de démantèlement l’alpha et l’oméga de la politique nucléaire française.Sortir de l’emprise de KaaCertes, une nouvelle programmation, radicalement différente, qui vise à un développement massif du nucléaire, a été mise en consultation à l’automne dernier mais elle n’est pas entrée dans l’ordre juridique. La Macronie mithridatisée par Jupiter se voyait avec l’éternité devant elle. Résultat : le discours de Belfort et toutes les déclarations d’amour au nucléaire des deux gouvernements précédents se résument à ce qu’ils ont toujours été, des mots… Tellement macronien, non ?Et maintenant ? De deux choses l’une. Soit le Parti socialiste, dont il est possible qu’il soit le groupe majoritaire à gauche, montre qu’il n’est plus, comme ses alliés verts, bloqué en 1997 ou en 2012, et qu’il est sorti de l’emprise du Kaa (le serpent dans Le Livre de la jungle) des Insoumis, soit il rejoue 2012, avec le succès final que l’on sait. Autre option, se transformer en Labour (sans Corbyn), en un véritable parti social-démocrate qui regarde le monde tel qu’il est. Il enverrait ainsi un message de responsabilité à l’industrie, aux investisseurs et à la droite dont il aura besoin pour gouverner. Il a su le faire s’agissant de la réalité géopolitique sur l’Ukraine ; la réalité énergétique après la crise massive de 2022 s’impose tout autant à lui. Rejouer la majorité plurielle de 1997 et 2012 dans le monde de 2024 le condamnerait à l’échec.Nous vivons un moment darwinien du spectre politique français : seuls ceux qui s’adapteront aux circonstances survivront (politiquement…). Ce message vaut d’ailleurs aussi pour les partis de droite : dans le régime parlementaire qui est le nôtre depuis le 9 juin, la droite a la responsabilité d’exercer le pouvoir si elle le peut. Et les uns comme les autres doivent se convaincre d’une chose : ne pas décider, enterrer le sujet de l’avenir du nucléaire revient à le tuer, à mettre la France hors course industrielle, énergétique et climatique. Le déclassement ne sera plus un refrain mais la réalité dont ils seront comptables.



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Author : Cécile Maisonneuve

Publish date : 2024-07-13 06:30:00

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