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Comment les Français juifs se protègent face à la montée de l’antisémitisme




L’événement était prévu depuis des semaines. Le 8 septembre, les prestigieux salons Hoche, situés dans le VIIIe arrondissement de Paris, ont accueilli dans leurs locaux le 87e Salon israélien de l’investissement et de l’immobilier. Le rendez-vous, public et ouvert à tous, a été placé sous haute protection : des portiques de sécurité ont été installés dans le hall, tandis qu’une dizaine de camions de CRS étaient stationnés dans les rues adjacentes, afin d’éviter tout attroupement intempestif. Plus discrets, généralement habillés en civil, « une quinzaine de membres » du Service de protection de la communauté juive (SPCJ) étaient également mobilisés aux abords du lieu, selon un représentant de la communauté présent sur place. En appui des forces de l’ordre, ces bénévoles ont notamment pour mission de sécuriser les abords des bâtiments communautaires juifs, en repérant d’éventuels fauteurs de troubles ou comportements suspects.Depuis le 7 octobre, cette organisation privée qui se définit comme « apolitique et à but non lucratif », est plus mobilisée que jamais dans la communauté juive. « Il y a eu un réel changement d’échelle sur l’intensité de la menace. Nous n’avons pas d’autres choix que d’être acteurs de notre propre sécurité », lâche Yonathan Arfi, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Alors que plus d’un millier d’actes antisémites ont été décomptés par le ministère de l’Intérieur et le SPCJ entre janvier et juillet 2024, le contexte sécuritaire angoisse la communauté juive dans son ensemble – et renforce son désir de s’autoprotéger. La tendance n’est pas nouvelle : le SPCJ a été fondé il y a plus de quarante ans, sous l’impulsion du Crif, du Fonds social juif unifié (FSJU) et des Consistoires, à la suite de l’attentat à la bombe de la rue Copernic en octobre 1980.L’organisation, dont les responsables de la communauté juive répètent qu’elle n’est « ni une milice, ni une police » et qui n’a jamais cessé d’exister, compte aujourd’hui une poignée de salariés et des dizaines de bénévoles partout en France, travaillant en étroite collaboration avec le ministère de l’Intérieur et les préfectures. « Ses membres sont notamment chargés de reconnaître ceux qui font partie de la communauté ou ceux qui seraient là pour des repérages. En cas de problème ou d’agression antisémite, n’importe qui peut également les appeler sur un numéro vert », résume Albert Elharrar, président de la communauté juive de Créteil. « Les membres du service connaissent les procédures, les bons numéros, les accès privilégiés pour joindre la police. Mieux vaut écouter leurs préconisations : s’ils vous disent de mettre un code d’accès devant telle synagogue, vous le faites », confie un autre représentant de la communauté juive, préférant garder l’anonymat.Pour le reste, difficile d’en savoir plus : par nature très discret et par souci de sécurité, le service ne communique ni sur le profil de ses membres, ni sur la formation de ces derniers. Présidé par Alexandre de Rothschild, PDG de la banque d’affaires Rothschild & Co, l’organisme serait intégralement financé par « des investisseurs privés », selon Yonathan Arfi. A commencer par la Fondation pour la mémoire de la Shoah, qui indique sur son site Internet être « le premier partenaire financier » du SPCJ. L’Etat participe bien à la sécurisation matérielle de certains bâtiments – le ministère de l’Intérieur indique à L’Express avoir investi plus de 4 millions d’euros en 2023 pour renforcer la sécurité des lieux de culte juifs -, mais « cela ne couvre pas le coût humain nécessaire à la surveillance de ces lieux », admet le président du Crif. A Créteil, Albert Elharrar se désespère ainsi de devoir « rajouter une ligne « vigiles » dans le budget de chaque conférence ou chaque rassemblement communautaire » organisé depuis le 7 octobre. « Heureusement qu’on peut compter sur les membres du SPCJ et les parents bénévoles qui s’occupent de surveiller les écoles. Beaucoup se sont manifestés depuis le 7 octobre pour apporter leur aide », salue-t-il.Plateforme de signalementAu-delà de l’encadrement très formel du SPCJ, de nombreux Français juifs tentent également d’apporter une réponse individuelle à la montée de l’antisémitisme dans l’Hexagone. Moché Lewin, rabbin de la synagogue du Raincy (Seine-Saint-Denis), a ainsi découvert avec surprise la création de « mezouzot invisibles », spécialement conçues pour se caler discrètement dans le chambranle des portes d’entrée – cet objet de culte juif, traditionnellement apposé à l’entrée des habitations, avait été retiré par « 1 personne sur 5 » depuis le 7 octobre, par peur de représailles ou d’agressions, selon une étude réalisée par l’Ifop et l’American Jewish Committee France en mai 2024. L’homme a également reçu plusieurs demandes de formation au krav-maga de la part de « fidèles ou de parents d’élèves inquiets », et d’innombrables sollicitations de familles désireuses de déplacer leurs enfants dans une école juive, par crainte « d’agressions antisémites » dans le public.D’autres, comme Stéphane Zibi, préfèrent passer par la communication pour tenter de lutter contre les idées antisémites. En novembre dernier, l’homme a monté le collectif « Diaspora défense forces », qui vise à « combattre la désinformation et défendre l’image de la communauté juive » en France, par l’organisation de conférences ou la mise en place d’outils en ligne – sa plateforme permettant le signalement d’actes antisémites à l’école aurait par exemple déjà recueilli une « quarantaine » de signalements. Pour répondre aux craintes spécifiques d’une partie de la communauté juive concernant ses déplacements, Stéphane Zibi évoque également la création – validée par le SPCJ – d’un « réseau d’environ 120 chauffeurs de taxi », accessible via un numéro de téléphone spécifique, comprenant un « entretien en FaceTime » et la « vérification de la carte d’identité des clients ».Dans la même veine, une association sobrement baptisée « Service de protection médicale » a également été créée par des volontaires médecins ou paramédicaux membres de la communauté juive. Présents lors des événements communautaires, ces bénévoles s’occupent de former les participants aux gestes de premiers secours et garantissent une prise en charge médicale rapide en cas d’attaque. Joint par L’Express, l’un des médecins fondateurs de l’association – qui préfère garder l’anonymat – évoque « les menaces d’attentat sur la communauté juive » et les « cibles vivantes » que sont devenus les Français juifs depuis le 7 octobre. A l’approche de l’anniversaire des attaques du Hamas en Israël, l’inquiétude est palpable au sein de la communauté. « Nous avons conscience que c’est un mois à très haut risque », soupire Yonathan Arfi.



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Author : Céline Delbecque

Publish date : 2024-10-06 15:00:00

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