Sous le plafond boisé du Palais des hôtes, à Rabat, les ministres et les patrons français se sont succédé, sous l’œil du roi du Mohammed VI et du président français Emmanuel Macron, pour sceller solennellement vingt-deux accords dans divers domaines. Fouzi Lekjaa, ministre du Budget marocain, était l’un des signataires, actant avec Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement, un protocole d’entente dans le domaine de l’eau. Egalement président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) depuis 2014, Fouzi Lekjaa est le principal artisan de la candidature conjointe du Maroc, avec l’Espagne et le Portugal, pour l’organisation du Mondial 2030, qui doit être confirmée le 11 décembre au Congrès de la FIFA. Pour L’Express, il revient sur la visite historique ainsi que les perspectives de partenariat économique, notamment dans le champ des infrastructures.L’Express : Quel est votre regard sur la signature des accords économiques et la visite d’Etat du président Macron à Rabat ?Fouzal Lekjaa : Au-delà des accords, la visite du président Macron au Maroc, à l’invitation de sa Majesté le Roi, marque une nouvelle étape, et la suite logique de relations exceptionnelles qui ont toujours lié nos pays. A travers l’histoire, cette relation n’était pas seulement commerciale mais aussi culturelle, civilisationnelle. La dimension économique est déjà présente aujourd’hui : le Maroc est le premier partenaire africain de la France. Avec l’élan donné par ces signatures, l’objectif est d’encourager la construction de champions mixtes entre entreprises marocaines et françaises, capables de conquérir le continent africain. Le potentiel de développement est énorme. Dans les télécoms, le secteur bancaire, du secteur financier, le génie civil, les BTP, l’énergie propre, l’eau, le dessalement… La complémentarité nous permettra de réussir ensemble. Ces projets interviennent dans un contexte qui met le Maroc et la France devant des défis assez complexes comme la situation au Moyen-Orient ou au Sahel. Nous devons unir nos atouts pour faire face.Le Maroc, très bien implanté sur le continent, ne semble pas vraiment besoin de la France, qui a très mauvaise presse dans plusieurs pays africains.Il faut s’écarter de la logique du « qui a besoin de l’autre ». Le plus important, c’est d’utiliser les atouts de l’un pour combler les insuffisances de l’autre et former des entités mixtes capables d’aller exporter leur expertise, au niveau du continent africain, du continent européen ou ailleurs. Le Maroc a ce rôle de relais entre les deux continents, qui ne date pas d’hier : le royaume a toujours été un passage pour les échanges, la passerelle qui assurait ces transferts commerciaux, économiques mais aussi civilisationnels. La particularité de cette visite, c’est de construire les jalons d’une relation future, particulière, exceptionnelle et stratégique, qui impose aux générations futures un autre état d’esprit dans la manière d’agir.
Le pourtour méditerranéen n’est pas là que pour gérer des situations problématiques liées à l’immigration.La France vient d’organiser les Jeux olympiques. Vous êtes le porteur de la candidature de Mondial 2030 au Maroc, au Portugal et en Espagne. Attendez-vous des transferts de compétence dans ce domaine ?La candidature conjointe du Maroc, de l’Espagne et du Portugal est particulière puisqu’il s’agit de la candidature de deux continents et de trois pays. Géographiquement, c’est une triangulaire magnifique. Vous pouvez voir un match à Madrid et le même jour, un autre à Rabat. C’est une heure de vol entre chaque capitale. Il y a une continuité civilisationnelle sur ce pourtour méditerranéen. Mon objectif est de signifier à la jeunesse européenne et africaine que la réussite pourrait être collective. Le pourtour méditerranéen n’est pas là que pour gérer des situations problématiques liées à l’immigration. Nos ancêtres ont construit ensemble et il est possible de le refaire aujourd’hui. C’est une responsabilité collective des Etats d’Europe et d’Afrique. La France nous aidera évidemment à réussir le rendez-vous.Nous rencontrons des patrons d’entreprises français dans le cadre de la visite d’Etat. Une Coupe du monde, c’est un système très complexe, qui mobilise tous les domaines. Une partie des projets ou des conventions stratégiques qui ont été signés lundi s’inscrivent parfaitement dans ce processus, comme la ligne à grande vitesse entre Casablanca et Marrakech pour faire la continuité entre Tanger et Marrakech. Un spectateur pourra faire Madrid ou Marrakech en quelques heures de déplacement par train rapide. C’est cela, la complémentarité !Le président de la fédération de football marocain Fouzi Lekjaa (centre), accompagné de ses homologues portugais et espagnols lors de la signature de la lettre d’intention pour le Mondial 2030.Quels sont les principaux défis pour le Maroc dans l’organisation de cet événement ?Par rapport aux infrastructures sportives, nous sommes presque dans la même configuration que pour la Coupe du monde France 98. On aura à construire un seul grand stade à Casablanca et mettre à niveau les stades existants. Le défi numéro un de cette organisation pour nous, du côté marocain, c’est de réussir l’héritage à 100 %. Dans un événement sportif majeur, le degré d’évaluation, c’est l’héritage. Nous voulons utiliser la Coupe du monde pour accélérer le processus de développement qui a été lancé depuis plus de 25 ans, pour réaliser les besoins du Maroc en 2030. Il faut réaliser les extensions de nos aéroports d’ici la fin de la décennie, avec ou sans Coupe du monde, parce que le flux de touristes connaît une croissance à deux chiffres chaque année. De même pour les infrastructures autoroutières ou pour nos projets énergétiques.Il y a quelques mois, j’ai eu l’occasion de rencontrer Monsieur Bruno Le Maire [alors ministre de l’Economie, NDLR] en visite au Maroc, accompagné de plusieurs chefs d’entreprise. Nous ne partons pas de zéro. Il y a plusieurs entreprises françaises qui travaillent chez nous et qui nous appuieront. Une Coupe du monde, c’est un évènement majeur, plus de 10 millions de spectateurs et 48 équipes, 102 matchs, avec toutes les exigences de mobilisation, d’infrastructure, d’organisation, de sécurité, de gestion de flux. C’est deux fois la Coupe du monde de 1998 avec 24 équipes. De plus, en 2030, ce sera le centenaire de la compétition !Au moment du séisme en septembre 2023, beaucoup de commentaires affirmaient qu’il y avait une façade du Maroc très moderne, très développée et une autre qui en a moins profité. Est-ce que depuis, il y a eu des investissements massifs dont vous voyez déjà les fruits ?La gestion du séisme a été une réussite, dans une approche maroco-marocaine et qui a été dès le départ, supervisée et pilotée par Sa Majesté le Roi personnellement. La solidarité marocaine a été citée en exemple. Un an après le séisme, les logements qui étaient touchés partiellement sont démolis, et nous avons entamé une nouvelle configuration des infrastructures. Les habitants d’Al-Haouz aujourd’hui, même si vous leur donnez la possibilité gratuitement de loger à Marrakech, ils ne quitteront jamais la zone. C’est leur monde. Contrairement à ce qu’on peut dire, c’est un écosystème très riche, en atouts naturels, touristiques, etc. D’ailleurs, les douze millions de touristes qui vont à Marrakech ne restent pas que dans la ville et visitent la région d’Al-Haouz. Il ne faut pas aller dans des logiques de comparaison, en prenant pour référence des gratte-ciel face à une région riche en patrimoine naturel.
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Author : Hamdam Mostafavi
Publish date : 2024-11-01 11:24:57
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