C’est une correction qui résume l’importance des enjeux. Il y a quelques mois encore, Goldman Sachs estimait que le marché des robots humanoïdes pèserait 6 milliards de dollars dans une décennie. Il le chiffre désormais à 38 milliards d’ici à 2035. La lutte pour dominer ce qui se dessine comme une filière industrielle majeure fait rage entre les Etats-Unis et la Chine. Même si la commercialisation auprès du grand public en tant qu’assistant domestique est mise en avant par les fabricants, la robotique humanoïde sera d’abord une réponse à la pénurie généralisée de main-d’œuvre dans l’industrie manufacturière, et notamment dans l’automobile.Les robots industriels sont déjà largement déployés dans les usines. Mais ces machines imposantes ne sont pas mobiles et prennent un certain temps à être reconfigurées sur de nouvelles tâches. En parallèle, les constructeurs automobiles subissent une accélération du rythme de sortie de véhicules toujours plus personnalisés, dont la partie électronique – et donc les tâches de précision – s’enrichit. La reconfiguration rapide des chaînes de production devient essentielle. C’est là où interviennent des robots humanoïdes polyvalents, auto-apprenants, mobiles et capables de coopérer entre eux ou avec des humains.Les usines automobiles sont également d’excellents environnements de test. Les tâches telles que la manutention, le tri, le soudage ou l’assemblage sont des activités parfaites pour aider les robots à accumuler des données d’entraînement. C’est la stratégie de Tesla et de son humanoïde Optimus qui est aujourd’hui entraîné dans les usines du groupe. Le premier partenariat commercial de l’américain Figure AI, qui a levé 700 millions de dollars en moins de trois ans d’existence, a été signé avec l’usine BMW de Caroline du Sud. Apptronik envoie son robot bipède Apollo dans les installations de Mercedes-Benz en Hongrie. Le japonais Toyota investit dans sa R&D autour des robots humanoïdes et le sud-coréen Hyundai a racheté la célèbre entreprise Boston Dynamics à Alphabet, maison mère de Google, en 2022. Le fabricant chinois de robots UBTech, basé à Shenzhen, aurait déjà reçu des commandes de la part de BYD. Enfin, XPeng, l’un des trois plus gros constructeurs de voitures électriques chinois, a dévoilé en novembre son humanoïde Iron.Record de vitesseConscient des questions de souveraineté que pose cet afflux de machines dans les usines, le ministère chinois de l’Industrie et des Technologies de l’information a proclamé, l’an dernier, que la Chine visait à devenir le premier producteur mondial de robots humanoïdes de pointe d’ici à 2027, à travers le Plan d’action pour les robots intelligents incarnés. Les membres de ces derniers doivent imiter les mouvements articulaires et musculaires du corps humain et se mesurent en degrés de liberté (DOF en anglais, pour degrees of freedom), soit le nombre d’articulations contrôlables indépendamment. Récemment, Fourier, une entreprise spécialisée dans les robots médicaux et de rééducation basée à Shanghai, a lancé un modèle avec des mains à 12 DOF. L’Optimus de Tesla a, lui, été présenté avec des mains à 22 DOF, s’approchant des 27 de la main humaine. La coordination, l’équilibre et la posture nécessitent des systèmes de pilotage autonomes complexes. Enfin, l’intelligence artificielle qui anime ces robots doit être capable de traiter et de répondre en temps réel à des quantités massives d’informations captées par l’image ou le laser.Le mois dernier, c’est un robot chinois, Star1, équipé de chaussures de course, qui a battu le record de vitesse à 13 kilomètres/heure, autrefois détenu par l’humanoïde H1 d’Unitree Robotics, une société installée à Hangzhou et connue pour ses quadrupèdes. Un rapport de la Commission économique et de sécurité sino-américaine révèle que les entreprises chinoises sont à égalité avec les Etats-Unis en ce qui concerne les performances physiques des robots, mais qu’elles sont en retard pour les capteurs et le traitement de la donnée.L’accès aux puces de dernière génération sera crucial. Nvidia vient juste de présenter sa puce Jetson Orin Nano Super, optimisée pour le traitement local dans un robot : 70 trillions d’opérations par seconde pour une consommation de 25 watts. Sera-t-elle restreinte à la vente aux entités chinoises ? Elon Musk, quant à lui, vient de rencontrer le président du fondeur taïwanais TSMC pour faire fabriquer ses puces Dojo utilisées pour la conduite autonome des Tesla. Elles seront les futurs cerveaux de ses robots Optimus.Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol)
Source link : https://www.lexpress.fr/economie/high-tech/les-etats-unis-contre-la-chine-qui-remportera-le-match-des-robots-humanoides-WPFFBN5GVNCJZIUARADSGUFZDU/
Author : Robin Rivaton
Publish date : 2024-12-29 07:15:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.