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Aide à l’Ukraine : que sont les terres rares, convoitées par Donald Trump ?

Aide à l’Ukraine : que sont les terres rares, convoitées par Donald Trump ?

Dysprosium, néodyme, cérium… Ces métaux seront-ils la prochaine monnaie d’échange pour Kiev, afin de s’assurer de l’aide militaire américaine face à Moscou ? Donald Trump a dit, lundi 3 février, vouloir négocier un « accord » avec l’Ukraine de manière à ce qu’elle offre aux États-Unis une « garantie » sur ses « terres rares ». Que sont ces métaux, désormais stratégiques pour le développement de plusieurs technologies, et en quoi ont-ils leur importance dans le conflit ukrainien ?

Une demande mondiale en pleine croissance

Les terres rares sont composées de 17 matières premières, découvertes à la fin du XVIIIe siècle en Suède, et possédant chacune des propriétés différentes. Ces éléments ont été regroupés sous une même appellation, car ils sont souvent présents dans les mêmes sols. Une fois le minerai récupéré dans la terre, il fait l’objet d’un traitement de « séparation » assez coûteux pour le séparer des autres éléments.

Dites rares, ces terres sont en réalité plutôt abondantes sur la planète, leur découverte augmentant avec la demande. Dans un bilan de 2024, l’US Geological Survey évaluait à 110 millions de tonnes les réserves mondiales, dont plus du tiers, 44 millions de tonnes, situées en Chine, 22 millions au Vietnam, 21 millions au Brésil, 10 millions en Russie et 7 millions en Inde.

« Plus la demande progresse pour ces matières premières, plus les gens en cherchent, et plus ils en trouvent. Le problème est davantage dans la relation entre le coût d’extraction et le prix de marché », analyse auprès de l’AFP John Seaman, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Or la demande devrait continuer à augmenter. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’Union européenne aura, par exemple, besoin à cette date de 26 fois plus de terres rares qu’aujourd’hui, selon les calculs de l’université KU Leuven pour Eurométaux, l’association européenne des producteurs de métaux.

Indispensables à l’industrie

Chacun de ces minéraux a son utilité pour l’industrie, entre l’europium utile aux écrans de télévision, le cérium destiné au polissage du verre ou le lanthane pour les catalyseurs dans les moteurs à essence. On peut en trouver aussi bien dans un drone, une éolienne, un disque dur, un moteur de voiture électrique, une lentille de télescope ou un avion de chasse. « Certains de ces éléments sont plus ou moins irremplaçables, ou alors à des coûts élevés », note John Seaman.

Irremplaçables parce que leurs propriétés sont parfois uniques, ils sont par exemple privilégiés pour fabriquer les aimants permanents des éoliennes en mer, grâce aux qualités du néodyme et du dysprosium. Une fois installés, les aimants nécessitent peu d’entretien et affichent de fortes performances, facilitant le fonctionnement de ces équipements installés loin des côtes.

Concurrence avec la Chine

Dans la course aux minerais stratégiques, la Chine est en bonne position. D’une part, car elle en est richement dotée, mais aussi car elle bénéficie des « avantages tirés d’un retard dans la régulation des industries extractives », souligne Jane Nakano, chercheuse à Washington, au Centre international d’études stratégiques (CSIS).

Pékin a en effet su, au fil des années et d’investissements publics massifs, maintenir un large réseau de raffinage des matériaux bruts, amenant aujourd’hui de nombreux producteurs sur la planète à y exporter leurs minerais. Pékin a par ailleurs déposé davantage de brevets dans les terres rares que l’ensemble du reste du monde réuni, signale Jane Nakano.

Diversifier les approvisionnements

Entre divergences commerciales et géopolitiques, les tensions entre la Chine et l’Occident sont nombreuses. Bruxelles et Washington sentent l’urgence à diversifier leurs approvisionnements sur ces matières premières essentielles. Les craintes de blocages reposent d’ailleurs aussi sur un douloureux précédent : Tokyo avait vu son robinet de terres rares coupé par la Chine en 2010 en raison d’un conflit territorial.

Le Japon a depuis diversifié ses approvisionnements, en passant des accords avec l’entreprise australienne Lynas en Malaisie et en développant sa filière de recyclage. Aux États-Unis, une autre alerte s’est produite en mai 2019. En pleine guerre commerciale avec Washington, le président chinois Xi Jinping avait effectué une visite dans une usine de traitement de terres rares, laissant ainsi planer la menace d’un blocage par la Chine des exportations de terres rares raffinées.

L’Ukraine, une solution pour les Occidentaux ?

Face à ce problème, de nombreux regards se tournent vers l’Ukraine, où Volodymyr Zelensky n’exclut pas de mettre à profit les terres rares pour soutirer un soutien militaire. Dans un plan de paix dévoilé en octobre dernier, le président ukrainien avait, sans évoquer spécifiquement les terres rares, proposé un « accord spécial » avec les partenaires de son pays, permettant une « protection commune » et une « exploitation commune des ressources stratégiques » de son pays.

Il avait donné pour exemples « l’uranium, le titane, le lithium, le graphite et d’autres ressources stratégiques de grande valeur ». Ces minerais feront probablement partie de « l’accord » mentionné en début de semaine par Donald Trump : « Nous cherchons à trouver un accord avec l’Ukraine selon lequel ils apporteraient en garantie leurs terres rares et d’autres choses en échange de ce que nous leur donnons », a indiqué le président américain pendant un échange avec des journalistes dans le Bureau ovale.



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Publish date : 2025-02-04 14:00:00

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