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Dans l’ombre de la guerre en Ukraine, les négociations de la Russie avec la Syrie

Dans l’ombre de la guerre en Ukraine, les négociations de la Russie avec la Syrie

12 février 2025. Vladimir Poutine décroche son téléphone. Au bout du fil, Ahmed al-Chaara, nouveau président de la République arabe syrienne pour la période de transition. Les deux dirigeants discutent des liens politiques, commerciaux, économiques entre leurs pays. La Russie souhaite « améliorer la situation socio-économique en Syrie ». Quelques jours plus tard, elle envoie un avion livrer l’équivalent de 23 millions de dollars de billets de banque à Damas et adresse une invitation officielle au ministre syrien des Affaires étrangères. Et ce, alors même que le Qatar et l’Arabie saoudite se sont abstenus de fournir les millions de dollars d’aide budgétaire dont ils avaient discuté, par crainte de sanctions. Des personnes au courant des pourparlers le confirment au Wall Street Journal : la Russie est prête à discuter des termes des accords signés sous la présidence de Bachar el-Assad.

Des champs de gaz à l’extradition de Bachar el -Assad

En réalité, les discussions ont commencé lorsque le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhail Bogdanov, et l’envoyé spécial de Vladimir Poutine pour la Syrie, Alexandre Lavrentiev, sont arrivés dans le pays en janvier. Leur objectif était clair : négocier l’avenir de la base aérienne russe de Hmeimim et de la base navale de Tartous situées sur la côte syrienne. Des infrastructures militaires indispensables au Kremlin, qui lui permettent d’élargir considérablement sa présence dans la région. Mais d’après des sources informées des négociations, les pourparlers se sont rapidement étendus à d’autres enjeux que la défense.

Investissements dans les champs de gaz et les ports, excuses potentielles de Moscou pour son rôle dans les bombardements durant la guerre civile, demande des nouvelles autorités syriennes pour l’extradition de Bachar el-Assad : depuis la chute de l’ancien régime, les négociations ont porté sur un éventail de sujets. Selon les responsables européens et syriens informés des pourparlers, interviewés par le quotidien américain, la Russie a toutefois refusé de discuter du dernier point, à savoir la demande de délivrance de l’ancien dictateur.

Face à ce refus, les négociateurs syriens ont fait une autre demande : le rapatriement des fonds qui avaient été transférés par l’ancien régime à la Russie. Selon les dossiers des douanes consultés par le Wall Street Journal, la banque centrale syrienne a envoyé environ 250 millions de dollars à une banque d’Etat à Moscou entre 2018 et 2019. Les membres de la famille Assad ont également acheté pour plus de 40 millions de dollars d’appartements dans des gratte-ciel de luxe en Russie, d’après un rapport de 2019 du groupe anticorruption Global Witness.

Une relation donnant-donnant

Quelques jours avant la chute du régime de l’ancien chef d’Etat, la Russie avait qualifié ses nouveaux interlocuteurs, les rebelles syriens, de terroristes. Si le Kremlin change aujourd’hui de position, c’est qu’il a tout à y gagner. Moscou est face à une opportunité pour, à la fois accroître son poids économique, mais aussi conserver ses bases militaires sur le territoire. La Russie possède peu d’alternatives ailleurs. Elle a accès aux bases aériennes en Libye, mais n’a pas réussi à y établir une base navale, selon les responsables libyens, européens et américains. De son côté, la Syrie souhaite diversifier ses alliés pour ne plus s’appuyer exclusivement sur la Turquie, à l’heure où l’influence de la Turquie et de l’Iran grandit.

Le moment est d’autant plus opportun pour la Russie que les alliés des Etats-Unis au Moyen-Orient attendent de connaître la position de l’administration Trump sur la Syrie. Moscou a donc l’occasion de maintenir sa présence sur le territoire. Voire mieux, de la renforcer.



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Author : Aurore Maubian

Publish date : 2025-03-06 19:24:00

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