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Droits de douane : comment les entreprises européennes peuvent réagir face à Donald Trump

Droits de douane : comment les entreprises européennes peuvent réagir face à Donald Trump

Céder aux pressions américaines ou faire le dos rond ? Face à la menace agitée par Donald Trump d’une hausse des droits de douane sur ses produits tant demandés et convoités, TSMC a choisi la première option. Le leader mondial de la fabrication de semi-conducteurs s’apprête à débloquer une nouvelle enveloppe de 100 milliards de dollars pour investir aux Etats-Unis. Un montant qui vient s’ajouter aux 35 milliards de dollars déjà topés avec Joe Biden en 2022 au moment de l’adoption du Chips and Science Act. Le cas du géant taïwanais donne forcément à réfléchir aux entreprises européennes, qui se font des nœuds au cerveau.

Car le président républicain a déjà annoncé la couleur : Washington va prochainement taxer à hauteur de 25 % les produits européens. À quelle échéance ? Quels seront les secteurs concernés ? Comme à son habitude, Donald Trump se garde bien de donner des précisions. En attendant, les entreprises du Vieux Continent doivent se préparer. « On observe des dynamiques similaires à celles rencontrées pendant la crise du Covid. Il devient essentiel d’être proactif », estime Stéphane Crosnier, directeur général du bureau de Paris d’Inverto, une filiale du Boston Consulting Group spécialisée dans les achats et la gestion de la chaîne d’approvisionnement. Le premier levier consiste à multiplier les stocks outre-Atlantique afin de limiter les répercussions des nouveaux droits de douane lorsqu’ils entreront officiellement en vigueur. Une solution à durée de vie courte. « Cette approche atteint vite ses limites : si elle permet d’atténuer l’impact immédiat, elle ne garantit pas la pérennité du business », prévient Stéphane Crosnier.

Repenser la chaîne d’approvisionnement

Avec ses équipes, cet expert a développé un outil à destination de ses clients pour évaluer le coût de la politique commerciale de Donald Trump. « Les simulations réalisées montrent qu’en fonction des scénarios envisagés, la marge peut se dégrader d’un tiers, voire davantage, bouleversant totalement l’équation économique », souligne-t-il. Preuve qu’il est urgent d’agir, au risque de voir son modèle d’affaires menacé. Parmi les produits les plus exportés vers les Etats-Unis, figurent notamment les médicaments, les voitures et le matériel médical et pharmaceutique. Des secteurs où la connaissance fine de la chaîne d’approvisionnement s’avère vitale. « Les entreprises qui n’ont pas mené un travail approfondi pour identifier leurs vulnérabilités vont se trouver dans une position très délicate », assurait Anthony Gardner, ancien ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne, lors d’une conférence en ligne organisée récemment par le cabinet Brunswick.

Après la pandémie, de grands groupes comme Renault, Safran ou encore Michelin ont revu leur façon de fabriquer et de livrer des produits, en améliorant considérablement leur visibilité sur la chaîne d’approvisionnement. « C’est désormais un véritable avantage concurrentiel », affirme Stéphane Crosnier. D’après lui, « il devient impératif de reconfigurer la chaîne d’approvisionnement, en ajustant l’origine des produits, en repensant les flux logistiques et en évaluant l’incidence des droits de douane sur certaines matières premières. » Sauf que de nombreuses entreprises n’ont pas les compétences en interne pour gérer ce type de dossier. « Identifier les maillons de la chaîne qui contribuent à l’érosion des marges est une première étape. Une fois les priorités définies, il faut évaluer les actions à mettre en œuvre et quelle part de la marge peut être sécurisée », poursuit-il.

Le choix risqué de la relocalisation

En attendant que le courroux s’abatte sur eux, les Européens disposent d’une carte dans leur jeu : ils vont observer attentivement ce qu’il va se passer au Canada et au Mexique. « Ces pays sont confrontés à des mesures touchant un volume de commerce similaire à celui de l’Union européenne, et pourraient donner des indications sur ce qui attend l’Europe », juge Christopher Padilla, ancien sous-secrétaire au Commerce international de 2007 à 2008 au sein de l’administration Bush.

Reste l’option la plus risquée : envisager, comme TSMC, de délocaliser une partie de sa production pour échapper à la taxation. Un premier mouvement avait été observé après le vote en 2022 de l’Inflation Reduction Act (IRA), avec le départ de certaines entreprises européennes attirées par les subventions massives de l’Etat fédéral américain. Sauf que Donald Trump n’est pas Joe Biden. « Son imprévisibilité décourage l’investissement et pourrait inciter les industriels à l’attentisme plutôt qu’à la relocalisation », estime l’économiste Sébastien Jean. « La volatilité des décisions tarifaires rend toute projection à long terme incertaine. Un investisseur a besoin de stabilité pour prendre des décisions stratégiques, et le risque que la politique change du jour au lendemain représente un frein important », abonde Fredrik Erixon, directeur du Centre européen d’économie politique internationale (ECIPE). Un jeu du chat et de la souris qui n’en est qu’à ses débuts.



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Author : Thibault Marotte

Publish date : 2025-03-06 07:00:00

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