Tout commence souvent par un témoignage, celui d’un proche, qui évoque un ailleurs : un nouveau métier, une autre entreprise. Bref, une autre vie. Oubliées l’instant d’après ou bien taquines comme une ronce qui s’accroche, ces paroles se muent en idée : dans l’imaginaire, on finit par se projeter. Une hypothèse prudente qui peut cheminer tranquillement vers une conviction quand on se renseigne sur ce métier qui revient en mantra obsessionnel ou sur cette entreprise qui fait sens. Mais bien souvent, on se dit que « ce n’est pas le moment », en invoquant mille raisons de rester. Et pourtant, ces bousculements intérieurs ou extérieurs sont peut-être le signe qu’il est temps de se mettre en marche. Ce mal-être au travail porte un nom : le « maljob », décrit par Valérie Duez-Ruff, auteure de Quitter son job et négocier son départ (Eyrolles, 2025), dont l’un des symptômes est le « désalignement » – perte de sens, des valeurs, désharmonie ou dissonance.
Se poser la question, c’est déjà y répondre. L’accepter comme une réalité qui n’est pas chimérique, c’est avancer. Puis analyser la situation et ne pas faire taire ses propres interrogations, légitimes, afin de pouvoir passer à l’étape suivante. « Parfois, il suffit d’un simple ajustement de poste ou de responsabilités au sein de la même entreprise ou du même groupe », explique l’avocate en droit du travail. Mais dans certaines situations, c’est juste impossible. « Ne vous épuisez pas à vous entêter, vous le paierez cher. Dans ce cas, partez ! », conseille-t-elle. Juste avant le grand saut, un impératif : négocier.
Partir est sans doute la question la plus compliquée puisqu’elle soulève inévitablement celle du bon timing. « N’attendez pas le moment idéal pour agir, il n’existe pas », tranche Valérie Duez-Ruff. Attention au coup de tête néanmoins : « un changement de carrière impulsif peut entraîner des difficultés financières et professionnelles ». Pour réussir son départ, mieux vaut avoir un projet. Sa faisabilité nécessite un travail d’imagination, d’anticipation, de contextualisation et de modélisation. Il faut aussi prendre en compte sa vie personnelle, car changer de travail peut induire des évolutions ou des révolutions pour soi-même et ses proches. Il est essentiel d’enquêter, réseauter ou s’informer par ses propres méthodes. « Allez à la rencontre des gens, interrogez-les… Les gens adorent parler, surtout d’eux-mêmes ! La somme d’informations précieuses que vous récolterez sera considérable et vous sera très utile », encourage l’auteure. « En acceptant d’accueillir d’autres possibilités, au-delà de vos idées préconçues, un projet professionnel différent et mieux adapté à vous peut émerger ». Vient ensuite le moment de la négociation.
« La plupart des gens pensent qu’une négociation débute au moment où la discussion s’engage. En réalité, elle commence en premier lieu dans notre esprit », affirme Valérie Duez-Ruff. Connaître le « pourquoi » est essentiel, à la manière de Nietzsche : « celui qui a un ‘pourquoi’ qui lui tient lieu de but peut vivre avec n’importe quel « comment » ». Mais cela ne suffit pas. L’experte décrit un outil d’analyse mis en place pour clarifier ses attentes avant d’entrer en négociation : le POE, pour Position, Objectif et Enjeu. « P » représente la posture affichée au démarrage de la négociation. « O » correspond à l’objectif fixé, l’espoir de gains. « E » est l’enjeu. « La position (ce que l’on affiche) et l’objectif (ce qu’on tente d’obtenir par la négociation) peuvent être ajustés tout au long de la négociation, à la hausse ou à la baisse », précise Valérie Duez-Ruff. L’enjeu, en revanche, doit être clairement défini : c’est le plancher en dessous duquel il devient impossible de mener son projet à bien (par exemple, une démission privative d’indemnités chômage). Mais il existe aussi une voie médiane, où les deux parties sortent par le haut : une transaction et un engagement mutuel de non-dénigrement.
Un « plan B » si les négociations échouent
Enfin, quel délai pour les discussions ? « Le temps est un acteur de la négociation, trop souvent oublié, alors qu’il est majeur », insiste l’avocate. Les échanges peuvent s’étendre de 48 heures à six mois, avec une durée moyenne d’environ un mois. Pour un POE efficace, il faut bien sûr réunir tous les documents nécessaires, envisager différentes options, se faire aider si nécessaire et tenir son entourage familial au courant. Il reste primordial de prévoir un « plan B » en cas d’échec de la négociation. Pour Valérie Duez-Ruff, c’est la MeSoRe (« Meilleure Solution de Repli »), ou BATNA en anglais (« Best Alternative to a Negotiated Agreement », une stratégie développée par les Américains Roger Fisher et William Ury pour ne pas se retrouver en position de faiblesse si la négociation échoue).
Ce « plan B » peut prendre différentes formes : signer une promesse d’embauche ailleurs et démissionner, changer de poste en interne, suivre une formation pour rebondir, ou encore repenser ses arguments pour négocier à nouveau. Une volte-face est possible : l’employeur peut évoluer et accepter le départ dans des conditions satisfaisantes. Ultime hypothèse : ne pas fermer la porte à une éventuelle contre-proposition alléchante de la part de l’autre partie…
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Author : Claire Padych
Publish date : 2025-03-25 11:00:00
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