François Bayrou réprime un haussement d’épaules. Ce 12 février 2025, Bruno Retailleau se lance à l’assaut de la forteresse Les Républicains (LR), longtemps promise à Laurent Wauquiez. Le Premier ministre laisse faire. Lui, président du Modem, serait mal inspiré de faire la leçon au locataire de Beauvau. Ne voulait-il pas nommer en décembre les chefs de partis au gouvernement ? Il préfère diriger un exécutif fort, quitte à perdre en autorité. Le voilà servi. Peut-être arrive-t-il au chef du gouvernement de regretter son choix. Car la campagne interne des Républicains (LR) apparaît chaque jour un peu plus pour ce qu’elle est : une bombe à fragmentation, qui menace aussi bien la fragile coalition qu’un parti convalescent.
« Responsabilité. » LR a répété ad nauseam ce mot en septembre pour justifier son retour aux affaires. Cet autoproclamé « parti de gouvernement » – il s’accroche à son passé glorieux comme à un doudou – devait prendre les manettes pour ne pas laisser le pays aux mains du Nouveau Front populaire (NFP). LR voulait se tenir à distance d’un macronisme à l’agonie ? Le parti a adopté une habile rhétorique sacrificielle pour justifier son changement de pied, qui lui a permis de retrouver le regard des Français.
Vie politique en otage
Las, la guerre intestine dilue ces déclarations d’intention. Le patron des députés LR Laurent Wauquiez pilonne François Bayrou et Emmanuel Macron pour mieux affaiblir Bruno Retailleau. En fustigeant « l’immobilisme » du Premier ministre, il interroge la légitimité de la présence du Vendéen à l’Intérieur. Au risque d’écorner l’image de « responsabilité », qu’il convoquait en septembre. « Wauquiez est capable de prendre la vie politique en otage en raison d’une compétition interne », notait un ministre du bloc central en février. Cette responsabilité est partagée. L’élection interne parasite aussi l’action de Bruno Retailleau. Il surjoue l’indépendance pour se soustraire à tout procès en collusion avec le macronisme. Il brandit ses arbitrages remportés à Matignon et n’hésite pas à sortir de son périmètre pour faire entendre sa musique droitière. « Cette élection se joue sur la distance respective par rapport à Bayrou », note un proche du Premier ministre.
Ainsi, le ministre de l’Intérieur met en scène son conflit avec l’Algérie, preuve supposée de son intransigeance. Il ironise sur sa notoriété soudaine dans l’ancienne colonie française, laisse planer la menace d’une démission et ne manque pas une occasion d’exiger la libération de Boualem Sansal. Tant pis si cette médiatisation du cas de l’écrivain hérisse les apôtres d’une diplomatie de l’ombre. Un ministre de l’Intérieur est-il légitime à demander la dénonciation des accords de 1968, prérogative du chef de l’Etat ? Qu’importe, encore. Bruno Retailleau le fait, dans un clin d’œil assumé à ses électeurs.
Le socle commun en danger ?
Le bateau tangue, mais ne coule pas. Nul n’imagine Laurent Wauquiez voter une motion de censure contre le gouvernement pour séduire ses militants. L’esprit de « responsabilité » l’interdit. A bas bruit, des doutes montent. Un député LR s’est ému auprès de collègues : le patron du groupe LR ne pourrait-il pas faire voter ses troupes sur le maintien de la participation au gouvernement ? Secousses à prévoir. Une démission de Bruno Retailleau fragiliserait – condamnerait ? – François Bayrou, en réduisant son assise parlementaire à peau de chagrin. Les balles sont aujourd’hui tirées à blanc. Mais ce jeu pourrait lasser les électeurs de droite, guère préoccupés par l’avenir d’une famille politique à 60 000 adhérents.
Entre Wauquiez et Retailleau, la guerre totale menace. Elle était prévisible. Trop peu de divergences séparent les deux hommes, à la gémellité idéologique évidente. Leurs stratégies de campagne exacerbent les tensions. Laurent Wauquiez ne déploie aucune offre politique propre et cible – sans jamais le citer – son rival. A-t-il le choix ? Le locataire de Beauvau profite de son statut pour s’imposer auprès des militants. Il ne laisse guère d’autres angles d’attaque au challenger, contraint de lui mordre les mollets. L’asymétrie des deux profils – ministre contre député – conduit à un tel duel. Il n’y a qu’un ring possible : la scène nationale.
Cette lutte fratricide risque de s’envenimer, tant les impétrants misent gros. Laurent Wauquiez joue sa « survie » politique dans cette élection cruciale en vue de 2027. Une défaite annihilerait (presque) toutes ses chances d’être sur la ligne de départ. En cas d’échec, le capital politique accumulé par Bruno Retailleau depuis septembre s’évaporerait. Quand on s’érige en dépositaire de la « majorité nationale » au gouvernement, on ne peut être désavoué par les siens. Les deux hommes ont enfin des relations exécrables, tout comme leurs entourages.
Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ont au moins un point commun. La conquête de LR, petite formation, n’est pas leur rêve ultime. Elle n’est qu’un marchepied en vue de 2027. Ils ne doivent pas perdre trop de plumes dans ce scrutin intermédiaire. Le parti héritier de l’UMP est trop faible pour s’offrir le luxe d’une guerre totale. Les électeurs de droite détourneraient le regard. Pour chacun, la victoire est aussi importante que les conditions dans lesquelles elle est obtenue. Cette exigence vaut particulièrement pour Laurent Wauquiez, détesté par tant de cadres du mouvement. Mais pas seulement pour lui. Un ministre LR l’a récemment confié à collègue : « Même si Retailleau gagne, il aura du sang sur sa veste. » Personne n’a intérêt à régner sur un cimetière.
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Author : Paul Chaulet
Publish date : 2025-03-25 05:30:00
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