Dans une vaste salle immaculée, une forêt de mannequins en résine, habillés de tenues drapées multicolores et de bijoux excentriques, font éclater le talent de Jonathan Anderson, créateur de mode nord-irlandais resté pendant onze ans aux commandes de la marque espagnole Loewe, propriété de LVMH. L’exposition Crafted World, de passage ce printemps à Tokyo, dans le quartier de Shibuya, ne désemplit pas. Un couple de jeunes Tokyoïtes, elle toute vêtue de noir, coupe au carré et frange impeccable, lui en baggy chic, lunettes d’écailles noires et chemise crème, admirent les œuvres du styliste quadragénaire, qui vient de rejoindre Dior Hommes. Loewe, à l’instar de la plupart des marques du groupe de luxe français, fait un carton plein au Japon, devenu son premier marché dans le monde. A l’heure où les extravagances tarifaires de Donald Trump font trembler les cours de Bourse et où la bulle qui s’était emparée du secteur du luxe après le Covid s’est dégonflée, le Japon apparaît, aux yeux des dirigeants de l’Avenue Montaigne, comme un havre de stabilité et une source inépuisable de croissance.
L’annonce des résultats du groupe pour le premier trimestre en témoigne, les vents contraires qui soufflent sur une partie de la planète épargnent l’archipel nippon, où les ventes de LVMH, après deux années de croissance record (+ 28 % en 2023 et + 22 % l’an passé) se maintiennent, assurant 9 % du chiffre d’affaires mondial, quand l’activité ailleurs en Asie recule.
Ce n’est donc pas un hasard si l’empire du Soleil-Levant fait l’objet de toutes les attentions de la part d’un groupe attentif au bon développement de ses nombreuses marques (Louis Vuitton, Dior, Loewe, Céline, Chaumet, Berluti…), non seulement à Tokyo, mais aussi dans les nombreuses villes périphériques.
Une partie de Monopoly à ciel ouvert
C’est à Osaka, à 550 kilomètres de la capitale, que s’est rendu Bernard Arnault le 12 avril pour la pré-inauguration de l’Exposition universelle sur l’île artificielle de Yumeshima. Difficile de rater le pavillon France, qui trône en bonne place, sitôt franchi le fameux Ôyane Ring, le Grand anneau, une structure en bois conçue par l’architecte Sou Fujimoto, surplombant l’ensemble du site. Conçu comme un « hymne à l’amour », ce pavillon est surtout une vitrine de prestige pour ses sponsors, au premier rang desquels LVMH, qui y expose notamment 84 malles Vuitton revisitées et 400 toiles blanches de Christian Dior.
Le fleuron du luxe français, à la tête d’un réseau de 510 boutiques au Japon, espère ainsi capter l’attention du public (28 millions de visiteurs attendus à l’Exposition universelle jusqu’au 13 octobre). De quoi entretenir son image de leader incontesté du luxe, qui règne déjà sur un tiers du marché japonais, estimé à 25 milliards de dollars. Dans les avenues commerçantes de Tokyo ou d’Osaka, c’est une véritable partie de Monopoly qui se joue entre les grandes enseignes de luxe. Avec un objectif : dénicher les meilleurs emplacements dans les quartiers de Ginza ou Omotesando (Tokyo) ou Midosuji (Osaka). C’est sur cette avenue emblématique que LVMH prépare pour dans les prochains mois l’ouverture d’un flagship Dior, mais aussi des nouvelles boutiques de Tiffany, Loewe ou Loro Piana. A Tokyo, la frénésie immobilière est identique : en juillet, Tiffany inaugurera au cœur de Ginza son nouveau flagship, conçu par l’architecte japonais Jun Aoki et reconnaissable avec son dégradé de bleu et de blanc. A proximité, le groupe a signé à l’automne dernier l’acquisition d’un immeuble de 11 étages juste en face… d’un café Dior ! Au total, LVMH a dépensé en 2024 un demi-milliard d’euros en investissements au Japon, un record !
« Entre 2020 et 2025, nos ventes, à périmètre constant, ont été multipliées par 2,8, calcule Norbert Leuret, président de LVMH Japon. Non seulement nous pouvons compter sur une clientèle japonaise huppée, mais le pays accueille de plus en plus de touristes étrangers. » Un boom qui s’est traduit par l’arrivée de 36 millions de visiteurs l’an passé, attirés aussi par un taux de change très favorable. Les courbes du luxe montent-elles jusqu’au ciel ? Chez LVMH, on est convaincu que le marché japonais, de Hiroshima à Sapporo en passant par Fukuoka ou Nagoya, recèle encore des gisements inexploités. « C’est à nous de continuer de séduire la clientèle et de réinventer nos marques », insiste Félix Langenbach, directeur financier pour LVMH Japon. L’attachement historique des Japonais aux grands noms du luxe devrait y contribuer : en 1959, l’ancienne impératrice du Japon Michiko n’avait-elle pas choisi une robe Dior pour son mariage avec le prince Akihito ?
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Author : Eric Chol
Publish date : 2025-04-23 06:00:00
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