L’Europe va-t-elle sortir affaiblie de l’élection présidentielle roumaine ? Les électeurs du pays votent ce dimanche 4 mai pour le premier tour de ce scrutin, qui intervient dans un contexte politique particulièrement tendu. Il y a six mois, en décembre 2024, la Cour constitutionnelle du pays avait annoncé annuler le second tour de la précédente élection présidentielle, après des soupçons de manipulation de la campagne par Moscou, notamment sur TikTok. Le Kremlin – qui nie toute implication – est suspecté d’avoir agi sur des milliers de comptes en faveur du candidat d’extrême-droite pro-russe Călin Georgescu, arrivé à la surprise générale en tête des suffrages à l’issue du premier tour. Un épisode qui avait suscité la controverse en Roumanie, ses partisans criant au « coup d’État ». Aujourd’hui, ce nouvel appel aux urnes pourrait déboucher encore une fois sur la qualification d’au moins un candidat eurosceptique.
Une classe politique très divisée
Le scrutin présidentiel roumain est particulièrement incertain. En effet, l’élection avortée de décembre a rebattu les cartes parmi les candidats crédibles au Cotroceni, le palais du chef de l’État roumain. Principal favori dans les sondages, amassant environ 30 % d’intentions de vote : George Simion. Chef de file du parti d’extrême-droite de l’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR), il s’est lui-même désigné comme le successeur de Călin Georgescu, qui ne l’a cependant pas officiellement adoubé. Ce dernier a été interdit de se représenter après deux mises en examen, dont une pour avoir préparé des actions violentes avec un groupe de mercenaires pro-Poutine. La décision avait d’ailleurs déclenché des manifestations monstres dans le pays. Comme lui, George Simion a principalement mené sa campagne sur les réseaux sociaux, notamment TikTok. Alors que les pouvoirs du président roumain restent limités, il n’exclut pas de nommer Călin Georgescu en tant que Premier ministre « pour réparer ce qui peut encore l’être » en Roumanie.
Face à cette candidature, plusieurs figures risquent d’être victimes de la division des voix. Le maire de Bucarest, Nicusor Dan, fondateur de l’Union Sauvez la Roumanie, est l’un des principaux opposants à George Simion. D’après les études d’opinion, ce mathématicien serait l’un des principaux favoris pour battre son rival d’extrême-droite au second tour. Pro-européen, il a attaqué durant sa campagne un système politique « corrompu », dans une nation qui a connu de nombreux scandales politico-financiers. Lui aussi bien placé, Crin Antonescu, ex-président du Sénat et ex-président par intérim, représentera la coalition gouvernementale, qui va du centre-droit au centre-gauche. Éloigné depuis des années de la vie politique, son retour est un pari, mais symbolise aussi une forme d’immobilisme pour certains Roumains, tentés par des envies de dégagisme. L’ex-Premier ministre Victor Ponta et la candidate centriste perdante du précédent scrutin de décembre, Elena Lasconi, complètent le casting des personnalités à surveiller parmi les onze candidats déclarés.
L’ombre de Donald Trump… et de Moscou
Ces dernières semaines, la campagne a été marquée par des positions très claires en faveur ou contre l’Union européenne. George Simion ne s’en cache pas : il souhaite remettre en cause « les politiques absurdes » de Bruxelles au profit d’une relation renforcée avec Washington. Populaire au sein du camp MAGA (« Make America Great Again ») du président américain Donald Trump, il dit même avoir en tête un plan pour convaincre les États-Unis de conserver des troupes stationnées en Roumanie. Une gageure, tant l’administration américaine a répété ses menaces de se désengager peu à peu de la sécurité européenne. George Simion espère convaincre son homologue américain en lui promettant en échange des investissements militaires historiques de la Roumanie dans son propre système de défense. Le tout contrebalancé par des coupes budgétaires massives dans les finances publiques roumaines, à l’instar de la mission d’Elon Musk aux États-Unis.
En face, les deux principaux candidats proeuropéens, Nicusor Dan et Crin Antonescu, n’ont cessé de s’invectiver avant le scrutin. Ils représentent pourtant les meilleures chances de limiter la casse dans la relation de Bucarest avec Bruxelles. Le premier a aussi mis l’accent sur l’importance du lien transatlantique avec Washington. Pour lui, l’Otan constitue « le meilleur bouclier » pour protéger les frontières roumaines, qui longent une bonne partie du territoire ukrainien. Enfin, Victor Ponta vante également sa proximité avec Donald Trump. De façon plus personnelle pour sa part : l’ex-Premier ministre a partagé une partie de golf avec le président américain… Fin avril, Victor Ponta s’est par ailleurs affiché avec le fils du milliardaire, Donald Trump Jr, lors d’un événement à Sofia, en Bulgarie.
Tandis que la Russie continue d’inquiéter nombre de Roumains, la perspective de la qualification d’un candidat d’extrême-droite pourrait modifier le rapport de force dans la région. George Simion a par exemple déjà annoncé qu’il souhaiterait interrompre l’aide militaire du pays à l’Ukraine, à l’instar de ce qu’a fait le président populiste slovaque Robert Fico, mais aussi de revoir l’accueil des réfugiés ukrainiens sur le territoire roumain. Interdit d’entrée en Ukraine et en Moldavie, il a longtemps défendu lui-même sa volonté de voir plusieurs régions de ces deux États être placées sous l’égide de Bucarest.
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Publish date : 2025-05-04 09:16:00
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