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EXCLUSIF. François Bayrou – Marine Le Pen : leur rendez-vous secret quelques jours avant le jugement

EXCLUSIF. François Bayrou – Marine Le Pen : leur rendez-vous secret quelques jours avant le jugement

Il arrive que les événements – et ses Premiers ministres – rappellent douloureusement à Emmanuel Macron que du don d’ubiquité, il reste dépourvu. Il a beau être président, se rêver au four et au moulin, il n’en demeure pas moins humain. Des vies, d’autres vies que la sienne, se déroulent sans lui, et parfois, horreur, des moments politiques essentiels. Ainsi aurait-il sans doute aimé que François Bayrou l’informe lui-même de son tête-à-tête avec Marine Le Pen, sa principale opposante, à un moment significatif. Heureusement que de bonnes âmes ont su faire circuler l’information jusqu’à l’Elysée, permettant au chef de l’Etat de la découvrir a posteriori, mais dans un délai raisonnable. Permettant au chef de l’Etat d’exprimer son effarement devant le choix d’une rencontre en catimini, alors qu’il aurait été judicieux de l’officialiser.

Ce Premier ministre est cachottier (sollicité par L’Express sur l’objet de sa rencontre avec Marine Le Pen, il a répondu d’un lapidaire : « C’est n’importe quoi ! ») et déconcertant. N’est-ce pas lui qui regrettait quelques mois plus tôt que l’un de ses prédécesseurs, Edouard Philippe, ait jugé pertinent de partager avec la patronne des députés RN un dîner ? « Je pense, moi, qu’il y a entre nous et l’extrême droite un fossé qui est infranchissable parce que ce qu’il y a de plus profond dans l’extrême droite ça n’est pas les mesures annoncées qui sont déjà pour un certain nombre d’entre elles choquantes, c’est les arrière-pensées derrière tout ça », avait-il déclaré. Quant à la rencontre entre Sébastien Lecornu et Marine Le Pen, le même Bayrou l’avait commentée en ces termes : « C’est un mauvais signal à l’égard du pays. »

Les temps changent, ses responsabilités aussi. Devenu Premier ministre d’un gouvernement sans majorité, dont la survie ne tient qu’au bon vouloir des oppositions, le Béarnais, habile stratège, sait qu’il ne peut se priver d’échanges directs avec celle qui préside un groupe de 123 députés. Surtout quand cette dernière menace… Dans les semaines qui précèdent sa condamnation, Marine Le Pen agite le chiffon rouge de la censure. Elle gronde, dénonce un gouvernement « dans l’inertie totale ». François Bayrou, lui, tremble. Il a encore tant à faire à Matignon. Alors, selon nos informations, il contacte Marine Le Pen et lui propose une rencontre un soir au Pavillon de musique, quelques jours avant sa condamnation (contactée, Marine Le Pen dément tout « dîner »). Avant de se voir, l’un et l’autre réfléchissent aux contours à donner à ce rendez-vous : le rendre public ou le dissimuler ?

« Je n’ai pas fait de concession »

Peut-être est-ce le contexte judiciaire qui les fait opter pour un tête-à-tête discret. Discret mais nourri. Ensemble, ils auraient évoqué un long moment l’embarrassante situation de Marine Le Pen. François Bayrou, qui a traversé une épreuve judiciaire similaire, lui livre-t-il le fond de sa pensée ? « Je pense que pour toute peine irréversible, il devrait être possible de faire appel », songe le Premier ministre. D’ailleurs, il ne dira pas autre chose publiquement, dans les jours qui suivent la condamnation de Marine Le Pen. A ceux qui lui demanderont, dans cette période, s’il s’est manifesté auprès d’elle, François Bayrou répondra : « Non, je n’ai pas besoin. Ce sont des moments où l’on entend ce que les gens disent. » La dirigeante du RN a entendu en effet, le lendemain de sa visite à Matignon, elle confie à un proche qu’elle a trouvé le chef du gouvernement très compatissant.

Entre eux, ce soir-là, il est aussi question de politique. Le Premier ministre veut comprendre ce qui lui permettrait de s’attirer les bonnes grâces du groupe RN à l’Assemblée. Sa clémence, au moins. Deux sujets au menu : l’éternelle proportionnelle chère au Rassemblement national, et la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) que Marine Le Pen a décidé de combattre. Alors que le texte qui fixe la trajectoire énergétique de la France jusqu’en 2035 et prévoit un coût de 300 milliards d’euros d’ici à 2040 doit être adopté par décret courant avril, la patronne du RN et ses députés multiplient les saillies pour le torpiller et réclamer son vote par les parlementaires.

D’après le récit que Marine Le Pen livre à certains de ses proches, François Bayrou ce soir-là prend sur ces deux sujets des engagements. Réitérer avant l’été sa volonté de mettre en place la proportionnelle et reporter le décret de programmation pluriannuelle de l’énergie. Le Premier ministre est un homme de parole. Depuis leur entrevue, ce dernier a exprimé son souhait « d’aller vers la proportionnelle aux législatives » et déjà consulté les partis et groupes parlementaires sur les conditions d’application. Cette fois, il a reçu très officiellement Marine Le Pen, accompagnée de Jordan Bardella. Il s’est également engagé à ce que les travaux parlementaires permettent au gouvernement « de proposer une version améliorée et corrigée » de la prochaine PPE, reportant le décret « à la fin de l’été ». En petit comité, François Bayrou a tenu à mettre les choses au clair : « Je n’ai pas fait de concession, j’ai toujours eu cette idée, d’abord c’est dans la loi. » Cela va sans doute sans dire mais c’est toujours mieux en le chuchotant loin des regards.



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Author : Laureline Dupont

Publish date : 2025-05-12 16:00:00

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