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Pourquoi la Belgique a finalement renoncé à sortir du nucléaire

Pourquoi la Belgique a finalement renoncé à sortir du nucléaire

Bruxelles l’a confirmé jeudi 15 mai : la Belgique renonce à sortir du nucléaire. Elle s’était pourtant engagée dans cette voie depuis 2003, mais le nouveau gouvernement (une coalition de cinq partis) dirigé par le conservateur flamand Bart De Wever s’est engagé à débarrasser les Belges de cette promesse. Objectif principal pour le pays : gagner en indépendance énergétique.

« Le Parlement fédéral vient de tourner la page de deux décennies de blocages et d’hésitations pour ouvrir la voie à un modèle énergétique réaliste et résilient », s’est réjoui le ministre belge de l’Energie Mathieu Bihet. Un nouveau texte voté à la majorité a ainsi abrogé la loi emblématique de 2003, qui projetait une sortie complète de l’atome en 2025, et interdisait à la Belgique de construire de nouvelles capacités de production nucléaire entre-temps.

La menace d’une pénurie d’énergie imminente

La précédente coalition dirigée par Alexander De Croo (2020-2024) avait déjà décidé de poursuivre l’exploitation de deux réacteurs au-delà de 2025, en disant craindre pour l’approvisionnement du pays en électricité face à l’éclatement de la guerre en Ukraine. Cette dernière avait rebattu les cartes en provoquant une envolée des prix avec le moindre recours à l’offre russe. En 2023, comme le racontait alors Le Monde, une note du gestionnaire du transport d’électricité Elia avait fait souffler « un vent de panique », en évoquant un risque de pénurie d’électricité pour l’hiver 2025-2026 et le suivant. Le rapport prévoyait un déficit énergétique de 900 mégawatts à 1,2 gigawatt, soit 15 % de la consommation habituelle du royaume.

Avec le renoncement acté par les députés belges, c’est un important marqueur écologiste qui est abandonné. Mais comme l’expliquait il y a peu dans les colonnes de L’Express le professeur à l’Université de Liège et Télécom Paris Damien Ernst, « la population belge a été un peu endormie par le mythe des énergies renouvelables. Et les Verts en sont largement responsables. Mais désormais, la Belgique est devenue pro nucléaire ». « Elle n’a pas su préserver autant de capacités de production que la France, mais elle peut encore éviter le chemin pris par l’Allemagne, dont la sortie de l’atome continue de plomber l’économie », estimait également l’économiste.

Energie résiliente et relance de l’industrie

L’Energie nucléaire compte pour environ 42 % de l’électricité produite en Belgique. Elle est désormais perçue comme un levier indispensable pour remplacer les 315 TWh d’énergie fossile consommés dans le pays, et pour décarboner plus efficacement la production énergétique du pays, alors que les énergies renouvelables peinent à se développer en Belgique.

Cette décision ouvre aussi la porte à un nouvel élan industriel et scientifique dans le pays. Elle permettrait de relancer la recherche sur les nouvelles technologies nucléaires comme les SMR (Small Modular Reactors), et de renforcer le tissu industriel belge. Le SCK-CEN (le centre de recherche nucléaire belge) qui se penche déjà sur la question pourrait notamment jouer un rôle central dans ce renouveau, tandis que des opérateurs étrangers manifestent déjà leur intérêt pour investir dans le nucléaire belge.

L’obstacle des négociations avec Engie

En entrant en fonction, il y a trois mois et demi, le nouveau gouvernement avait d’entrée annoncé tabler sur « une part d’énergie nucléaire de 4 gigawatts (GW) », ce qui correspond à la capacité de quatre réacteurs. À court terme la Belgique souhaite « prolonger la capacité existante » mais aussi à long terme, investir dans de nouveaux réacteurs.

Les plans du nouveau gouvernement pourraient néanmoins être contrariés : le nouveau texte offre certes la possibilité d’étendre la durée des réacteurs du pays, mais les sept réacteurs du pays sont actuellement opérés par Electrabel, filiale d’Engie (entreprise française) à qui ils appartiennent. Réparti entre Doel, près d’Anvers (nord), et Tihange, dans la région de Liège (est), ce parc était censé être mis complètement à l’arrêt au plus tard fin 2025. Actuellement, trois des sept réacteurs ont déjà été déconnectés du réseau depuis 2022, et deux autres doivent l’être à l’automne prochain. Selon le groupe Engie, seuls deux réacteurs — dont la prolongation de dix ans a déjà été négociée par le gouvernement De Croo — sont susceptibles d’être prolongés, car les autres « ne répondent plus aux normes de sûreté ».



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Publish date : 2025-05-16 07:43:00

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