Il est à l’origine d’une proposition de loi adoptée au Sénat à une large majorité par 252 voix pour et 33 voix contre, demandant la reprise des travaux de l’A69. Le sénateur du Tarn Philippe Folliot revient pour L’Express sur la décision de la Cour d’appel administrative de Toulouse, rendue ce mercredi 28 mai. Elle acte un redémarrage des travaux. Soulagé, l’élu du Tarn tient tout de même à remettre l’église au milieu du village. L’enclavement de la zone de Castres-Mazamet demeure une réalité. Pour développer cette région, la construction de l’A69 ne suffira pas, mais c’est une condition nécessaire.
L’Express : Les travaux de l’A69 vont pouvoir reprendre. Quel est votre sentiment ?
Philippe Folliot : Les mouches ont changé d’âne. Mais que de temps perdu ! Avant le jugement du 27 février dernier qui avait entraîné la suspension des travaux, nous avions déjà 14 décisions juridiques qui allaient toutes en faveur de la construction de l’autoroute. Celle-ci possède bel est bien un caractère d’intérêt public majeur. Pour justifier l’arrêt de la construction, on nous a dit, en gros, qu’il n’y avait pas suffisamment de morts sur l’axe routier entre Castres et Toulouse. On nous a également dit qu’on n’avait pas perdu suffisamment de population. C’est extrêmement choquant. L’enclavement de la région de Castres-Mazamet est une dure réalité dont nous essayons de sortir depuis une vingtaine d’années. En 2010, je me souviens très bien, je participais à une réunion dans le bureau du ministre de l’Equipement et des Transports de l’époque, Jean-Louis Borloo. Nous avions fait le constat qu’avec les moyens publics alloués à cette région, il n’y aurait pas de désenclavement possible avant 2070 ! Certes, en accélérant un peu, nous pouvions viser 2050, mais aucune perspective d’amélioration n’apparaissait à court terme. C’est à ce moment-là, en accord avec toutes les forces politiques et les acteurs économiques du département, que le projet de l’A69 a été lancé. Si aujourd’hui, la Cour administrative d’appel de Toulouse n’avait pas autorisé la reprise du chantier, la perspective de désenclavement se serait à nouveau éloignée. Pis, les frais divers et variés auraient pu finir par dépasser le montant prévu du chantier, sans que l’on ait l’autoroute. Ubuesque !
Cette notion de désenclavement ne semble pas vraiment compter pour les opposants au projet. Pouvez-vous détailler comment elle se traduit au quotidien ?
Nous n’avons pas la chance d’avoir, comme Toulouse, un poumon économique comme l’aéronautique. Au fil du temps, nous sommes passés d’une mono-industrie textile à des activités plus variées (chimie, machine-outils, abattoirs, exploitation du granit…). C’est la preuve qu’il existe une tradition d’entrepreneuriat très présente sur notre territoire. Mais il en va de l’économie comme du sport : avec un sac supplémentaire de 15 kilos sur le dos par rapport à vos concurrents, vous n’avez aucune chance de gagner. Il y a 30 ans, Albi possédait 45 000 habitants, et Castres à peu près autant. Mais aujourd’hui, Albi recense 51 000 âmes quand Castres stagne à 42 000. La même tendance peut s’observer entre Gaillac et Mazamet. La première a pu augmenter sa population, à l’inverse de la seconde. Les villes gagnantes ont clairement profité de la construction de l’A68 qui les relie à Toulouse.
Aujourd’hui, la communauté d’agglomération de Castres-Mazamet est le seul bassin de plus de 100 000 habitants qui ne possède ni autoroute, ni gare TGV, ni aéroport international. Si vous avez un problème cardiaque à Castres ou à Albi, vous n’avez pas les mêmes chances de survie car dans un cas, le trajet pour atteindre un hôpital toulousain est plus long. Nous ressentons cela comme une injustice. Le désenclavement n’est pas une condition suffisante au développement d’un territoire. Mais c’est une condition nécessaire.
Que répondez-vous à ceux qui vous disent que votre proposition de loi piétine l’Etat de droit ?
C’est insupportable. Ainsi, il y aurait des personnes favorables à l’Etat de droit et d’autres, dont nous ferions partie, qui lui portent atteinte ? Depuis le début de cette affaire, le camp des opposants au projet ne respecte pas l’Etat de droit. Nous avons assisté à des manifestations violentes, des destructions de matériel, des menaces contre les ouvriers qui travaillaient sur le chantier et contre les élus… De plus, ces mêmes opposants sont passés outre les 14 décisions déjà rendues qui allaient toutes en faveur du projet. La quinzième a réussi à stopper le chantier en exploitant une faille juridique autour de la notion d’intérêt.
Le cas de l’A69 est devenu emblématique. Il existe en France deux mondes qui ne se parlent plus ?
Absolument. Il y a deux camps qui ne se comprennent plus. D’un côté, nous avons le monde rural et des petites villes moyennes qui aspirent à avoir davantage de connexions et d’eau pour irriguer, car ce sont des zones agricoles. D’un autre côté, nous avons une partie de la population que certains qualifieraient de bobo-écolo-urbains radicalisés qui tentent de dicter une certaine vision de la société. Le problème ? Cette vision du monde se heurte au bon sens. On ne peut pas avoir d’agriculture s’il n’y a pas d’eau. De la même manière, on ne peut pas avoir de développement en restant enclavé. En fait, on peut dire que la décision du tribunal administratif de Toulouse du 27 février dernier – qui allait à l’encontre du projet – manquait de bon sens. Ce n’est pas la première. En 2019, les opposants à la déviation de Beynac dans le département de la Dordogne ont réussi à obtenir la suspension des travaux. Par rapport à l’A69, il s’agissait d’un projet de moindre ampleur. Mais en s’additionnant à l’abandon du projet de voie rapide entre Toulouse et Castres, cette décision aurait créé le début d’une jurisprudence.
En quoi celle-ci serait-elle problématique ?
Elle reviendrait à mettre le pays sous cloche. On pourrait s’opposer à tous les porteurs de projets qu’ils soient petits ou grands au prétexte qu’il y a une absence d’intérêt public majeur. Un maire d’une commune ne pourrait plus décider d’implanter une école sur un terrain qu’il doit artificialiser ou aménager une zone d’activité économique dans le cadre des projets de réindustrialisation. En plus cette insécurité juridique perdurerait même une fois les chantiers commencés puisque dans le cas de Beynac comme dans celui de l’A69, les interruptions ont eu lieu alors que 70 % des travaux étaient déjà réalisés. La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : est-ce que le choix de la pertinence d’un équipement public quel qu’il soit, doit revenir aux élus qui détiennent leur légitimité du suffrage universel, ou bien est-ce que ce sujet doit être mis dans les mains du juge ? Notre réponse est claire. Cela doit être du ressort des élus.
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Author : Sébastien Julian
Publish date : 2025-05-28 16:59:00
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