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La vie secrète des « illégaux », ces espions glorifiés par Poutine : « Certains sont encore dans la nature »

La vie secrète des « illégaux », ces espions glorifiés par Poutine : « Certains sont encore dans la nature »

Dans leur pavillon de cette banlieue cossue de Boston, dans le Massachusetts, règne une douce atmosphère de fête en ce mois de juin 2010. Tracey Lee Ann Foley et Donald Howard Heathfield, tous deux canadiens naturalisés américains, fêtent l’anniversaire de Tim, l’aîné de la fratrie âgé de 20 ans, qui a fréquenté les bancs de l’école française comme son frère Alex. Soudain, quelqu’un frappe à la porte, troublant l’ambiance festive et joyeuse. Des agents du FBI s’engouffrent dans leur domicile et placent immédiatement les parents en état d’arrestation. Tim et Alex découvrent avec effroi qu’ils vivaient depuis leur plus tendre enfance avec deux espions russes ! Leur vrai nom : Andreï Bezroukov et Elena Vavilova. Deux agents dormants qui se sont bâtis avec brio, pendant de nombreuses années, une fausse biographie.

L’histoire de ceux que l’on surnomme les « illégaux », qui ont inspiré la série The Americans, en rappelle une autre plus récente. Celle d’Artiom Doultsev et Anna Doultseva, arrêtés en 2022 à Ljubljana après cinq années passées dans la clandestinité en Slovénie. Ils y vivaient avec des passeports argentins, sous les noms de Ludwig Gisch et de Maria Rosa Mayer Muños, accompagnés de leurs deux enfants. Elle tenait une galerie d’art, tandis que son mari avait fondé une start-up informatique. Lors du plus grand échange de prisonniers entre la Russie et les Occidentaux depuis la guerre froide, en août 2024, toute la famille est accueillie en héros à Moscou par le président Vladimir Poutine, qui les gratifie, tout sourire, d’un « Buenas noches ».

Toutes ces rocambolesques histoires sont racontées avec minutie dans le dernier livre de Shaun Walker (The Illegals : Russia’s Most Audacious Spies and the Plot to Infiltrate the West, Knopf, avril 2025, non traduit). Dix ans d’enquête ont été nécessaires pour étudier ce pan de l’espionnage en dehors des ambassades qui a démarré quelques années avant la Révolution russe de 1917. Le reporter du quotidien britannique The Guardian a mené des centaines d’entretiens avec des espions à la retraite, leurs enfants, des membres du contre-espionnage. Il s’est aussi appuyé sur des milliers de documents de services de renseignement étrangers (comme le FBI ou le MI5 britannique) ainsi que ceux du « fonds Mitrokhine », archiviste en chef du service secret soviétique entre 1972 et 1982, célèbre pour avoir fait fuiter de nombreux dossiers. Pour l’auteur de l’enquête, les espions « illégaux » – un programme que Vladimir Poutine n’a jamais clôturé officiellement – « incarnent une vision idéalisée du patriotisme russe » depuis l’ère soviétique jusqu’à aujourd’hui. Entretien.

L’Express : L’histoire des « illégaux » a connu une accélération avec la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début de la guerre froide. Quel était le profil de ces clandestins ?

Shaun Walker : Le programme a débuté dans les années 1920, car l’Union soviétique était isolée. Elle disposait de peu d’ambassades et ne pouvait donc pas envoyer d’espions comme diplomates. Toutefois, elle a des agents habitués à travailler dans la clandestinité. Ce sont eux qui sont devenus les premiers « illégaux ». Après 1945, l’URSS dispose désormais de davantage d’ambassades, mais il est toujours très difficile pour ses espions de se faire passer pour des diplomates, car ils sont suivis partout, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Les Russes reprennent donc encore plus intensément leurs activités clandestines. Ils peuvent ainsi recruter des gens originaires d’une ville sibérienne et les façonner afin qu’ils deviennent des Occidentaux convaincants. Dans les années 1970, des membres du KGB parcourent ainsi toutes les universités soviétiques à la recherche de parfaits candidats.

L’Union soviétique, déjà profondément paranoïaque, exigeait que ces espions soient politiquement irréprochables : des communistes convaincus, sans aucun antécédent familial compromettant, ni lien avec des « ennemis du peuple ». Évidemment, ils doivent aussi faire preuve d’une grande intelligence. Le KGB va donc souvent piocher dans les facultés de linguistique. L’un d’eux, linguiste de génie, se retrouvera ainsi vendeur de tapis de bain en Irlande… Et pour ce qui est de l’apparence, il faut être beau, mais pas trop. L’idée est donc de choisir quelqu’un qui soit agréable à regarder, mais qui ne soit pas mémorable au point de laisser un souvenir impérissable.

En quoi consistait le processus pour former ces « illégaux » ?

Si le candidat répond à tous les critères requis, il accède à la première étape du processus de sélection. Un agent local du KGB le rencontre chaque semaine, après ses études, afin d’engager des discussions ou de le soumettre à une série d’épreuves. Ces tests pouvaient consister à observer son comportement sous l’effet de l’alcool ou à lui demander de rédiger des rapports sur son entourage universitaire, dans le but d’évaluer ses capacités à établir des profils psychologiques.

Plusieurs témoignages de personnes ayant suivi ce programme suggèrent une forme d’embrigadement proche de celui observé dans certaines sectes.

Shaun Walker

Les candidats ayant réussi l’ensemble de ces épreuves accèdent ensuite à une formation complète de clandestin, d’une durée de quatre à cinq ans. Cette formation se déroulait exclusivement en tête-à-tête avec des instructeurs, dans des lieux variés et anonymes, jamais associés à des établissements officiels. Un exemple : lorsqu’un candidat devait adopter une « légende » autrichienne, il consacrait de nombreuses heures chaque semaine à l’apprentissage de l’allemand. Il étudiait en détail les manuels scolaires autrichiens, assimilait la culture locale et apprenait les pratiques et habitudes caractéristiques de la population. Parallèlement, un autre aspect, tout aussi complexe, était intégré à la formation : le conditionnement psychologique. Le KGB exige que le clandestin soit capable de dissimuler son identité et ses activités, y compris à sa propre famille, tout en faisant preuve d’une loyauté absolue envers l’organisation. Il devait être prêt à vivre plusieurs années à l’étranger, sans jamais trahir sa mission ni révéler sa véritable identité.

Ce processus mêlait des éléments particulièrement troublants. Plusieurs témoignages de personnes ayant suivi ce programme suggèrent une forme d’embrigadement proche de celui observé dans certaines sectes. Le but était d’induire une rupture psychologique, en instillant chez l’individu la conviction qu’il était en permanence surveillé, et que le KGB avait connaissance du moindre de ses faits et gestes. De nombreux stratagèmes étaient mis en œuvre à cette fin : mises en scène, arrestations simulées, tests de résistance psychologique… Enfin, la troisième phase de la formation consiste en un enseignement technique proprement dit : apprentissage du déchiffrement de messages codés, détection de dispositifs d’écoute… Ce n’est qu’au terme de ce long parcours que l’agent était considéré comme prêt à opérer sous sa fausse identité.

Beaucoup de ces « illégaux » ont pour cible principale les Etats-Unis et l’Europe. Mais l’un des aspects les plus fascinants de votre livre est qu’après la scission entre la Chine et l’Union soviétique à la fin des années 1950, le KGB tente aussi de créer des clandestins chinois…

Ils ont essayé avec des gens originaires d’Asie centrale soviétique, comme des Kazakhs ou des Ouzbeks, qui, selon eux, ressemblent le plus à des Chinois, ou avec des transfuges chinois installés en Union soviétique depuis dix ou vingt ans… Ils vont les former aux nouvelles réalités de la vie en Chine. Sauf que cela ne marche pas. Beaucoup se font immédiatement prendre ou commettent des erreurs parce qu’ils se trompent de phrase ou ne comprennent pas le fonctionnement de la vie locale. Je pense que dans une société communiste, plus contrôlée comme l’Union soviétique ou la Chine, il était probablement beaucoup plus difficile d’introduire quelqu’un sans qu’il soit remarqué.

Quels ont été les « faits d’armes » de ces « illégaux » ?

Des assassinats, des vols et la mise à disposition de correspondances secrètes de pays occidentaux durant les premières décennies. Un de mes cas préférés est celui d’un clandestin de l’après-guerre, Iossif Grigoulevitch, qui se fait passer pour un Costaricain du nom de Teodoro Castro sans jamais être allé au Costa Rica. Il est si doué qu’il est nommé ambassadeur du Costa Rica à Rome où il va vivre pendant plusieurs années, rencontrant le pape, le président italien et l’ambassadeur américain, sans que personne ne se rende compte qu’il était en réalité un espion soviétique. Staline prévoyait même de l’envoyer tuer Tito, le dirigeant yougoslave, qui s’était brouillé avec lui. La planification de la mission est très avancée, mais elle est annulée à la mort de Staline en 1953.

Lui est un cas à part mais beaucoup restent des agents dormants. Si une guerre éclate entre l’Union soviétique et les États-Unis, et que les relations diplomatiques sont rompues avec certains pays, il faut pouvoir les réactiver.

Pourquoi les pays occidentaux n’ont-ils pas développé le même genre de programme ?

Ils n’en ont pas autant besoin que l’Union soviétique qui est un pays fermé. Il n’existe pas, à l’époque, de consultant ou d’homme d’affaires soviétique qui voyage dans le monde entier. Dans les années 1970 à New York, si un journaliste, un responsable commercial ou tout autre ressortissant soviétique vous aborde, il est courant de supposer qu’il s’agissait d’un agent du KGB.

A l’inverse, dans les pays occidentaux où les déplacements étaient fréquents, il était plus aisé pour des services comme la CIA ou la DGSE de recruter quelqu’un exerçant une profession civile comme couverture pour des activités d’espionnage. Un exemple marquant, que je mentionne brièvement dans mon livre, est un programme de la CIA au début des années 1950. A cette époque, les Etats-Unis manquaient cruellement d’informations sur l’Union soviétique, faute d’agents sur le terrain. Pour remédier à cela, la CIA recrute des Russes et des Ukrainiens issus de camps de prisonniers de guerre. Après quelques mois de formation, ces individus sont parachutés, mais la plupart sont rapidement arrêtés et n’ont pas pu jouer un rôle significatif.

Le seul pays ayant développé une approche similaire à celle de l’Union soviétique est Israël. Le Mossad a recours à des agents opérant sous une fausse identité, se présentant comme non Israéliens. Cette stratégie répond à une logique claire : l’Etat hébreu est entouré d’Etats hostiles et agit donc dans un environnement particulièrement menaçant. De plus, Israël compte sur son territoire des citoyens venus du monde entier, ce qui facilite les futures « couvertures ».

En 2024, la Slovénie a libéré un couple « d’illégaux, arrêtés fin 2022, et dont les enfants avaient été placés en famille d’accueil. Dans votre livre, vous décrivez la vie émotionnelle de ces enfants d’agents qui ignoraient souvent tout de la vie réelle de leurs parents. Quel impact psychologique ce type de programme a-t-il eu sur ces familles ?

Oui, ce couple prétendument argentin, arrêté en Slovénie, a été expulsé vers Moscou. Leurs enfants, âgés de 8 et 11 ans à l’époque, n’ont appris leur véritable identité russe qu’au cours du vol de retour. On imagine les répercussions psychologiques que cette révélation brutale peut avoir… C’est un désastre ! J’ai aussi interviewé un homme dont les parents lui ont révélé, à l’âge de 14 ans, qu’ils étaient clandestins. Ils lui ont ensuite demandé de suivre la même voie, dans le but de perpétuer ce qu’ils considéraient comme une tradition familiale. À 16 ans, il a même été envoyé à Moscou pour recevoir une formation. Heureusement pour lui, sa famille a été arrêtée par le FBI peu de temps après. Aujourd’hui, cet homme approche de la soixantaine, et il est évident que cette expérience reste, pour lui, une souffrance émotionnelle constante.

Vous racontez également que la tactique des services de renseignement consiste à usurper l’identité de personnes décédées très jeunes…

Le KGB se rend littéralement dans les cimetières pour y repérer les tombes d’enfants décédés. L’objectif est de trouver une identité « oubliée », exploitable pour une future couverture. Une fois la tombe identifiée, une vérification approfondie est engagée. Il s’agit alors d’évaluer la discrétion et la fiabilité de cette identité potentielle : la mort avait-elle été signalée dans la presse ? L’événement avait-il marqué la mémoire collective ? Ces éléments sont cruciaux, car une identité trop connue représente un risque d’exposition. Les services de renseignement examinent également l’entourage du défunt : restait-il des proches susceptibles de poser problème ? La mère vit-elle toujours dans la même ville, au risque de croiser quelqu’un se réclamant de l’identité de son enfant décédé ?

Et s’ils concluent que tous les facteurs de risque sont écartés, ils peuvent écrire aux autorités et demander un « duplicata » car, à cette époque, les actes de naissance et de décès ne sont pas liés. Les services peuvent donc « ramener une personne à la vie ». L’autre option est d’utiliser un sosie. Par exemple, un communiste américain émigre en Union soviétique et le KGB prend son passeport, le falsifie avec une nouvelle photo et le donne à un agent.

Ces clandestins ont-ils un rôle dans les récentes opérations de sabotage en Europe attribuées à la Russie ?

Non, pas directement. Aujourd’hui, beaucoup d’agents du renseignement restent en Russie, tout en recrutant à distance – souvent via l’application Telegram. Dans certains cas, les recrues savent pertinemment qu’elles travaillent pour les services russes ; dans d’autres, elles l’ignorent totalement. Cela s’inscrit dans une forme d’économie clandestine, où l’on propose 100 dollars pour peindre un message sur un mur et jusqu’à 2 000 dollars pour incendier un bâtiment. Cette méthode présente plusieurs avantages pour Moscou. Elle permet d’exécuter des opérations sur le sol européen sans y envoyer de personnel officiel, en rémunérant les exécutants en cryptomonnaie. J’ai assisté à plusieurs procès de ces individus, souvent des réfugiés ukrainiens, enrôlés pour commettre des actes de sabotage. Lorsque l’un d’eux est arrêté, il est simplement jugé et emprisonné. La Russie, elle, ne cherche pas à les récupérer.

Non seulement le KGB a son propre programme de clandestins mais il a aussi aidé certains pays satellites de l’Union soviétique à créer ses propres « illégaux ».

Shaun Walker

En revanche, l’arrestation d’un agent clandestin professionnel entraîne généralement des négociations complexes en vue d’un échange de prisonniers, tant ces profils sont considérés comme stratégiques. Ainsi, en ayant recours à des exécutants locaux, anonymes et facilement remplaçables, la Russie bénéficie d’un mode opératoire plus économique, plus discret, et surtout, moins risqué.

Mais certains de ces agents dormants sont-ils encore dans la nature ?

Oui, mais on ne sait pas combien ils sont. Il est certain que tout a basculé en 1990 à la chute du mur de Berlin lorsque l’argent et les instructions cessent d’arriver depuis Moscou. Certains d’entre eux ont construit une vie plutôt agréable grâce à leur couverture. Et ils ont dû faire un choix. Soit continuer à vivre comme des Canadiens ou des Allemands ou retourner à Moscou où règnent le chaos économique et l’incertitude politique…

On m’a aussi raconté une histoire vraiment incroyable. En effet, non seulement le KGB a son propre programme de clandestins, mais il a aussi aidé certains pays satellites de l’Union soviétique à créer ses propres « illégaux ». Une source affirme que lorsque l’un de ces pays se prépare à rejoindre l’Otan, quelques années après l’effondrement du communisme, une réunion d’audit a eu lieu au siège d’une agence de renseignements. Quelqu’un découvre des dossiers montrant que des clandestins, envoyés des décennies plus tôt, ne sont jamais rentrés. Ils ont été complètement oubliés. L’un des plus hauts responsables du renseignement de ce pays va donc frapper à la porte de l’un d’eux qui lui répond : « Laissez-moi tranquille. C’est ma vie maintenant. Vous savez, je n’ai plus espionné depuis des années. Si tu exiges que je rentre, je vais faire un scandale, car tu sais, ma famille ne sait pas qui je suis. Personne d’autre ne sait qui je suis, et je veux continuer à vivre comme ça ». Et il a fini par rester. Il doit donc y avoir beaucoup d’autres histoires comme cela.

Ce service est-il toujours actif ?

Oui. Après le déclenchement de l’invasion en Ukraine, plusieurs centaines de diplomates russes ont été expulsées des capitales européennes. Or, nombre d’entre eux opéraient en réalité comme agents de renseignement sous couverture diplomatique. Cette vague d’expulsions a porté un coup sévère au réseau d’espionnage russe en Europe, contraignant Moscou à revoir ses méthodes. Ne pouvant plus s’appuyer sur les ambassades comme bases d’opérations, la Russie s’est tournée vers des alternatives, parmi lesquelles l’infiltration clandestine. Au moins six ou sept d’entre eux ont été arrêtés ces dernières années. Parmi eux, un prétendu chercheur brésilien appréhendé en Norvège, et un autre – également brésilien – s’apprêtait à entamer un stage à la Cour pénale internationale à La Haye, au moment même où une enquête était lancée sur Vladimir Poutine pour crimes de guerre… Ces exemples témoignent de la persistance de cette stratégie au sein des services russes.

La figure du clandestin occupe d’ailleurs une place importante dans la rhétorique de Vladimir Poutine. Elle est fréquemment valorisée dans les médias d’Etat, notamment à travers des émissions de télévision qui leur sont consacrées. Il s’agit, en partie, d’un outil de propagande. Ils incarnent une vision idéalisée du patriotisme russe, fondée sur le sacrifice individuel absolu au service de la nation. Poutine lui-même présente ce dispositif comme une singularité russe, une capacité qu’aucun autre pays, selon lui, ne maîtrise à ce niveau. Cette vision contribue à nourrir un mythe puissant, qui s’inscrit parfaitement dans le récit du pouvoir russe actuel.

Au-delà de l’imaginaire, il semble que la Russie continue effectivement d’utiliser ces agents. Selon certaines sources, aucune décision n’a été prise pour mettre fin à ce programme, malgré les difficultés croissantes liées à la création de fausses identités dans un monde désormais dominé par la biométrie et les bases de données informatisées. Certains agents de renseignement à qui je parle n’arrivent pas à croire que la Russie utilise encore ce type d’espionnage, car la préparation est si longue et cela coûte tellement cher. Mais, malgré ces obstacles, les autorités russes considèrent que les avantages justifient les risques.



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Author : Charles Carrasco

Publish date : 2025-06-01 15:00:00

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