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Montres : le grand boom des modèles en céramique haute technologie

Montres : le grand boom des modèles en céramique haute technologie


Elle fait partie des tendances majeures qui ont éclaté au grand jour lors du salon horloger Watches and Wonders de Genève, en avril dernier. Impossible de passer à côté de ces montres en céramique haute technologie : un matériau inrayable, à la fois dur et léger, résistant à la chaleur et à la corrosion, anallergique et évoluant en harmonie avec la température du corps.

Au fil du temps, la palette de ses couleurs s’est étendue. Sobrement noire chez IWC ou brune chez Louis Vuitton, la céramique ose le rouge vif avec Hublot. Toutefois, cette année, c’est sans conteste un camaïeu de bleus qui monte sur la première marche du podium. Eclatant chez Zenith et sa trilogie de chronographes du 160e anniversaire en éditions limitées. Subtil avec Audemars Piguet, dans son interprétation du ciel de la vallée de Joux, berceau de la manufacture suisse. Chic chez Chanel, qui dévoile une tonalité inédite dédiée à son modèle iconique J12.

« J’ai rêvé de donner une couleur au noir, de l’éclaircir de bleu, explique Arnaud Chastaingt, directeur du studio de création horlogerie de Chanel. J’ai rêvé d’un bleu à l’élégance rigoureuse, d’un bleu presque noir ou d’un noir presque bleu. » Et le président de Chanel horlogerie et joaillerie, Frédéric Grangié, de préciser que ce bleu, qui ne figure pas parmi les couleurs Pantone, a été déposé par Chanel. « Après le noir et le blanc, le bleu représente le troisième code couleur permanent de la maison. Aucun autre n’aura plus jamais une telle importance. »

Sa mise au point aura nécessité cinq années de développement – un record. La délicatesse de la tâche s’explique en partie par un phénomène de « métamérisme », cette faculté d’une teinte à modifier son aspect selon son exposition à la lumière. Par conséquent, de multiples allers-retours entre le studio de création et le département technique se sont imposés : après 150 tests et 24 teintes proposées, Arnaud Chastaingt a finalement arrêté son choix sur un bleu-noir mat.

Série de procédés mécaniques

Fabrication des boîtiers de montres Rado en céramique haute technologie chez Comadur.

La fabrication de la céramique haute technologie et sa colorimétrie requièrent des compétences que seules maîtrisent quelques manufactures horlogères helvètes, dont Comadur – qui appartient à Swatch Group et opère principalement pour Rado – et G & F Châtelain, entreprise acquise par Chanel en 1993. L’Express a pu se déplacer en Suisse chez la première, à Boncourt, avant de rendre visite à son concurrent de La Chaux-de-Fonds.

Leurs ateliers dédiés à ce matériau de pointe y fonctionnent selon les mêmes principes, à quelques différences près. Tout commence par le traitement de la matière première, un mélange d’oxydes de zirconium réduits en poudre, de liants et de pigments. Appelée barbotine, la solution aqueuse est malaxée jusqu’à devenir une pâte, avant d’être séchée puis calibrée en granulés. Ceux-ci sont injectés à une pression de 1 000 bars dans un moule pendant une trentaine de secondes. Les opérations qui suivent sont le déliantage – pour extraire les polymères qui ont servi à agglomérer la matière première – et le frittage, la cuisson à haute température (1 400 à 1 600 °C) pendant deux à trois jours. En résultent la teinte et la dimension définitives de la pièce, qui a perdu 25 à 30 % de son volume lors du frittage.

Une série de procédés mécaniques reste par la suite nécessaire pour affiner la silhouette des pièces. Il faut compter environ une heure pour usiner un élément en céramique haute technologie à l’aide d’outils diamantés, contre trois minutes seulement pour son équivalent en acier. La dernière étape essentielle est le polissage de chaque pièce pendant une semaine à l’intérieur de bols vibrants remplis de copeaux de céramique. Même dans le cas d’une finition mate avec un sablage qui procurera un aspect et un toucher satinés, les éléments sont toujours polis au préalable.

En plus du contrôle qualité sur 100 % des références, autant Comadur que G & F Châtelain effectuent régulièrement une série de tests de résistance : aux chocs, à la torsion et à la traction, au vieillissement, à l’environnement et, bien entendu, aux rayures.

Si la méthodologie appliquée dans ces deux manufactures paraît globalement similaire, chacune revendique cependant quelques spécificités. Notamment, les baguettes de céramique facettée sur la lunette et les maillons n’existent que chez Chanel, sur la référence J12 Black Star. Autre caractéristique notable : la forme de la montre a d’emblée été étudiée pour une solidité optimale, notamment au niveau des cornes renforcées. C’est la raison pour laquelle, depuis son lancement en l’an 2000, ses lignes ont peu évolué en dépit d’innombrables déclinaisons. Par ailleurs, son bracelet est monté à la main – avec un point de colle discret, protégé par une laque teintée, qui termine la fixation des goupilles – tandis que Rado fait appel à un robot pour l’assemblage automatique des maillons.

Celle qui fut la première marque de montres à utiliser la céramique high-tech conserve toutefois une longueur d’avance grâce au traitement plasma, exclusif à Rado et découvert de manière fortuite en 1998. A Boncourt, l’impressionnant four à plasma associe trois gaz – hydrogène, argon et méthane – pour traiter la céramique à 20 000 °C, soit trois fois la température du soleil, lui offrant ainsi une couleur métallique proche de celle du titane.

Rolex. Disque de lubnette Cerachrom bicolore de GMT-Master II.

Swatch Group est le seul horloger dans le monde à disposer de fours de ce type. Alors que de son côté, également en exclusivité, Rolex développe depuis 2013 un disque de lunette bicolore en céramique d’un seul tenant, dédié à son modèle GMT-Master II. Le procédé consiste à modifier la couleur sur une moitié du disque, par imprégnation d’une solution aqueuse de différents composés chimiques. Après cuisson, cette partie passe du bleu au noir, créant une démarcation nette entre les deux teintes.

Autre première mondiale, cette fois chez Hublot, avec la série limitée Big Bang Unico Magic Ceramic dévoilée en janvier dernier. Parsemée de pastilles bleues sur fond gris à la manière d’un tableau abstrait, la lunette est réalisée dans une seule céramique. Preuve s’il en est que tout n’a pas encore été exploré dans l’univers hautement technologique de ce matériau mystérieux.

Un article de notre dossier spécial Horlogerie, paru le 5 juin 2025.



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Publish date : 2025-06-05 07:00:00

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