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« Il m’a demandé nos origines » : révélations sur l’auteur de l’attentat raciste de Puget-sur-Argens

« Il m’a demandé nos origines » : révélations sur l’auteur de l’attentat raciste de Puget-sur-Argens

Un parcours meurtrier. Après avoir tué Hichem Miraoui, ressortissant tunisien, ce samedi 31 mai à Puget-sur-Argens, dans le Var, Christophe Belgembe s’en est pris à deux autres personnes. Les deux hommes, Akif B. et Ibrahim T., sont de nationalité turque et d’origine kurde. Réfugiés en France, ils habitent à une rue du domicile de leur agresseur. Ils auraient été victimes d’une « chasse à l’homme », à laquelle se serait livré le suspect, a déclaré leur avocat David Andic auprès de L’Express.

Christophe Belgembe a été mis en examen et écroué le 5 juin pour assassinat terroriste, après que le Parquet national antiterroriste (PNAT) s’est saisi de l’enquête. Un fait inédit : s’il s’agit de la vingtième procédure liée au terrorisme d’ultradroite traitée par le PNAT, ses magistrats se saisissent pour la première fois d’un assassinat qui pourrait être motivé par des idées d’extrême droite.

« Coups d’accélérateurs »

Les déclarations d’Akif B., la seule des deux victimes encore en vie à avoir été auditionnée par la DGSI, permettent de mieux comprendre le déroulé des faits. Consultée par nos confrères de BFMTV, et confirmée à L’Express par une source proche du dossier, son audition laisse transparaître la détermination du meurtrier.

Ce soir-là, vers 22 heures, Christophe Belgembe s’arrête devant le domicile d’Hichem Miraoui, muni de deux armes de poing et de plus de 1 000 munitions. Depuis son pick-up noir, il tire à sept reprises sur son voisin, avant de redémarrer, et de s’engager dans une rue perpendiculaire à celle de leurs deux habitations. Arrivé à la hauteur de l’appartement d’Akif B. et Ibrahim T., Belgembe tire à nouveau vers la baie vitrée qui sépare la rue de leur intérieur. Il vise à cinq reprises en direction du canapé vers lequel sont les deux hommes. Ces derniers n’échappent aux balles que grâce au rideau métallique de leur entrée, remontée à mi-fenêtre.

Sur les images de vidéosurveillance, on voit alors le pick-up de Belgembe s’éloigner, et stationner quelques mètres plus loin. Lors de son audition, Akif B. raconte aux enquêteurs avoir entendu Belgembe donner plusieurs coups d’accélérateur. « Mais le suspect est en réalité resté sur place, probablement pour amener le maximum de monde vers lui », relate un proche de l’enquête.

Akif B. sort de l’appartement, prend un bâton dans la rue. Belgembe l’aperçoit et fait demi-tour. Akif B., obligé de reculer, est bloqué entre le pick-up et un mur. « Problème, mon ami ? », interroge Akif B. Le suspect sort son arme. « Non non non ! », s’exclame Akif B., avant de se recroqueviller. Belgembe ouvre le feu, et tire quatre fois sur le jeune homme. Deux balles l’atteignent à la main. Akif B. tombe, tente de s’enfuir. Il entend plusieurs autres coups de feu, pendant que son colocataire, Ibrahim, reste coincé dans l’appartement.

Belgembe tente de reculer avec sa voiture, puis se lance à la recherche d’Akif B. Il contourne le bâtiment par l’autre côté, roule « lentement », raconte une source proche de l’enquête. Le jeune homme, caché derrière un camion, touché à la main, perd beaucoup de sang. Belgembe ne le voit pas. Après être resté stationné quelques instants dans le quartier, cet artisan de 53 ans s’en va. Akif B. et Ibrahim T. se rendront ensuite à l’hôpital, faisant trois services d’urgence avant de pouvoir être soignés.

« Fichage »

Dans ses déclarations auprès de la DGSI, Akif B. a expliqué qu’avant son passage à l’acte, Christophe Belgembe leur avait posé plusieurs questions sur leur origine et leur situation administrative. « C’était il y a 5 ou 6 mois. Il m’a demandé nos origines […] Il m’a demandé pourquoi j’étais venu en France, ce à quoi j’ai répondu que je demandais l’asile. Il m’a demandé si j’avais une autorisation […] J’ai dit que je n’avais pas encore de papiers. Il a alors souri bizarrement », a expliqué Akif B.

« Quand les seules questions que vous posez à certaines personnes sont celles sur leurs origines, la raison de leur présence en France et des interrogations au regard du ‘droit au séjour’, c’est quand même assez particulier », souligne Me David Andic. Pendant les mois qui suivent, les contacts entre l’artisan de 53 ans et les deux hommes sont quasiment inexistants. « Il ne s’est jamais intéressé à autre chose », reprend-il. Pour l’avocat, cette « opération de fichage de ses voisins », intervenue plusieurs mois avant les faits, « a conduit à un attentat terroriste prémédité ».

Dans les heures suivant et précédant ses actes, Christophe Belgembe avait diffusé sur Facebook plusieurs vidéos. La première – avant son acte – interpellant les « Français » : « Réveillez-vous, allez les chercher là où ils sont ». Il faisait « allégeance au bleu blanc rouge » et annonçait son intention de dire « stop aux islamiques ». Après ses tirs, il a également publié quatre autres vidéos sur Facebook. Dans ces dernières, il annonçait avoir « dégommé les 2-3 merdes qui étaient près de chez (lui) ».



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Author : Alexandra Saviana

Publish date : 2025-06-10 05:30:00

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