Et s’il était le gagnant du conflit entre Israël et l’Iran ? Depuis le début des bombardements entre les deux pays, le 13 juin dernier, le président russe Vladimir Poutine tente de faire entendre sa voix dans la région. Lui-même engagé dans une longue guerre contre l’Ukraine, le maître du Kremlin a dénoncé les attaques israéliennes sur le programme nucléaire iranien. Une offensive qu’il juge contraire « au droit international ». La déclaration témoigne d’un certain cynisme, étant donné l’invasion illégale du territoire ukrainien menée par l’armée russe il y a plus de trois ans.
Replacer Moscou au centre du jeu diplomatique
Au-delà de cette condamnation des frappes conduites par l’Etat hébreu en Iran, Vladimir Poutine a d’abord souhaité se poser comme un possible arbitre entre les deux belligérants. Le 13 juin, le Kremlin avait ainsi indiqué que le président russe était « prêt » à « jouer un rôle de médiateur afin d’éviter une nouvelle escalade des tensions ». Une proposition finalement rejetée par le président américain, Donald Trump. « J’ai dit ‘Fais-moi une faveur, fais le médiateur pour toi-même. Occupons-nous de la médiation pour la Russie d’abord, ok ? Tu peux t’occuper de ça [le conflit au Moyen-Orient, NDLR] plus tard' », a raconté le milliardaire républicain.
Malgré cette fin de non-recevoir, la réponse de Donald Trump à la proposition russe est bien une preuve que Moscou n’est pas tout à fait laissé de côté sur la situation au Moyen-Orient. Désireux de se replacer au centre du jeu, Vladimir Poutine a l’avantage d’entretenir des relations avec les différentes puissances parties prenantes dans cette crise. Avec Washington, les négociations sur la guerre en Ukraine piétinent. Mais des échanges sur la question annexe du conflit israélo-iranien ne peuvent être que bénéfiques au président russe pour conserver une certaine proximité avec son homologue américain, à qui il a téléphoné sur le sujet.
L’allié iranien comme point d’appui
Ces dernières années, la Russie a favorisé d’excellents rapports avec l’Iran. Moscou et Téhéran ont d’ailleurs signé en janvier dernier un traité de coopération accru, notamment en matière de sécurité. Ce texte ne comprend en revanche aucune trace d’une clause de soutien militaire mutuel en cas d’attaque subie par l’un ou l’autre pays.
Vladimir Poutine, qui ne cesse de mettre en avant les positions de ses « amis » iraniens, a pu compter sur l’aide de la République islamique pour développer de nouveaux drones déployés en Ukraine. Déjà fournisseur de ce genre d’armes au Kremlin, l’Iran lui a permis de produire un modèle inédit de ces engins volants sur son propre sol. Le tout, en permettant à Moscou de se baser sur les caractéristiques des drones iraniens Shahed pour gagner du temps. Comme révélé par un rapport relayé par le Washington Post, la Russie est même parvenue à améliorer en quelques mois la performance de ses appareils – un domaine dans lequel elle détenait jusque-là un certain retard.
Dans le même temps, en dépit de son alliance de plus en plus renforcée avec la République islamique, Moscou n’a pas non plus totalement rompu les liens avec Israël. Vladimir Poutine s’est même entretenu avec le Premier ministre de l’État hébreu, Benyamin Netanyahou, le jour de l’offensive israélienne. Autrement dit, la Russie « est sortie de son isolement international » en « devenant indispensable » pour les différents acteurs « dans la région », décrypte Tatiana Kastouéva-Jean, chercheuse à l’Ifri et spécialiste de la Russie, selon des propos rapportés par l’hebdomadaire économique américain Barron’s.
Affaiblissement de l’Ukraine et cours de l’or noir
Forcément, une telle configuration peut légitimement inquiéter l’Ukraine. Au moment où la perspective d’une paix rapide semble s’éloigner de plus en plus, l’activité de la Russie dans le dossier israélo-iranien fait craindre à Kiev un passage de ses revendications au second plan. Sur le plan militaire, le pays négociait depuis plusieurs semaines pour récupérer un système de défense antiaérien Patriot obsolète resté en Israël. Or, selon Volodymyr Zelensky, ce précieux équipement de fabrication américaine n’est toujours arrivé sur place. « Nous n’avons pas encore vu ce système sur le territoire ukrainien », a confirmé la semaine dernière le président ukrainien, cité par les médias publics ukrainiens.
Outre cette bonne nouvelle pour son camp, Vladimir Poutine pourrait également bénéficier de la situation entre Israël et l’Iran d’un point de vue financier. La Russie subit depuis de longues années d’importantes sanctions sur de nombreux pans de son économie. Pour obtenir des rentrées d’argent, elle compte sur sa « flotte fantôme ». Celle-ci lui permet de livrer du pétrole via des bateaux « invisibles », naviguant autour du globe en toute illégalité. Comme relevé par le journal indépendant russe The Insider, la montée des cours de l’or noir liée à la dégradation sécuritaire au Moyen-Orient pourrait profiter à son commerce souterrain.
À condition, bien sûr, que la situation ne dérive pas en une guerre totale dans la région. « Le Kremlin agit selon un vieux principe coranique : ‘Combattez et faites la guerre, mais ne transgressez pas' », explique à la radio allemande DW Ruslan Suleymanov, un analyste spécialiste du Moyen-Orient. « En d’autres termes, Moscou, qui a des intérêts et une présence au Moyen-Orient, préfère éviter tout chaos incontrôlable dans la région. »
Une position d’équilibriste qui semble pour le moment convenir au pouvoir russe. Vendredi 20 juin, lors d’une intervention à Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine a retiré sa proposition initiale de médiation. « Nous ne faisons que proposer des idées », a-t-il nuancé. « Si celles-ci sont attractives pour les deux pays, nous ne serons que ravis. »
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Publish date : 2025-06-21 15:14:00
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