C’est une construction à vitesse éclair… En l’espace de huit jours seulement, la Floride a transformé son ancien aéroport en un centre de rétention pour migrants. Une initiative du gouverneur républicain de Floride Ron DeSantis, connu pour son approche migratoire très offensive, et qui n’a pas hésité à invoquer un « état d’urgence » pour s’arroger les pouvoirs nécessaires. Le 3 juillet dernier, c’est donc au milieu de marécages peuplés d’alligators, dans les Everglades, qu’a vu le jour ce centre, éponyme mais pourtant indépendant de la prison d’Alcatraz. Deux semaines après sa construction, les premiers témoignages de détenus, recueillis notamment par le New York Times et le Washington Post, font froid dans le dos.
Violations des droits humains
Ils révèlent des atteintes majeures aux libertés fondamentales, dont la liste semble interminable : accès limité à l’eau ou à des sanitaires fonctionnelles, absence de plats chauds ou de produits d’hygiène de base, omniprésence de moustiques y compris dans les douches, ou encore impossibilité pour les détenus d’avoir des temps de sorties en plein air. Mais ce n’est pas tout : les détenus disent aussi souffrir d’irritations de la peau et avoir pour certains, commencé à tomber malade, le tout amplifié par le manque de sommeil, alors que la lumière reste allumée la nuit sur le site. Le centre compterait actuellement environ 900 détenus, pour la plupart d’origine hispanique, et ambitionnerait d’en accueillir jusqu’à 3000 d’ici la fin de l’année selon les informations du Washington Post. Selon plusieurs membres de l’administration Trump qui se sont confiés anonymement au New York Times, près de la moitié d’entre eux n’ont aucune charge pénale en cours d’examen à leur encontre, et l’écrasante majorité n’a fait l’objet d’aucune condamnation à date.
Comme l' »Alligator-Alcatraz », la plupart des centres administrés par l’ICE, la police de l’immigration de Donald Trump, sont souvent pointés du doigt pour leur grande promiscuité. Mais celui-ci présente une particularité supplémentaire, à savoir sa localisation, très excentrée. Certains gardiens de prisons disent avoir été mis en garde par les autorités d’une présence d’alligators, de panthères et de serpents venimeux dans les environs. En visite dans ce centre le 1er juillet dernier, Donald Trump avait pour sa part vu dans cet emplacement atypique un atout : « On a beaucoup de flics sous forme d’alligators – vous n’avez pas besoin de les payer autant. Je ne voudrais pas courir longtemps dans les Everglades. Ça gardera les gens là où ils sont censés être », avait-il déclaré.
Recours aux « pouvoirs d’urgence » par la Floride
Le président américain avait également souligné que ce site relevait de la responsabilité de la Floride et non de l’Etat fédéral. Une configuration pour le moins surprenante alors que la gestion de la politique migratoire, et par conséquent des centres de rétention, est une prérogative relevant exclusivement de l’Etat fédéral. Autrement dit, les gouverneurs des différents Etats n’ont pas la permission légale de créer leurs propres systèmes de détention. Mais la Floride semble avoir ouvert une brèche en utilisant les « pouvoirs d’urgence ». Si bien que cinq autres Etats américains veulent désormais emboîter le pas du gouverneur de Floride, selon le Washington Post.
Quant aux élus démocrates, qui ont finalement obtenu l’accès au site après avoir attaqué en justice Ron DeSantis qui le leur interdisait dans un premier temps, ils disent y avoir vu des détenus accrochés à des bancs par des menottes, portant tous des bracelets indiquant le type de délit qu’ils auraient commis, et d’une couleur variable selon sa gravité. De leur côté, plusieurs élus républicains se sont voulus rassurants sur l’état des détenus, certains ironisant même sur le niveau de confort. « C’est même mieux que mon lit à la maison », déclarait ainsi le sénateur républicain Blaise Ingoglia, en référence à un lit dans une cellule vide du centre. Si les détenus ont tous un accès illimité à leurs téléphones portables – placés sur écoute -, leurs avocats et leurs proches ne sont toutefois pas autorisés à leur rendre visite.
Coût faramineux
Certains membres du personnel pénitentiaire, qui ont jeté l’éponge depuis leur arrivée il y a deux semaines, ont confié à la presse américaine avoir initialement accepté de travailler à « Alligator-Alcatraz » en raison du salaire proposé, plus élevé que dans la plupart des autres centres de l’ICE. Mais pour financer les plus de 1000 salariés et les équipements d’appoint sur lesquels fonctionne l’établissement, le coût n’est pas des moindres. Un détenu des Everglades « coûte » ainsi 2,6 fois plus cher qu’un détenu de n’importe quel autre centre de l’ICE (411 dollars par jour versus 157 dollars par jour). Au total, faire tourner « Alligator-Alcatraz » nécessiterait pas moins de 450 millions de dollars à l’année, financés pour partie par l’Agence nationale américaine chargée de répondre aux situations d’urgence et pour partie par des dons républicains, selon le New York Times.
Ce tout récent centre est révélateur d’une tendance, depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, à déployer des installations « mobiles » pour la détention de migrants. Parmi les autres exemples en ce genre figurent notamment les tentes mises en place à Guantánamo Bay ou encore dans les locaux du centre de détention surpeuplé de Krome, à Miami. Sur les réseaux sociaux, le centre « Alligator-Alcatraz » a indigné de nombreux internautes, qui ont dénoncé le caractère « ethnique » et « excentré » de ces détentions. A tel point que certains sont même allés jusqu’à créer un hastag devenu viral en quelques heures : #AlligatorAuschwitz, un slogan largement repris par l’opposition en Floride.
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Publish date : 2025-07-17 15:17:00
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