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Quel avenir pour la loi Duplomb ? Quatre questions après le succès inédit de la pétition contre le texte

Quel avenir pour la loi Duplomb ? Quatre questions après le succès inédit de la pétition contre le texte

Une « aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire ». Voilà comment Eléonore Pattery, étudiante de 23 ans à l’origine d’une pétition publiée le 10 juillet sur le site de l’Assemblée nationale, décrit la loi Duplomb.

En une dizaine de jours, Eléonore Pattery a vu sa pétition franchir la barre du million de signataires. Du jamais-vu. Alors qu’il est possible de déposer des pétitions sur le site du Palais Bourbon depuis 2019, une seule, contre la Brav-M, brigade de policiers motorisés de répression de l’action violente, avait jusqu’ici recueilli 260 000 signatures, très loin de celle-ci donc.

Adoptée le 8 juillet au Parlement, par 316 voix pour, contre 223, la proposition de loi destinée à « lever les contraintes » des agriculteurs prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France mais autorisé en Europe. Ce produit est réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n’avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale. A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre « un tueur d’abeilles ». Ses effets sanitaires sur l’humain sont aussi source de préoccupations.

Ce lundi 21 juillet, sur RMC, Laurent Duplomb a dénoncé une pétition « instrumentalisée » contre la loi qui porte son nom. « Ce système de pétition, il est fait pour mettre de la pression au Conseil constitutionnel et espérer qu’il ne valide pas la loi », a dénoncé le sénateur Les Républicains (LR). La veille, sur LCI, il avait critiqué « l’acharnement que mettent certaines ONG, certains détracteurs, à désinformer la population ». L’Express fait le point sur l’avenir politique et juridique de cette loi.

Un débat va-t-il être organisé dans l’hémicycle ?

Le cap symbolique des 500 000 signatures contre cette loi a été très largement franchi dès samedi. Ce seuil – à condition que les signatures soient issues d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer – permet à la conférence des présidents, l’instance qui fixe l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, de se saisir de cette pétition et de décider si un débat doit être organisé dans l’hémicycle. La présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet s’est dite dimanche sur franceinfo « favorable » à cette hypothèse. Mais, ce débat « ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée » qui va, selon elle, « sauver un certain nombre de nos agriculteurs », a-t-elle indiqué.

Un tel débat ne signifie donc pas pour autant que la loi sera réexaminée sur le fond. Il serait toutefois une première sous la Ve République et, vu la mobilisation citoyenne, il sera particulièrement scruté. Néanmoins, comme le rappelle Politico, l’Assemblée nationale étant en vacances, la conférence des présidents ne se réunira pas avant le 16 septembre. La tenue d’un nouveau débat sera en outre soumise au vote de ses membres.

Une deuxième loi abrogeant la première peut-elle être déposée ?

Pour annuler les effets de la loi Duplomb, il faudrait qu’une deuxième loi abrogeant la première soit déposée puis adoptée, comme cela avait été le cas en 2006 pour le contrat de première embauche « CPE » défendu par le Premier ministre de l’époque, Dominique de Villepin. Les groupes d’opposition, les Ecologistes notamment, peuvent donc à n’importe quel moment déposer une proposition de loi incluant l’abrogation de la loi Duplomb et son article sur la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride.

Emmanuel Macron peut-il renoncer à promulguer cette loi ?

Certains opposants à la loi Duplomb appellent Emmanuel Macron à ne pas promulguer la loi. Le député La France insoumise Ugo Bernalicis a ainsi appelé « solennellement » l’exécutif « à entendre la voix du peuple qui refuse le passage en force » et à « renoncer à promulguer cette loi ».

Mais, selon Politico, le président de la République n’aurait pour le moment pas l’intention de ne pas promulguer la loi, alors que le Conseil constitutionnel examine actuellement un recours des députés de gauche déposé le 11 juillet. Ces opposants espèrent une censure notamment dans la mesure où la loi Duplomb a fait l’objet d’une motion de rejet préalable, ce qui a empêché tout réel débat dans l’hémicycle. Il est cependant très peu probable que les Sages censurent pour vice de procédure : ils ont déjà jugé dans le passé que les motions de rejet, jugées « détournées » de leur esprit par les oppositions, n’étaient pas de leur ressort, rappelle l’AFP.

Dans leur recours, les députés de gauche estiment aussi que la réintroduction de l’acétamipride contrevient à deux principes constitutionnels : le principe de précaution, qui oblige à prévenir des dommages environnementaux graves même en cas d’incertitude scientifique, et le principe de non-régression, qui interdit de revenir en arrière sur les avancées en matière de protection de l’environnement. Mais ils sont très généraux et leurs implications concrètes sont susceptibles d’interprétation par le législateur. Il semble donc peu probable que la loi dans son ensemble soit censurée. Les Sages de la Rue de Montpensier doivent rendre leur verdict au plus tard avant le 11 août.

Une seconde délibération au Parlement ?

Une fois l’étape du Conseil Constitutionnel passée, le président de la République doit promulguer la loi. Mais il peut aussi retarder cette promulgation et demander une seconde délibération au Parlement. C’est ce que demande la patronne des Ecologistes Marine Tondelier. La Constitution permet en effet une seconde lecture à l’Assemblée, à condition de le faire dans un délai de 15 jours après la transmission de la loi au gouvernement.

« Le chef de l’Etat, en tant que garant de la cohésion nationale, pourrait choisir cette option vu qu’en l’espèce un nombre important de citoyens s’opposent à ce qui a été voté au Parlement », estime la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina dans un entretien à l’AFP.



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Author : Julien Chabrout

Publish date : 2025-07-21 10:01:00

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