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Pourquoi le régime méditerranéen est-il si bon pour votre santé ?

Pourquoi le régime méditerranéen est-il si bon pour votre santé ?

Quel est le régime alimentaire idéal ? Lorsqu’on les interroge, chercheurs, médecins et spécialistes de la nutrition parviennent quasi systématiquement tous à la même conclusion : le régime méditerranéen. « C’est le Gold standard, le meilleur qui sort du lot quand on étudie tous les régimes », résume Patrick Veiga, directeur de recherche à l’Inrae, chercheur en microbiologie et expert en nutrition. Inspiré des cuisines traditionnelles et centenaires du sud de l’Espagne et de l’Italie, ainsi que de la Crète, il a obtenu ses lettres de noblesse, puisque l’Unesco l’a inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2013. Mais ce qui fascine vraiment les scientifiques, c’est sa capacité démontrée à permettre de rester en bonne santé, en réduisant notamment les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète et de certains cancers.

Longtemps, les chercheurs se sont contentés d’observer les corrélations statistiques prometteuses. Aujourd’hui, grâce aux avancées en biologie moléculaire et en microbiologie, ils sont en mesure de comprendre les mécanismes biologiques qui expliquent ces bienfaits. Et, bonne nouvelle, il est possible de l’adapter aux habitudes alimentaires de nombreux pays, dont la France.

Des preuves scientifiques solides

De quoi parle-t-on exactement ? Le régime méditerranéen traditionnel se définit par neuf composants précis : une consommation élevée de légumes, légumineuses, fruits et noix, céréales, poisson et d’huile d’olive, peu de viande (rouge et volaille) et de produits laitiers, et très peu d’alcool. Il est également associé à une culture et un mode de vie qui implique de cuisiner chez soi, de prendre le temps de savourer les repas en famille ou entre amis.

Les premières études modernes datent des années 1990, notamment avec les travaux d’Antonia Trichopoulou, une épidémiologiste grecque surnommée « la mère du régime méditerranéen ». À l’époque, elle développe le premier système de notation standardisé pour mesurer l’adhésion à ce régime – le Mediterranean Diet Score – qui attribue des points selon la consommation de neuf composants alimentaires clés. Il sera utilisé dans des centaines d’études internationales visant à évaluer ses effets sur la santé.

Parmi elles, c’est l’étude Prédimed qui a le plus marqué les esprits. Menée en Espagne, elle a suivi 7 500 seniors présentant des facteurs de risque cardiovasculaire élevés pendant cinq ans. « Nous avons réparti les participants en trois groupes, les deux premiers suivaient un régime méditerranéen, l’un complété par quatre cuillères à soupe d’huile d’olive extra-vierge par jour, l’autre par 30 grammes de fruits à coque. Le dernier groupe suivait un régime faible en gras », explique Jordi Salas-Salvado, professeur à l’université Rovira i Virgili et coordinateur de cette étude.

Les résultats ont été spectaculaires : « Nous avons montré une réduction de 30 % du risque d’infarctus du myocarde, de 39 % du risque d’accident vasculaire cérébral et de 33 % du risque de décès cardiovasculaire chez ceux qui adoptent le régime méditerranéen complété par l’huile d’olive », poursuit le professeur. Son équipe et lui ont ensuite mené d’autres travaux qui attestent d’une forte réduction de la pression artérielle et des maladies artérielles, du cancer du sein et du diabète chez les consommateurs de ce régime.

Plus récemment, l’étude Cordioprev a apporté des preuves supplémentaires. Les chercheurs ont suivi pendant sept ans plus de 1 000 patients ayant déjà eu des problèmes cardiaques, en comparant directement le régime méditerranéen à un régime plus pauvre en graisses animales et végétales, mais légèrement plus riche en glucides. Ce dernier s’est montré supérieur pour prévenir les événements cardiovasculaires majeurs, avec une réduction d’environ 25 % des risques. Ces résultats ont été confirmés par de nombreuses autres études, comme celle publiée en 2024 dans le British Journal of Nutrition. « Nous avons suivi 30 000 personnes réparties en cinq groupes selon leur adhésion au régime méditerranéen. Nos résultats convergent complètement avec Prédimed et confirment l’intérêt alimentaire et nutritionnel du régime méditerranéen », assure Denis Lairon, directeur de recherche émérite à l’Inserm, et coauteur de ces travaux.

Les mécanismes enfin élucidés

Que se cache-t-il derrière ces effets impressionnants ? Les scientifiques ont identifié plusieurs mécanismes clés. Premier élément fondamental : le régime méditerranéen est principalement composé de fruits et de légumes, dans des quantités bien supérieures à nos régimes occidentaux modernes. Il apporte donc davantage de fibres, ce dont nous manquons cruellement, puisque dans les pays industrialisés, nous en avalons péniblement 15 grammes par jour en moyenne, là où les recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire indiquent qu’il en faudrait au minimum 25 à 30 g.

Car les fibres sont essentielles au bon fonctionnement du microbiote, cet écosystème de milliards de bactéries qui peuplent notre intestin. Les enzymes digestives humaines ne peuvent pas décomposer entièrement toutes les fibres végétales, contrairement à nos petits hôtes. Mais pour fonctionner pleinement, ces bactéries doivent être nourries avec une grande variété de fibres : fruits, légumes, aliments complets (pain, pâtes, riz, céréales), ce qu’apporte justement le régime méditerranéen. En retour, elles produisent des molécules appelées acides gras à chaîne courte, excellentes pour notre santé et qui nous fournissent de l’énergie, protègent contre certains cancers des voies digestives et ont des actions antimicrobiennes et anti-inflammatoires.

Deuxième élément : la principale source de gras de ce régime est l’huile d’olive extra-vierge. « A la fois pour cuisiner et pour assaisonner », souligne Jordi Salas-Salvado. Contrairement aux autres huiles extraites de graines par des procédés chimiques à haute température, l’huile d’olive extra-vierge est obtenue par simple pression mécanique des olives fraîches, sans chauffage ni solvants. Cette différence de fabrication préserve des composés essentiels dont les polyphénols. Ce sont ces puissants antioxydants qui donnent leur couleur aux végétaux, d’où le conseil de nombreux scientifiques de manger « le plus végétal et le plus coloré possible ». Mais ces composés ne se contentent pas de lutter contre l’inflammation. Des études récentes menées sur des souris montrent que ceux de l’huile d’olive extra-vierge modifient le microbiote intestinal des rongeurs de manière à réduire significativement leur pression artérielle. Les mécanismes d’action ne s’arrêtent pas là : des recherches émergentes suggèrent que les polyphénols de l’huile d’olive agissent aussi comme des modulateurs épigénétiques et qu’ils peuvent activer ou désactiver certains gènes liés à l’inflammation et au stress oxydatif, indique une étude publiée en 2022 dans Advances in Nutrition.

Troisième élément : des études menées sur le mode de vie des villageois méditerranéens dans les années 1950 montraient qu’ils préparaient non seulement leurs repas mais qu’ils mangeaient en groupe. Or, aujourd’hui la recherche moderne tend à démontrer que manger en pleine conscience est bénéfique pour la santé. « Cela paraissait ésotérique il y a vingt ans, mais c’est désormais documenté scientifiquement. Manger attentivement facilite les signaux de satiété, contrairement au grignotage devant la télévision par exemple », explique Mathilde Touvier, directrice de recherche en épidémiologie nutritionnelle à l’Inserm et responsable de la cohorte NutriNet-Santé. Ainsi, la « sacralisation » des repas pourrait elle aussi expliquer les bénéfices du régime méditerranéen. D’autres études ont également montré que les villageois étudiés étaient très actifs physiquement, travaillant souvent en extérieur (champs, pêche). Or l’activité physique est associée à une réduction des risques cardiovasculaires.

Selon les chercheurs, c’est aussi la synergie entre tous les composants du régime méditerranéen qui est bénéfique : fibres, polyphénols et vitamines. A quoi s’ajoute une très faible consommation de viande, dont il a été démontré que la surconsommation – et en particulier celle de viande rouge – est néfaste pour la santé, en augmentant les risques de cancer du côlon et du sein. L’ensemble de ces paramètres fonctionnerait comme un cercle vertueux sur notre organisme. « C’est un peu comme la musique : un instrument peut très bien sonner seul, mais dans un orchestre où tous les instruments jouent bien, c’est encore mieux », image Jordi Salas-Salvado.

Un défi d’adaptation française

Reste une question cruciale : peut-on transposer ces bienfaits aux habitudes alimentaires françaises ? La réponse est oui, car il n’est pas nécessaire de bouleverser complètement nos habitudes. Pas besoin, par exemple, de s’en tenir exclusivement aux légumes méditerranéens comme les poivrons et les aubergines. Les légumes du nord de l’Europe comme les choux et les carottes fonctionnent tout aussi bien. Il convient en revanche de faire plus de place aux herbes aromatiques, parfois négligées dans nos cuisines. « Plusieurs études démontrent leurs bénéfices potentiels, probablement parce qu’elles augmentent le taux d’antioxydants dans le corps », note Jordi Salas-Salvado. Persil, échalote, thym : ces condiments comptent dans la diversité des 30 végétaux par semaine recommandés par certains scientifiques. L’autre versant de l’équation : il faut réduire drastiquement les aliments ultra-transformés au profit du fait maison.

Quant à l’apport de graisse, il sera probablement difficile de se passer totalement du beurre dans la cuisine française. Néanmoins, l’huile d’olive extra-vierge doit être envisagée comme première source. Son prix peut néanmoins être rebutant pour certains, et des alternatives sont possibles. « Il faut de manière générale privilégier les huiles végétales riches en oméga-3 : en plus de l’huile d’olive extra-vierge, il y a celles de noix et de colza », propose ainsi Irène Margaritis, adjointe au directeur de l’évaluation des risques à l’Anses.

Les obstacles persistent

Car l’adoption du régime méditerranéen peut se heurter à des réalités économiques et sociales. Une étude publiée en 2017 dans l’International Journal of Epidemiology menée sur 24 000 personnes du sud de l’Italie montre par exemple que les bénéfices du régime méditerranéen pour les maladies cardio-vasculaires et tumorales ne sont observés que chez les personnes très éduquées et aux revenus élevés. « Nous avons demandé aux participants combien de fruits ils mangent par jour, mais les études ne précisent pas le type de fruit, comment il a été cultivé ou sous quelle forme il a été consommé », explique au New Scientist Marialaura Bonaccio, chercheuse à l’IRCCS NEUROMED, coauteur de cette étude. Une des explications possibles serait que la qualité des aliments consommés joue un rôle crucial. Les ménages aux revenus modestes peuvent avoir recours à des aliments congelés ou transformés moins riches en nutriments protecteurs que les produits frais, que les personnes plus aisées achètent plus facilement.

« La responsabilité n’est pas individuelle, mais collective, commerciale et gouvernementale », estime Irène Margaritis. Une critique largement partagée par la communauté scientifique, qui appelle les gouvernements à réguler la publicité, notamment celle à destination des enfants, et à créer des incitations économiques afin que les aliments de bon profil nutritionnel, pas ou peu transformés et les fruits et légumes bio soient les moins chers possible. Sans quoi le régime méditerranéen restera l’apanage d’une élite. Paradoxe d’une époque où la malbouffe coûte moins cher qu’une alimentation saine.



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Author : Victor Garcia

Publish date : 2025-08-06 10:00:00

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