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« Ne parlez pas hébreu en public » : l’été sous haute tension des touristes israéliens en Europe

« Ne parlez pas hébreu en public » : l’été sous haute tension des touristes israéliens en Europe

Une véritable chasse à l’homme, en plein cœur d’un parc de vacances familial aux Pays-Bas. Ce 21 août, un groupe de touristes israéliens a été agressé dans un Center Parcs près d’Eindhoven, dans le sud du pays, quelques jours après la diffusion d’une vidéo particulièrement alarmante : un groupe de militants pro-palestiniens avait filmé en caméra cachée des familles israéliennes, dont des enfants, dans ce parc et appelait à « rendre justice » contre « ces potentiels criminels de guerre de l’entité sioniste ». Jeudi soir, deux voyageurs israéliens ont été hospitalisés et la police néerlandaise a ouvert une enquête.

Le même jour, en France, dans les Pyrénées-Orientales, un autre groupe de touristes israéliens a été pris pour cible : 150 jeunes vacanciers, âgés de 8 à 16 ans, se sont vu refuser l’accès à un parc de loisirs, le gérant avançant « des convictions personnelles » pour leur barrer la route. L’homme de 52 ans a été placé en garde à vue pour « discrimination fondée sur la religion dans le cadre de l’offre ou de la fourniture d’un bien ou d’un service ».

La principale recherche Google en Israël : « Quel est le pays le moins antisémite d’Europe ? »

En Europe, l’été a été rythmé par des affaires d’hostilité envers des touristes israéliens, allant jusqu’aux agressions physiques. En juillet, des manifestants pro-palestiniens ont empêché un navire d’accoster sur l’île de Syros, parce qu’il transportait des voyageurs israéliens. Le même scénario s’est déroulé dans la ville portuaire de Volos, mi-août, mais les touristes ont pu débarquer cette fois, après une intervention musclée de la police grecque. A Sarajevo, en Bosnie, des employés d’un hôtel ont jeté à la poubelle les passeports de 47 clients israéliens, sans que l’enquête n’ait pour l’instant déterminé s’il s’agissait d’un acte malveillant ou non…

En Espagne ou en Autriche, plusieurs restaurants ont été épinglés pour avoir refusé de servir des clients parlant hébreu et, sur les réseaux sociaux, on ne compte plus le nombre de vidéos dans lesquelles des internautes hurlent « Free Palestine » à des touristes arrivant d’Israël… « Ce genre d’incidents est multidiffusé dans la presse israélienne et sur les réseaux sociaux, ce qui crée une ambiance dans laquelle les Israéliens ont vraiment peur de dire qu’ils sont d’Israël ou de parler en hébreu, avance Hen Feder, porte-parole de l’ambassade d’Israël en France. Résultat, ils n’ont d’autre choix que de se montrer beaucoup plus prudents à l’étranger. »

Cette année, pour préparer leurs vacances, les Israéliens ont dû changer leurs habitudes : la météo ou les prix des hôtels et restaurants ne sont plus les critères déterminants d’un voyage réussi. Sur Google, la question la plus posée en juin en Israël était : « Quel est le pays le moins antisémite d’Europe ? » Le reflet d’une angoisse profonde, après deux ans de guerre dans la bande de Gaza et d’une vague de haine contre la communauté juive qui touche toute l’Europe depuis le 7-Octobre. « Les meilleures vacances pour les Israéliens aujourd’hui, c’est de rester chez soi, assure Basel, serveur dans un restaurant de Tel-Aviv. Malgré les missiles de l’Iran ou le risque terroriste, Israël reste plus sûr que l’Europe pour les juifs. Là-bas, nous sommes obligés de murmurer pour ne pas risquer de nous faire attaquer… »

Dans un rapport publié en juillet, Google indique que les recherches de ses utilisateurs israéliens liées à l’antisémitisme en Europe ont augmenté de 5 000 % en un an. Le moteur de recherche établit le profil type du touriste israélien pour 2025 : il est déterminé à voyager mais cherche avant tout une destination sans danger ; il préfère louer un appartement qu’aller à l’hôtel ; et il choisit des dates de vacances décalées par rapport au reste du monde, afin d’éviter les foules.

Les voyageurs israéliens privilégient l’Est de l’Europe

Notre pays, première destination touristique mondiale, n’est pas épargné par ce phénomène. Les images des manifestations pro-palestiniennes et l’explosion d’actes antisémites depuis le 7-Octobre (+ 283 % en 2023, selon la Commission nationale consultative de droits de l’homme) ont terni la perception des touristes israéliens. « Sur notre échelle de risques pour les voyageurs, qui monte jusqu’à 4, la France se situe aujourd’hui au niveau 2, indique Hen Feder. On conseille aux Israéliens de ne pas parler hébreu en public et de ne pas dire leur pays d’origine à des inconnus. » D’après le rapport de Google, Paris a disparu du top 10 des destinations les plus prisées par les Israéliens, quand Istanbul ne fait même plus partie du top 100. Londres, théâtre de manifestations pro-palestiniennes récurrentes, a aussi chuté dans ce classement.

Dans ce climat de tensions avec l’Europe occidentale, les voyageurs israéliens se sont davantage tournés vers l’Est cette année : la Hongrie, Vienne ou la Pologne ont vu leur fréquentation décoller. Le grand vainqueur ? Prague, capitale de la République tchèque, réputée particulièrement chaleureuse envers les Israéliens. « Les gens y sont effectivement très amicaux avec nous, témoigne Shlomi, chauffeur de taxi à Jérusalem qui s’est rendu pour la première fois à Prague en juin. Mais il faut quand même rester prudent : j’ai payé avec ma carte de crédit israélienne dans un magasin sans y penser et, en sortant, le vendeur a crié : ‘il vient d’Israël, il vient d’Israël !’ J’ai dû partir au plus vite, sans vraiment comprendre s’il était agressif ou non. »

Si les Israéliens restent de grands voyageurs, ils se déplacent depuis toujours avec le risque d’agression en tête, tant leur pays déchaîne les passions depuis sa création en 1948. « Être prudent à l’étranger fait partie de l’ADN des Israéliens, parce que partout dans le monde des gens nous détestent et peuvent nous mettre en danger, souligne le diplomate Hen Feder. Depuis le 7-Octobre, ces personnes n’ont simplement plus honte de dire tout haut leur haine des Israéliens. »

Début août, dans un sondage publié par le média Channel 12, une majorité d’Israéliens se déclarait inquiets de ne plus pouvoir voyager à l’étranger en raison des émotions suscitées par la guerre dans la bande de Gaza. L’hostilité montrée par certains Européens cette année ne devrait pas inverser la tendance.



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Author : Corentin Pennarguear

Publish date : 2025-08-23 06:30:00

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