Pourquoi y a-t-il eu tant d’écrits sur une supposée homosexualité d’Hitler ne reposant sur aucun fait historique ? Comment Mao a-t-il pu à ce point abuser de jeunes femmes tout en imposant le puritanisme aux Chinois ? De Catherine II à Vladimir Poutine en passant par Bachar el-Assad, L’Express se penche cet été sur la vie sexuelle des dictateurs, et montre comme celle-ci a pu influencer leurs décisions politiques, tout en étant l’objet de nombreux fantasmes.
EPISODE 1 – « Hitler était-il homosexuel ? » : la vie privée du Führer, objet de tous les fantasmes
EPISODE 2 –Vladimir Poutine et le sexe : du « mâle alpha » obscène au patriarche conservateur
EPISODE 3 – Mao, le libertin rouge : quatre épouses et bien des concubines
EPISODE 4 – Catherine II, l’impératrice qui obsède Vladimir Poutine : cougar, « nymphomane » et amoureuse de Potemkine
Au début des années 1990, Bachar el-Assad étudiait l’ophtalmologie au Royaume-Uni. Mais à l’époque, tous les regards se tournaient vers Basel, son grand frère. Un militaire charismatique, viril, promis à la succession du père… Jusqu’à ce qu’un accident de voiture balaye cette certitude en 1995. Le discret Bachar est alors rappelé en urgence à Damas. L’entourage du président syrien Hafez el-Assad, déjà affaibli par la maladie, s’active pour façonner cet héritier. C’est finalement en 2000, à la mort du patriarche, que Bachar accéda au pouvoir. Il avait 35 ans, et pas la moindre expérience en politique. Mais un besoin viscéral d’être admiré, tant par les soutiens du régime qui vénéraient son père comme un dieu que (et surtout) par les femmes…
Plusieurs maîtresses ont su exploiter cette faille pour influencer le jeune chef d’Etat, pourtant marié à la classieuse Asma el-Assad. A commencer par Sheherazad Jaafari, fille de Bachar Jaafari, représentant de la Syrie aux Nations unies, avec laquelle le Boucher de Damas aurait eu une histoire intime. Comme l’ont mis en évidence des milliers de courriels expurgés par Abdallah Fawas, réfugié syrien installé au Mexique qui a réussi à pirater en avril 2012 l’adresse électronique du chef d’Etat, celle-ci lui envoyait régulièrement des photos de son corps nu, des mots empreints de sensualité, lui disant qu’elle voulait revenir à Damas pour passer « une nouvelle nuit » avec lui… Mais Jaafari était loin de n’être qu’une amante.
Cette grande partisane de l’implication active de l’Iran en Syrie pilotait aussi l’accueil des délégations étrangères, façonnant l’image d’un pays stable et prospère, et conseillait Assad sur sa stratégie de communication vis-à-vis de l’étranger. C’est d’ailleurs elle qui eut l’idée de mettre en avant l’image d’un leader cultivé et ouvert sur le monde pour défendre le régime, alors en perte de crédibilité à l’étranger en raison de sa répression injustifiée de manifestations pacifiques. C’est aussi elle qui orchestra l’entretien donné à la chaîne ABC le 7 décembre 2011 – l’une des rares interviews du président syrien par un média occidental au début de la guerre civile. Mais une rivale se dressait sur son chemin : Luna Chebel, une autre maîtresse du président tout aussi influente…
Un faible pour la flatterie
Elle aussi savait comment prendre le malléable Bachar, lui envoyant des mots comme : « Je ne te manque pas ? », « Dois-je attendre longtemps avant d’être près de toi ? », « Il n’y a pas de bureau près de toi ? Même une simple table et une chaise me suffiraient »… Un pari gagnant car à l’aube de la présidentielle syrienne, Luna Chebel devient à son tour un maillon clef du pouvoir : son visage féminin le plus médiatisé. Au point que certains commencent à la surnommer « la deuxième dame » du régime. Depuis, le rôle de Luna Chebel est allé crescendo, au point qu’en 2020, elle a été aperçue sur une photo en train de converser avec le président russe, Vladimir Poutine, tandis qu’Assad se tenait derrière elle. Cette image a déclenché une vive polémique sur son véritable rôle au sein du régime, certains l’accusant d’être les « yeux » de la Russie en Syrie. Elle est morte dans un accident de voiture en juillet 2024. Selon plusieurs analystes, l’hypothèse d’un assassinat orchestré par Assad lui-même n’est pas à exclure…
Luna Chebel arrive pour rencontrer l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, le 24 janvier 2014, lors des pourparlers de paix « Genève II ».
Maîtresses la nuit, conseillères le jour, ou l’inverse… En creux de ces aventures mues en relations de travail se devine l’un des plus grands points faibles du dictateur : les compliments, qu’il goûtait tout particulièrement. Ancienne étudiante en sciences politiques aux Etats-Unis ayant également travaillé pour l’Unicef, la jeune Al-Ali entretenait elle aussi non seulement des échanges intimes avec le dictateur, mais le conseillait sur ses discours publics, suggérant notamment de se concentrer sur son combat contre Israël afin de gagner la solidarité des Syriens. Le secret d’une telle influence ? Sa maîtrise de l’art de la flatterie. Un jour, saluant son choix de costume, sa sagesse et son charisme. Le suivant, encensant son physique lorsqu’il était étudiant à l’université…
En réalité, toutes ces femmes – la liste est non-exhaustive – ont exercé une influence déterminante sur la personnalité narcissique d’Assad, le conduisant peu à peu à vivre hors sol, voire dans un monde parallèle. Tandis que les barils d’explosifs tuaient des civils syriens, lui échangeait des messages d’une grande vulgarité avec ses maîtresses. C’était notamment le cas avec S.K., une femme dont l’identité n’est pas connue. Le 4 juillet 2011, jour de l’assassinat par les services secrets d’Ibrahim Kashoush, chanteur originaire d’une ville du centre de la Syrie et opposant au régime, les deux amants s’envoyaient ainsi des mails sexuellement crus. Quelques jours plus tard, le 19 juillet 2011, alors qu’un massacre était perpétré par la police du régime à Homs, S.K. adressait à Assad des photos d’elle dénudée, accompagnées de cette phrase : « Je comprends à quel point tu es pressé, mais tout le monde a besoin de ta sagesse. »
« La rose du désert »
On en oublierait presque la présence de « La rose du désert » dans la vie du Boucher de Damas – c’est ainsi que le magazine américain Vogue désigna la femme de Bachar el-Assad au début de la révolution syrienne en 2011. Rencontrée dans les années 1990 alors qu’elle travaillait dans une banque britannique, Asma réussissait comme son mari à manipuler l’opinion publique occidentale en se présentant comme une femme moderne, ouverte d’esprit et engagée pour le développement de son pays. Elle était « le beau visage de la dictature », comme l’écrira le média allemand DW en 2017. Mais tandis que cette épouse multipliait les emplettes de luxe sur Internet, commandant chaussures et colliers valant des dizaines de milliers de dollars, elle orchestrait sa mainmise sur l’économie syrienne.
Pendant la guerre, Asma devint la plus grande investisseuse du pays, contrôlant de nombreux secteurs : l’immobilier, les banques, les télécommunications et même l’aide humanitaire. Elle fut aussi l’instigatrice de vastes campagnes de confiscation des biens d’hommes d’affaires. Son expérience dans la gestion d’organisations non gouvernementales, acquise avant la guerre, lui permit même de bâtir un système d’aide humanitaire gangrené par la corruption. Aucune activité d’ONG ne pouvait se dérouler sans son aval. Avec l’influence croissante de Luna Chebel dans l’entourage présidentiel, il était clair qu’Asma ne cherchait pas tant à obtenir la fidélité de son mari qu’à préserver son autorité. Ce que son mariage, certes noyauté par les frasques de son mari, lui permit de faire, au point de devenir le socle d’un véritable partage du pouvoir.
Cependant, la femme dont l’influence fut la plus importante sur les décisions présidentielles de Bachar n’était pas une maîtresse… mais sa mère, Anissa Makhlouf, décédée en 2016. C’est elle qui fut en grande partie responsable du maintien de la cohésion familiale et de l’identité alaouite au sein du régime, consolidant ainsi son ancrage social et politique. Après la mort de son mari Hafez, elle convoqua Assef Chaoukat, alors adjoint au ministre de la Défense et époux de sa fille Bushra, pour lui ordonner de rester aux côtés de Bachar, de le protéger. Elle avait compris avant les autres que Bachar était un homme qu’il fallait soutenir, admirer, encenser… Tant de la part des soutiens du régime – en 2007, lors de sa candidature pour un second mandat, une chanson intitulée On t’aime, conçue par les services de renseignement, tournait en boucle à la télévision – que de celle des femmes, auxquelles le Boucher de Damas s’est accroché tout au long de son règne pour gouverner la Syrie d’une main de fer.
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Publish date : 2025-08-24 16:00:00
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