L’idée d’envoyer des troupes en Ukraine suscite un malaise à Berlin. Cette semaine à Washington, le chancelier Friedrich Merz a ouvert la porte à l’idée d’une participation allemande à une mission de maintien de la paix en Ukraine, tout en évoquant la mise en place de garanties de sécurité en cas d’accord avec Moscou. Cependant, il a aussitôt rappelé qu’une telle décision devrait être concertée avec les partenaires européens et surtout avec sa propre coalition. En effet, le déploiement de troupes nécessiterait une autorisation du Bundestag, le parlement allemand, un obstacle délicat pour un chancelier dont la nomination n’a été validée qu’au deuxième vote.
Or, les débats au sein de la coalition – comprenant les chrétiens-démocrates de centre-droit (CDU), leurs alliés de l’Union chrétienne sociale en Bavière (CSU), et les sociaux-démocrates de centre-gauche (SPD) – vont bon train. « Au sein des deux partis, les avis divergent sur l’opportunité et la faisabilité d’une telle mission », souligne l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, repris par nos confrères de Courrier International. D’un côté, certains considèrent que l’Allemagne, grande puissance européenne, a un devoir d’intervention. De l’autre, beaucoup estiment que le pays n’a pas les moyens de ses ambitions géopolitiques. En Europe, seuls le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer avaient évoqué une telle possibilité.
Si le chancelier allemand semble prêt à soutenir la contribution de l’Allemagne sur le front ukrainien, son ministre de la Défense, Boris Pistorius, figure politique populaire dans le pays, se montre plus prudent. « Il a fait savoir qu’a forme que prendra la contribution allemande à des garanties de sécurité n’est pas encore fixée », rapporte le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, toujours repris par Courrier International. Et il n’est pas le seul à douter au sein du gouvernement.
« Ajouter des troupes en Ukraine serait probablement trop pour nous »
Quelques jours plus tôt, dans le podcast Table Today, le ministre des Affaires étrangères Johann Wadephul avait déjà relativisé les capacités de Berlin : « Nous sommes le seul contributeur européen à déployer une brigade prête au combat en Lituanie. Ajouter des troupes en Ukraine serait probablement trop pour nous. » En avril 2025, l’Allemagne avait lancé son premier déploiement permanent de forces à l’étranger depuis la Seconde Guerre mondiale : une brigade blindée de 5 000 hommes en Lituanie, destinée à renforcer le flanc oriental de l’Otan face à la guerre menée par la Russie en Ukraine.
« Malgré une forte hausse de ses dépenses militaires, l’Allemagne peine à recruter et former des soldats opérationnels, ses effectifs stagnants autour de 182 000 hommes », précise le média américain Politico. Pour pallier des rangs militaires trop clairsemés, l’une des solutions pour Boris Pistorius serait le rétablissement du service militaire obligatoire qu’il poussait déjà sous le gouvernement précédent d’Olaf Scholz. Le système proposé, inspiré du modèle suédois, reposera dans un premier temps sur le volontariat, mais comportera des éléments obligatoires.
Sauf qu’au-delà des capacités militaires, allemandes, l’envoi des troupes en Ukraine soulève aussi un risque politique. Toujours selon Der Spiegel, cette initiative serait très mal accueillie par l’opinion publique, certains sympathisants conservateurs s’étant déjà opposés aux livraisons d’armes. De quoi profiter à Alice Weidel, cheffe de l’AfD, parti d’extrême droite en pleine expansion. Elle accuse déjà les conservateurs de Friedrich Merz de vouloir « faire la guerre » en envisageant un déploiement terrestre, qualifiant cette initiative de « dangereuse et irresponsable ». La popularité de Friedrich Merz, en chute depuis son arrivée au pouvoir, contraste avec l’AfD, qui domine désormais les sondages nationaux à l’approche des élections locales de l’année prochaine. Le parti, favorable à la Russie et opposé à l’aide militaire à l’Ukraine, pourrait tirer parti de tout mécontentement autour de cette question.
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Author : Audrey Parmentier
Publish date : 2025-08-24 11:34:00
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