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Eolien en mer : chronique d’un naufrage annoncé, par Cécile Maisonneuve

Eolien en mer : chronique d’un naufrage annoncé, par Cécile Maisonneuve

L’effondrement spectaculaire d’Ørsted, le leader mondial de l’éolien en mer, en août 2025 – une chute de 32 % en une seule séance boursière – sonne comme un révélateur brutal : cette technologie ne tiendra jamais ses promesses économiques. Quand le géant danois doit lever 9,4 milliards de dollars en urgence et que l’Etat vole à son secours, ce n’est pas la faute de Donald Trump et des déboires américains dans cette industrie. Le mal est plus profond. Il tient aux coûts croissants d’une filière qui restera tributaire de lourdes subventions publiques, contrairement à d’autres technologies bas-carbone telles que le solaire photovoltaïque et les batteries.

Dans ce secteur dont il reste difficile d’appréhender les coûts complets, les quelques chiffres dont on dispose sont impressionnants : en France, l’éolien en mer induit déjà une charge de service public de 922 millions d’euros pour seulement 1,5 gigawatt (GW) installé, avec un coût moyen de rachat de 185 euros le mégawattheure (MWh), ce qui en fait l’énergie la plus gourmande en subventions. Avec l’objectif gouvernemental de 45 GW en 2050, la facture pour l’Etat atteindrait 13 milliards d’euros annuels.

L’un des talons d’Achille de cette technologie réside dans ses coûts de raccordement à la terre ferme, qui représentent déjà 35 % du coût total des projets futurs selon RTE, le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité. Ces coûts sont structurellement incompressibles : plus les parcs s’éloignent des côtes pour des raisons d’acceptabilité publique, plus les infrastructures sous-marines se complexifient et se renchérissent, comme le souligne la Commission de régulation de l’énergie.

Ajoutons à cela l’impasse technologique que représente l’éolien en mer flottant, que le gouvernement veut développer au large des mégalithes de Carnac ainsi qu’en Méditerranée. Même un géant comme Iberdrola, le gestionnaire du parc de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), refuse de participer à ces appels d’offres, estimant la technologie « pas assez mûre »… Quand les industriels les plus expérimentés fuient, en dépit des 11 milliards de subventions publiques, c’est que les fondamentaux économiques n’existent pas. La commission sénatoriale d’enquête sur les coûts de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 l’avait d’ailleurs souligné dès l’an dernier, évoquant « un pari risqué », compte tenu des coûts réels de ces technologies, de leurs difficultés d’acceptabilité et de la faible maturité technique au sein de la filière.

A l’impasse financière et technologique s’ajoute le fait que, à puissance égale, l’éolien en mer nécessite un espace de 1 500 à 2 000 fois (sic) supérieur à une centrale nucléaire, affiche un bilan carbone (15,6 kilos de CO₂/MWh) nettement moins favorable que le nucléaire (6 kilos de CO₂/MWh) (sic bis) et consomme jusqu’à 700 kilos de terres rares par MW installé, soit quatre fois plus que le nucléaire (sic ter) ! Rappelons que la Chine contrôle 91 % du raffinage des terres rares et qu’elle vient de menacer de couper l’approvisionnement aux pays qui constitueraient des stocks stratégiques. Remplacer notre dépendance aux hydrocarbures par une dépendance aux terres rares chinoises n’améliore en rien notre souveraineté, bien au contraire, à l’heure où la situation internationale devient toujours plus tendue et les renversements d’alliances imprévisibles.

C’est d’ailleurs un dernier point largement occulté dans le débat public : l’éolien en mer pose des problèmes majeurs de sécurité et de défense. En novembre 2024, la Suède, pourtant favorable à l’éolien, a annulé 13 projets offshore de 32 GW dans la Baltique pour risques liés à la défense nationale. Les éoliennes créent des interférences radar qui, dans cette zone, réduisent le temps de détection des missiles de deux minutes à soixante secondes, compromettant gravement les capacités de défense. Or les zones maritimes au large de Lorient (Morbihan) et de Brest (Finistère), théâtres des projets français, revêtent une importance stratégique : les rendre vulnérables dans le contexte géostratégique actuel n’est pas sérieux. Les forces aéronavales ont autre chose à faire que de se consacrer à la surveillance et à la protection de parcs éoliens qui créeraient des vulnérabilités nouvelles : câbles sous-marins exposés au sabotage, infrastructures difficiles à protéger, risques cyber sur des réseaux intelligents distribués. Dans un contexte géopolitique instable, ces faiblesses deviennent inacceptables.



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Author : Cécile Maisonneuve

Publish date : 2025-08-23 11:00:00

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