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Frappes sur des bateaux au large du Venezuela : la légalité douteuse de l’opération de Donald Trump

Frappes sur des bateaux au large du Venezuela : la légalité douteuse de l’opération de Donald Trump

Donald Trump a publié, vendredi 19 septembre, sur son réseau Truth Social une nouvelle vidéo montrant ce qu’il a présenté comme une frappe de l’armée américaine sur un bateau transportant de la drogue à destination des Etats-Unis.

Le président américain a déjà fait état ces derniers jours de plusieurs frappes contre des bateaux vénézuéliens présentés comme appartenant à des trafiquants. Une première avait selon lui fait 11 morts le 2 septembre dans les Caraïbes, et une seconde avait tué trois « narcoterroristes » vénézuéliens quelques jours plus tard, le 15 septembre. Mardi, le milliardaire républicain avait annoncé qu’une troisième embarcation avait été éliminée, sans donner plus de détail ni publier de vidéo de la frappe.

« Permis de tuer »

Affirmant vouloir lutter contre les cartels, Washington a déployé sept navires de guerre dans les Caraïbes et un autre dans le Pacifique. Les Etats-Unis accusent notamment le président vénézuélien Nicolás Maduro d’être à la tête d’un réseau de trafic de drogue, le Cartel des Soleils – dont l’existence est sujette à débats. De son côté, le Venezuela se prépare à une lutte armée, dénonçant une « guerre non déclarée ». Et le procureur général du pays, Tarek William Saab, a demandé vendredi à l’ONU d’enquêter sur ces frappes américaines.

Dans les faits, la multiplication de ces frappes américaines près des côtes vénézuéliennes pose de nombreuses questions, notamment d’un point de vue légal. Plusieurs experts en contestent d’ailleurs la légalité. Et pour cause : une opération antidrogue en mer passe d’habitude par l’arraisonnement du navire, l’arrestation de ses occupants et la saisie de son chargement, rappelle l’Agence France Presse. Mais Donald Trump a choisi la manière forte, accusant les équipages de menacer la sécurité et les intérêts nationaux des Etats-Unis. Il « semble s’octroyer un permis de tuer en dehors de la loi », alerte auprès de l’AFP Brian Finucane, ancien conseiller auprès du gouvernement américain sur ces questions et désormais chercheur à l’International Crisis Group. Ces attaques sont « très étonnantes et sans précédent », poursuit-il. Selon lui, le gouvernement américain « n’a pas démontré que c’était légal et n’a même pas vraiment essayé de défendre ses arguments sur ce terrain ».

« Accusations dénuées de preuves »

Ces opérations dans les Caraïbes ont aussi été vivement critiquées au Congrès américain, par nombre de parlementaires de l’opposition de gauche, mais pas uniquement. « Le président n’a légalement pas le droit de tuer des gens dans les eaux internationales en se fondant simplement sur des accusations dénuées de preuves, sans procédure en bonne et due forme », a ainsi écrit sur X l’élu démocrate Don Beyer. Le républicain Rand Paul s’en est pris lui au vice-président J.D. Vance, qui défend les opérations. « Quel sentiment ignoble et irréfléchi que de glorifier le fait de tuer quelqu’un sans procès », a écrit le sénateur.

Mardi, des experts indépendants mandatés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont critiqué des frappes militaires « illégales ». « Le droit international ne permet pas aux gouvernements d’assassiner purement et simplement des narcotrafiquants présumés », ont-ils écrit. « L’usage de la force potentiellement mortelle n’est autorisé qu’en cas de légitime défense personnelle ou pour défendre autrui contre une menace de mort imminente », ajoutent ces experts, qui ne parlent pas au nom des Nations unies.

Un projet de loi à la Maison-Blanche

Jeudi, lors d’une audience du Comité des services armés du Sénat, plusieurs démocrates ont posé des questions sur l’autorité légale de ces frappes militaires, rapporte The New York Times. Un représentant du Pentagone leur a dit qu’il était incapable de leur répondre, selon le quotidien. Et à la fin de l’audience, le président républicain du panel, le sénateur Roger Wicker du Mississippi, a déclaré que l’administration devrait « répondre aux questions sur ce qui s’est passé dans les Caraïbes ».

Autre preuve que la légalité de ces frappes demeure floue : selon The New York Times, « un projet de loi circulerait à la Maison-Blanche qui permettrait d’autoriser légalement le président américain à tuer des personnes qu’il considère comme narcoterroristes ». Selon le journal new-yorkais, la mesure a émergé au milieu d’un débat croissant à Washington sur le pouvoir de guerre du président et le rôle du Congrès dans l’autorisation de l’utilisation de la force militaire américaine. Car comme le rappelle le New York Times, le Congrès n’a jusqu’à présent autorisé aucun conflit armé avec les cartels de la drogue.

En outre, un article du Wall Street Journal rapporte que des avocats du Pentagone ont soulevé des préoccupations concernant les frappes ordonnées par Donald Trump sur ces bateaux transportant potentiellement de la drogue. Les préoccupations portent sur la justification des frappes elles-mêmes, ainsi que sur les implications juridiques pour le personnel militaire américain impliqué dans les opérations, qui pourrait être personnellement tenu responsable d’après plusieurs avocats auprès du journal. Qui poursuit : « Certains responsables de la défense et avocats militaires ont fourni des avis juridiques écrits et verbaux à des décideurs du Pentagone, mais pensent qu’ils sont ignorés ou délibérément mis sur la touche ». Le porte-parole en chef du Pentagone, Sean Parnell, a toutefois nié les préoccupations des avocats du Pentagone, assurant opérer « sur une base juridique solide ». La Maison-Blanche n’a de son côté pas encore réagi officiellement à ces allégations.



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Publish date : 2025-09-20 12:42:00

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