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« Ce pays qui n’aimait pas l’amour », de Yaroslav Trofimov : le grand roman du martyre de l’Ukraine

« Ce pays qui n’aimait pas l’amour », de Yaroslav Trofimov : le grand roman du martyre de l’Ukraine


On sort inconsolable de Ce pays qui n’aimait pas l’amour, un livre aussi chagrinant que le titre le laisse entrevoir. Le roman (Éditions Istya & Cie, traduit de l’anglais par Jean Esch, 528 pages, 23 euros) retrace le destin poignant d’une jeune juive d’Ukraine au milieu du XXe siècle et, à travers lui, met au jour les racines d’une tragédie dont les derniers actes se jouent aujourd’hui dans les steppes du Donbass.

« Ce pays qui n’aimait pas l’amour », de Yaroslav Trofimov.

Grand reporter au Wall Street Journal, deux fois finaliste du prix Pulitzer pour ses articles sur l’Afghanistan (2022) et l’Ukraine (2023), Yaroslav Trofimov, qui est né à Kiev, a construit sa fresque épique autour de Debora, personnage librement inspiré de sa grand-mère, qui portait le même prénom. Cependant, si les protagonistes sont fictionnels, les convulsions historiques dans lesquelles ils évoluent sont véridiques jusque dans les détails.

L’auteur raconte l’histoire d’une jeune femme ballottée par les bouleversements de son époque mais déterminée à survivre quoi qu’il en coûte, et qui devra pour cela faire des choix déchirants. Elle va peu à peu perdre ses illusions – et son amour. On suit Debora depuis sa ville d’origine, Ouman, dont la moitié de la population était juive avant les drames du XXe siècle, jusqu’à Kharkiv, Kiev et Stalingrad.

L’histoire de la résilience de l’âme humaine

A travers les tribulations de son héroïne, Yaroslav Trofimov aborde l’Holodomor, la famine dévastatrice qui fit des millions de morts en 1932 et 1933, orchestrée par les Bolcheviks dans le « grenier de l’Europe » pour tenter de briser la résistance ukrainienne à la collectivisation. Il évoque l’élimination de nombreux intellectuels et artistes ukrainiens, quelques années plus tard, sur ordre de Moscou ; puis la Seconde Guerre mondiale, l’invasion nazie et la Shoah ; l’insurrection ukrainienne contre le pouvoir soviétique, qui a marqué les années d’après-guerre jusqu’à la mort de Joseph Staline en 1953 ; l’antisémitisme aussi, qui court comme un fil rouge dans son ouvrage. Derrière tous ces drames, Trofimov narre la construction de la nation ukrainienne, qui va parvenir à se forger une identité en traversant des tueries d’une ampleur jamais connue auparavant.

Ce pays qui n’aimait pas l’amour est aussi, et peut-être surtout, l’histoire de la résilience de l’âme humaine lorsqu’elle est confrontée au totalitarisme et à la barbarie. Trofimov explore le cynisme des uns, la médiocrité des autres, les renoncements et les trahisons de beaucoup. Il ne cache rien de la cruauté de ceux qui n’ont d’autre choix que de se battre pour leur survie. Mais il montre que la fraternité et l’amour, même s’ils pèsent peu face aux pires atrocités, valent la peine d’être vécus. Et on entrevoit, derrière l’épopée de ses personnages, les raisons qui incitent les Ukrainiens à se montrer unis et déterminés face à l’invasion des armées de Vladimir Poutine : par expérience, ils savent ce qu’il en coûte de se soumettre au joug de l’oppresseur.



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Author : Luc de Barochez

Publish date : 2025-10-11 08:00:00

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