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Suspension de la réforme des retraites : Emmanuel Macron ou le jour du grand abandon

Suspension de la réforme des retraites : Emmanuel Macron ou le jour du grand abandon

Allez comprendre. Ces derniers jours, parfois au petit matin, parfois à la nuit tombée, Emmanuel Macron s’est longuement entretenu avec une ribambelle d’interlocuteurs pour trancher cette fichue question, cruciale pour la fin de son quinquennat : quoi faire de la réforme des retraites ? L’abroger ? La suspendre ? À quel point ? Jusqu’à quand ? La maintenir, subir une nouvelle censure et, qu’à cela ne tienne, dissoudre l’Assemblée nationale ? Cela en fait, des interrogations à résoudre, des scénarios à envisager.

L’un de ces conseillers officieux, toujours prêt à donner un coup de main au grand chef lorsqu’il s’agit d’entrer dans la maille de cette boule de nœuds faite de pourcentages, de trimestres et de milliards d’euros, confie : « Le président m’a demandé de le challenger sur la réforme, de lui montrer où se situaient les écueils. Il est encore plus attentif qu’avant aux détails techniques. En ce moment, à l’Élysée, ils se démènent beaucoup pour trouver une voie de passage sur les retraites. » Emmanuel Macron sait pertinemment, depuis le lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, que cette réforme lui colle à la peau, lui colle au quinquennat. Mais, il aime aussi le répéter, il n’est pas homme à se défausser. À se décharger de ses responsabilités.

Mardi 14 octobre. Dans quelques heures, Sébastien Lecornu prononcera sa déclaration de politique générale qui, en réalité, ne l’est pas tant que cela. Elle est même très particulière. Chacun, dans chaque camp, n’attend qu’une seule chose : savoir si le chef du gouvernement suspendra ou non la réforme. Un envoyé de l’Élysée s’empresse alors de mettre les choses au clair : « Le Premier ministre a la liberté et prend la responsabilité des compromis. » Comprendre : Matignon, et Matignon seul, est comptable de ce qui va advenir dans l’hémicycle. Et ce, quand bien même les deux têtes de l’exécutif ont validé, ce mardi matin avant le conseil des ministres, la décision de tout lâcher au Parti socialiste. Et que la fameuse « DPG » est le fruit d’incessants allers-retours entre le Château et Matignon. Drôle de conception de la responsabilité. Sébastien Lecornu a donc la liberté d’avoir le mauvais rôle : débrancher la seule réforme structurelle notable du second mandat d’Emmanuel Macron.

« Si Macron cède… »

Un cadre du groupe Ensemble pour la République résumait il y a peu la situation, qui a tout d’un choix cornélien : « Si Macron cède, il enterre son second quinquennat. Si Macron ne cède pas, il précipite la fin du quinquennat. » Maintenant que l’alternative est choisie, ce n’est pas une couleuvre mais un boa que certains macronistes devront avaler pour défendre ce compromis qui a tout, pour eux, d’une compromission. Au premier rang desquels la nouvelle Porte-parole du gouvernement Maud Bregeon, résolument contre la suspension de la réforme des retraites au motif qu’elle conduirait mécaniquement selon elle à une tentative d’abrogation à l’Assemblée nationale. Ou encore un ancien – mais toujours fidèle – ministre de premier plan qui, ce mardi soir, désespère : « Ils sont allés encore plus loin que ce que je pensais. C’est une vraie erreur, c’est inconséquent. J’aurais préféré la dissolution au reniement. »

Est-ce ainsi que s’éteint le second quinquennat, sous une pluie d’applaudissements de socialistes ? Ce 14 octobre 2025 marque-t-il la fin de l’Histoire macroniste ? La question est légitime, d’autant qu’elle est partagée, voire déjà répondue, par une partie des ouailles du chef de l’État. Le fameux héritage du président de la République, si précieux, si capital même à ses yeux, se résumera-t-il à cet abandon ?

« Que nenni ! », assure-t-on avec fougue dans l’entourage d’Emmanuel Macron. L’heure est semble-t-il au relativisme, à la minimisation : « La réforme des retraites n’est et n’a jamais été la pierre angulaire du second quinquennat, peste un conseiller. Est-ce que les Français se souviennent de la réforme des retraites de François Mitterrand ? De Jacques Chirac ? De Nicolas Sarkozy ? De François Hollande ? Non. Cette réforme n’est pas l’héritage du président. » N’était-elle pourtant pas « indispensable », fut un temps ? Il semble clair qu’Emmanuel Macron ne quittera pas l’Élysée en réformateur. Il lui reste un an pour se choisir un autre rôle. Mais lequel ?



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Author : Erwan Bruckert

Publish date : 2025-10-14 18:31:00

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