L’anniversaire des dix ans de l’accord de Paris qui devait limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C (tout en poursuivant les efforts pour le contenir à 1,5 °C) se fêtera au Brésil à Belém à partir du 10 novembre. La COP 30 marquera donc un premier bilan à long terme de la volonté de près de 200 pays dans leurs politiques pour réduire leurs gaz à effet de serre. Plutôt que regarder le verre à moitié vide – non, le monde ne réussira pas à atteindre dans les temps l’objectif de contenir le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle -, nous avons choisi à L’Express le verre à moitié plein en nous focalisant sur ces entreprises françaises qui se battent pour décarboner l’industrie. Dans l’énergie (solaire, photovoltaïque, hydrogène), les transports, le secteur du BTP, à la sortie des usines ou, enfin, pour planter des arbres. Autant d’exemples inspirants parce que le monde bouge et multiplie les petits efforts en espérant de grands résultats pour préserver un peu notre planète unique.
« Le meilleur projet de SMR en France, c’est nous », déclarait Raphaël Gorgé à L’Express en février dernier. Neuf mois plus tard, le patron de Calogena persiste et signe. Alors que l’enthousiasme entourant les petits réacteurs nucléaires se dissipe et que plusieurs start-up de la filière flirtent avec la banqueroute, le spin-off du groupe Gorgé (spécialiste de la défense navale et du nucléaire) confirme ses ambitions : démarrer la construction d’un premier modèle en 2029 pour une livraison dès 2032.
Obtenir un prix de l’électricité compétitif
« Au lieu d’essayer de générer de l’électricité, nous misons sur la production de chaleur dans les villes, ce qui change tout », confie l’entrepreneur. Pour fabriquer des électrons, il faut généralement passer par de la vapeur qui alimente ensuite une turbine. Au cours de ce processus, plus de la moitié de l’énergie produite se disperse. Résultat : obtenir un prix de l’électricité compétitif à la sortie de l’installation s’avère extrêmement difficile.
Avec son réacteur à la technologie simple et maîtrisée, Calogena mise sur une chaleur à 60 euros par mégawattheure sans subvention. Sachant que le prix moyen habituel dépasse les 100 euros, aides financières comprises, l’entreprise croit en ses chances. D’autant que le marché visé a un énorme potentiel : logements, bureaux, écoles, musées, bâtiments communaux ou à usage industriel… En Europe, les réseaux de chauffage fonctionnent à plus de 90 % avec de l’énergie carbonée provenant du gaz, du charbon, du fioul, de la biomasse ou des ordures ménagères. « Nous estimons qu’il y a de la place pour 500 de nos petits réacteurs en Europe, en excluant les pays non favorables au nucléaire. A 100 millions d’euros par module, on peut créer une société générant un chiffre d’affaires de plusieurs milliards d’euros », calcule Raphaël Gorgé.
Réussir son implantation à Cadarache
Mais avant d’en arriver là, Calogena doit encore franchir plusieurs étapes. D’abord, réussir une levée de fonds d’ici à la fin de l’année. Car même si produire de la chaleur avec un SMR coûte moins cher que générer de l’électricité, l’entreprise évalue ses besoins à 300 millions d’euros. Une somme rondelette nécessitant une aide extérieure. Ensuite, Calogena devra réussir son implantation sur le site du CEA à Cadarache dans le sud de la France, où son tout premier réacteur alimentera le réseau de chaleur local. « Nous n’avons aucun doute sur le fait que notre technologie fonctionne », explique Raphaël Gorgé. Mais encore faut-il le démontrer. Le terrain situé à Cadarache héberge déjà des activités nucléaires. De quoi accélérer les procédures. Enfin, pour décoller véritablement à l’international, Calogena espère remporter l’appel d’offres lancé par la ville d’Helsinki en Finlande. Un marché à 1,5 milliard d’euros dont les bénéficiaires seront connus fin 2026 ou début 2027.
Les Finlandais ont mis une start-up concurrente sur le coup. Mais Calogena a plusieurs atouts : « Le groupe Gorgé possède déjà l’expérience du nucléaire. Nous maîtrisons les sujets de sûreté ainsi que les problématiques de production. Au-delà de ce savoir-faire, ce que l’on propose aux Finlandais, c’est la qualité de l’ensemble de l’écosystème français, qu’il s’agisse de la fabrication de la cuve, des composants du réacteur, ou du combustible. Par exemple, nous sommes partenaires de Framatome et d’Orano, deux entités extrêmement rassurantes pour nos clients », détaille Raphaël Gorgé. L’entrepreneur devra encore patienter quelques mois avant de savoir si son pari sur la chaleur est le bon. Mais avec Calogena, la France tient peut-être sa prochaine licorne.
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Author : Sébastien Julian
Publish date : 2025-11-07 08:00:00
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