En pleine guerre, des amis du président pillent le pays en détournant des sommes astronomiques ; pendant ce temps, les citoyens souffrent comme jamais sous les bombardements de l’agresseur russe. Le nouveau scandale de corruption qui secoue l’Ukraine est dévastateur pour Volodymyr Zelensky. Plusieurs inculpés sont des proches, voire des intimes du chef de l’Etat. L’Office national anticorruption leur reproche d’avoir amassé quelque 100 millions de dollars (85 millions d’euros) en contraignant les fournisseurs de compagnies publiques d’énergie à leur verser des pots-de-vin.
C’est ainsi que l’argent censé servir à réparer les centrales et les réseaux électriques attaqués sans relâche par l’armée russe a servi à édifier des villas luxueuses pour des hommes gravitant autour du président. Les militaires meurent au front par milliers pour défendre quelques kilomètres carrés du territoire national. Leurs familles endurent des coupures incessantes d’électricité, de chauffage et d’eau courante à l’orée de l’hiver. Et quelques puissants bien connectés détournent les investissements destinés à protéger les infrastructures essentielles ! Ces révélations ont abasourdi la population.
Le scandale n’est pas seulement du pain bénit pour les campagnes de désinformation menées par la Russie. Il met en danger la position de Zelensky sur la scène politique intérieure. Rien n’indique, à ce stade, qu’il aurait lui-même profité des détournements de fonds mais au minimum, son manque de constance dans la lutte contre les malversations et ses erreurs de jugement dans les nominations de ses proches à des postes de responsabilité constituent des fautes lourdes. Pire, il semble qu’il a voulu protéger les criminels en tentant, au mois de juillet, de démanteler les institutions anticorruption créées dans la foulée de la révolution de Maidan en 2014. A l’époque, il a fallu les protestations indignées de la population et une levée de boucliers de plusieurs dirigeants européens pour le forcer à renoncer.
Zelensky a cherché à préserver sa réputation la semaine dernière en poussant deux ministres à démissionner et en sanctionnant son ancien associé d’affaires Timour Minditch, accusé d’être le cerveau du réseau ; manifestement alerté, l’homme a fui le pays juste avant le coup de filet du 10 novembre pour se réfugier en Israël. Le président a également annoncé une réforme de fond en comble de la gouvernance des énergéticiens ukrainiens et un audit complet de leurs finances.
Il en faudra beaucoup plus cependant au chef de l’Etat pour regagner la confiance de ses concitoyens, lui qui s’était fait élire en 2019 sur un programme d’éradication complète de la corruption qui ronge le pays depuis son indépendance en 1991. Alors que la septième année de sa présidence est déjà bien entamée – il a été élu pour cinq ans mais la constitution et le code électoral proscrivent les élections en période de loi martiale – c’est désormais sa survie politique qui est hypothéquée.
Complaisance coupable
L’affaire inquiète au plus haut point ses soutiens à l’étranger. Elle ne pouvait pas plus mal tomber au moment où l’Union européenne tergiverse sur l’octroi d’un méga prêt à l’Ukraine gagé sur les actifs russes gelés dans l’UE. Les caisses de Kiev sont censées être vides d’ici à quelques mois et le flux d’aide militaire occidentale a fondu depuis que Donald Trump a stoppé l’assistance américaine.
Signe de l’inquiétude européenne, le chancelier Friedrich Merz a appelé le président ukrainien à « poursuivre vigoureusement » le combat anticorruption. Désormais fournisseur numéro un d’aide financière et militaire à l’Ukraine (11,5 milliards d’euros prévus dans le budget 2026), le gouvernement allemand est sous le feu des critiques de l’opposition d’extrême droite qui lui reproche de dilapider l’argent public en le donnant à Kiev. Dans d’autres pays européens aussi, le soutien populaire à l’Ukraine est fragile.
Zelensky a montré qu’il avait du courage et de la détermination à revendre. Mais sa fermeté dans la guerre contre l’envahisseur russe s’est accompagnée d’une complaisance coupable dans l’autre combat essentiel, celui destiné à préserver l’intégrité de la démocratie ukrainienne. L’intérêt stratégique des Européens est d’empêcher une défaite de Kiev, qui donnerait les mains libres à Vladimir Poutine pour poursuivre ses agressions. Dans cette perspective, l’avenir de l’Ukraine indépendante et démocratique est un enjeu infiniment plus important pour le continent que le sort politique personnel de Volodymyr Zelensky.
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Author : Luc de Barochez
Publish date : 2025-11-17 12:00:00
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