Un « bain de sang » pour les cols blancs : c’est le scénario glaçant mis sur la table par Dario Amodei, PDG d’Anthropic, l’un des leaders mondiaux de l’intelligence artificielle. Au printemps dernier, ce jeune entrepreneur milliardaire avertissait que l’IA pourrait faire disparaître jusqu’à la moitié des emplois de bureau d’entrée de gamme et faire grimper le chômage à 10–20 % d’ici un à cinq ans. Dans le même temps, Sam Altman, patron d’OpenAI, estimait que le modèle universitaire pourrait devenir obsolète dans une dizaine d’années. Ces récits alarmistes relayés par la big tech laissent James Pethokoukis sceptique. Chercheur à l’American Enterprise Institute, passionné d’intelligence artificielle et convaincu de son potentiel économique, l’homme préfère s’en tenir aux faits. À ses yeux, ni les licenciements annoncés ces derniers mois, ni l’emballement médiatique ne suffisent à prouver que l’IA représente une menace existentielle pour les cadres.
L’auteur de la newsletter Faster, Please ! juge qu’en l’état, ni les performances réelles des IA, ni les données de productivité ne valident la thèse d’un raz-de-marée dévastateur. Même si aucun scénario dans un sens ou dans l’autre n’est à exclure complètement, précise cet expert en politique économique, en appelant à davantage d’humilité sur le sujet. James Pethokoukis ne croit pas davantage à l’existence d’une bulle financière autour de l’IA, ni même à la mise en place d’un revenu universel de base (UBI) appelé de leurs vœux par des acteurs de la tech afin de compenser les pertes d’emploi liées à l’intelligence artificielle. Enfin, alors que l’utilité future des études et des diplômes fait débat, ce spécialiste appelle à la prudence. Seule certitude en matière d’intelligence artificielle : face à l’essor rapide de cette nouvelle technologie, les cadres auraient tort de rester passifs, prévient-il. Car apocalypse ou pas, des changements, l’IA engendrera. Entretien.
L’Express : Vous avez récemment publié une analyse dans laquelle vous jugez infondées les craintes d’une disparition imminente des emplois de bureau. Du moins, en l’état actuel des choses. Nous voilà rassurés…
James Pethokoukis : Ayant longtemps été journaliste, je comprends que les médias aient un petit faible pour la nouveauté mais il ne faut pas partir du principe que tout va disparaître. Depuis le lancement de ChatGPT il y a trois ans, deux grandes inquiétudes dominent. La première est digne de la science-fiction : l’idée que l’IA pourrait tous nous anéantir. L’autre, plus terre à terre, c’est que si elle ne nous tue pas, elle finira quand même par nous prendre tous nos emplois. Quand on envisage ce dernier scénario, il faut prendre comme point de départ l’histoire économique. Nous avons déjà vu apparaître des technologies puissantes par le passé. Et souvent, celles-ci mettent du temps avant d’être réellement utilisées par les entreprises. C’est une chose pour une IA d’être efficace sur des benchmarks, mais c’en est une autre pour les entreprises de réellement l’intégrer dans leurs bureaux, leurs usines. Et l’histoire montre que cela prend du temps : il faut apprendre à l’utiliser, former les gens, repenser les flux de travail. Donc peu importe ce que l’IA accomplit dans un laboratoire, il y aura un certain délai avant qu’elle soit utilisée de manière efficace et productive dans le monde de l’entreprise.
Deuxièmement, si une technologie, quelle qu’elle soit, a un véritable impact, elle perturbera forcément le marché du travail d’une manière ou d’une autre. Elle automatisera certaines tâches, en transformera d’autres, nous rendra plus productifs sur certains aspects, et créera aussi de nouvelles tâches, de nouveaux emplois, de nouvelles industries qu’on a pour l’instant du mal à anticiper. Il est très facile de regarder un métier et de se dire : « Je vois bien un robot faire ça », ou « un logiciel intelligent pourrait facilement s’en charger ». Mais il est bien plus difficile d’imaginer ce que seront ces nouveaux métiers. Il faut donc faire preuve de beaucoup d’humilité. Si on regarde l’histoire des technologies, on constate des ruptures : certains emplois disparaissent, d’autres évoluent. Mais à la fin, nous avons aujourd’hui plus d’emplois qu’avant. Nous sommes plus riches aussi. Je ne dis pas que cela doit se passer ainsi, mais que c’est le point de départ logique de la réflexion.
Les usages qu’on voit aujourd’hui sur l’IA concernent surtout des entreprises de la tech, et ce sont des usages encore limités. Ces nouveaux outils commencent tout juste à être utilisés pour faire de l’analyse ou automatiser le service client. Un usage très courant, par exemple, c’est de créer un chatbot pour répondre à des questions de ressources humaines. Ce n’est clairement pas un usage révolutionnaire. Je sais qu’il y a beaucoup de prédictions de la part de PDG et d’acteurs de l’IA mais celles-ci ne se vérifient pas encore dans les données. Les effets sur la productivité ne sont pas là. Et si cette technologie est vraiment importante, alors nous le verrons. Compte tenu de cela, ce qu’on peut attendre, ce sont des effets à la fois positifs et négatifs, mais sur le long terme, on continuera à travailler, il y aura toujours des emplois, le taux de participation à la population active restera élevé. Selon moi, le scénario qui se profile correspond plutôt à celui de l’arrivée d’Internet et des ordinateurs personnels dans les années 1990.
Est-ce principalement en raison des limites techniques mises en évidence par certaines études — que vous citez d’ailleurs dans votre analyse publiée sur le site de l’American Enterprise Institute – que vous invitez à relativiser les discours alarmistes sur l’IA ?
Oui. Mais pour bien comprendre ce qui se passe, il faut aussi regarder les grandes données agrégées sur la productivité, les enquêtes menées auprès des PDG, et les conférences de résultats financiers où beaucoup d’entre eux parlent de l’IA. Ce qu’on peut en retenir, c’est qu’il y a un énorme intérêt pour celle-ci. La première raison de cet intérêt, c’est que ces dirigeants veulent renforcer la productivité de leurs employés et générer plus de profits. Est-ce que cela peut impliquer une évolution de la composition de la main-d’œuvre et la suppression de certains emplois via l’automatisation ? Oui. Mais quand on parle avec ces patrons, ce qu’ils disent, c’est que cette technologie n’est pas tout à fait prête. Ils ne lui font pas totalement confiance. Le problème des hallucinations (NDLR : des réponses fausses présentées comme un fait certain) persiste. Ils se demandent s’ils peuvent vraiment s’y fier. Souvent, ça ne fonctionne pas. Il y a beaucoup de projets pilotes, et la plupart n’ont pas encore donné de résultats. Cependant, même quand ces projets échouent — et certaines études montrent qu’un pourcentage élevé échoue — les entreprises ne concluent pas que l’IA générative est inutile ou surestimée, ou qu’elles ne veulent plus en entendre parler. L’idée profondément ancrée reste que c’est un outil important, et qu’elles finiront par trouver comment l’utiliser : elles n’y sont pas encore parvenues. Cela tient aussi au fait qu’il faut encore former leurs employés, et que la technologie elle-même évolue. Et en cela, les annonces qui s’enchaînent — « après GPT-5, voici GPT-6 », et ainsi de suite — posent problème.
Pourquoi donc ?
Des travaux académiques ont montré que les nouvelles technologies peuvent paralyser les décisions des dirigeants, qui hésitent à se lancer, se demandant s’ils doivent le faire maintenant ou attendre que la technologie soit plus mûre. Si j’étais patron, je me poserais la question : « Dois-je investir dans celle-ci maintenant ? Dois-je former mes employés, alors que cette formation sera peut-être obsolète dans six mois ? ». Cette incertitude peut déboucher sur une forme d’immobilisme. Malgré cela, j’ai tout de même le sentiment que les PDG restent enthousiastes. Ils continueront à expérimenter. Reste à voir ce qu’ils parviendront concrètement à accomplir. En tout cas, au vu des données disponibles, rien ne permet aujourd’hui de conclure que les pires scénarios — comme l’idée qu’aucun jeune n’aura plus jamais de travail — sont en train de se réaliser. Et je n’irais certainement pas jusqu’à parler d’une apocalypse des cols blancs.
Pourtant, les signes de transformation ne manquent pas. Amazon a récemment annoncé la suppression de 14 000 postes parmi ses cadres et employés administratifs. Et ce n’est pas un cas isolé. Dario Amodei, PDG d’Anthropic, affirme de son côté que l’IA pourrait remplacer jusqu’à la moitié des emplois de bureau d’ici cinq ans. Les bouleversements ont donc déjà commencé, non ?
Avec tout ce qu’on entend, j’espère bien qu’un véritable changement est en cours [Rires], car il serait peu crédible qu’une technologie aussi puissante voie le jour sans provoquer des transformations. Est-ce que je serais surpris qu’il y ait des réductions d’effectifs dans certaines fonctions ou divisions des entreprises au cours des deux à cinq prochaines années ? Non, il faut s’y attendre. Est-ce que cette technologie entraînera une perte nette d’emplois ? J’en doute. Ce qui reste difficile à anticiper, ce sont les nouveaux emplois qui émergeront. Ce ne sont pas des choses sur lesquelles les entreprises communiquent ouvertement. Elles sont plus enclines à parler de réductions d’effectifs. Parfois, j’ai l’impression que ces suppressions, attribuées à l’IA, étaient en réalité planifiées de longue date. Il est toujours plus facile de s’amuser à prédire quels emplois vont disparaître plutôt que ceux qui vont émerger. Cette incertitude peut être très déstabilisante mais elle fait partie intégrante d’une économie dynamique.
Le problème aujourd’hui, c’est qu’on voit des bulles partout
Cela dit, je pense qu’il faut prendre au sérieux les prédictions des PDG. Si j’étais un salarié, je réfléchirais sérieusement à ce que je fais. Je me formerais, je passerais du temps avec ces nouveaux outils, et je me dirais : « Bon, est-ce qu’il y a des parties de mon travail que cette technologie pourrait éventuellement remplacer ? », « est-ce qu’elle pourrait m’aider à devenir plus efficace sur d’autres aspects ? ». Le pire serait de faire l’autruche et de dire : « Je déteste l’IA, je ne vais pas m’y intéresser. » C’est, je vous l’assure, le chemin le plus rapide vers la recherche subie d’un nouvel emploi.
Les profils juniors dans les secteurs juridiques, financiers ou du conseil ne sont-ils pas particulièrement exposés ? Selon une récente étude menée par Erik Brynjolfsson, chercheur à l’université Stanford, depuis l’adoption généralisée de l’IA générative, les jeunes actifs en début de carrière (22-25 ans) exerçant les métiers les plus exposés à l’IA ont connu une baisse relative de l’emploi de 13 % aux Etats-Unis. De son côté, le rapport Future of Jobs 2025 du Forum économique mondial indique que 40 % des employeurs prévoient de réduire leurs effectifs là où l’IA peut automatiser des tâches.
J’ai énormément de respect pour Erik Brynjolfsson. Donc je prends ce qu’il dit très au sérieux. Mais je le redis : il y aura probablement des impacts spécifiques sur certains métiers, dans certains secteurs. L’effet ne sera pas uniforme dans l’ensemble des entreprises. Il y aura des emplois, en particulier certains emplois de bureau, peut-être très prestigieux, qui seront affectés. Des métiers qui, dans le passé, étaient considérés comme des valeurs sûres. Est-ce que ces emplois de début de carrière seront les mêmes à l’avenir ? Je n’en tirerais aucune conclusion définitive pour le moment, parce que, comme je vous le disais, beaucoup de ces entreprises se demandent comment utiliser ces outils. Même des entreprises comme J.P. Morgan, qui se disent « IA-first », cherchent encore comment les exploiter concrètement. Est-ce que ces postes seront aussi bien rémunérés ? Est-ce qu’ils seront aussi nombreux ? Il est impossible de le prédire aujourd’hui. Même si on met de côté la robotique et qu’on se concentre uniquement sur l’IA, on peut imaginer que la composition des métiers, les salaires associés, et la nature même de ces postes vont évoluer. Donc oui, il faut prendre cela au sérieux, mais sans tirer de conclusions dystopiques.
Certains, comme Sam Altman, prédisent que le développement fulgurant de l’intelligence artificielle reléguera au second plan le modèle universitaire traditionnel. Assiste-t-on à la fin du diplôme ?
Je serais très prudent sur ce sujet. Si un étudiant entrait à l’université aujourd’hui et qu’il était enthousiasmé à l’idée de faire du droit ou de travailler dans la finance, je lui conseillerais de continuer dans cette voie. Tout en s’assurant de comprendre cette technologie, de savoir faire de l’analyse, notamment de l’analyse statistique car c’est toujours extrêmement utile. Je ne quitterais pas l’université, et j’irais à la fac si c’était ce que j’avais prévu. Évidemment, on entend certains PDG dire que tout va changer très vite, sur des horizons de temps très courts mais je peux aussi vous citer des dirigeants technologiques, comme Demis Hassabis de Google DeepMind, qui pensent qu’au minimum, on parle d’un horizon de dix ans avant de voir ce type d’impacts vraiment transformateurs, au point de pousser les gens à changer complètement de vie et probablement deux ou trois grandes avancées technologiques majeures d’ici là : ça, c’est un scénario réaliste. En voici un autre : que ce basculement ne se produise pas du tout au cours de ce siècle. C’est peut-être une prédiction extrême, mais elle existe aussi. Donc, j’essaierais de considérer cela comme une technologie à laquelle il va falloir s’adapter, plutôt que de bouleverser sa vie et prendre des décisions radicales et irréversibles à cause de cela.
Sur le marché de l’emploi, l’IA laissera-t-elle inévitablement certains sur le carreau ?
Il y a une différence entre perdre un emploi et le perdre définitivement. Il est possible que certaines personnes, à un moment donné, doivent revoir leur carrière, changer de métier. Cette transition pourrait même engendrer un chômage un peu plus élevé, ou même des salaires qui stagnent dans certaines professions qui jusque-là étaient en croissance. Si on regarde l’histoire des grandes transformations technologiques, comme la Révolution industrielle, il y a eu une longue période pendant laquelle les détenteurs de capital en ont tiré les principaux bénéfices, les entreprises sont devenues plus productives, mais les travailleurs n’en ont pas immédiatement profité. On appelle cela la « pause d’Engels ». Ce genre de chose est déjà arrivé, et on ne devrait pas la balayer d’un revers de main. Les gouvernements doivent en être conscients. Et cela implique peut-être de repenser le filet de sécurité sociale, ou d’adapter les politiques de reconversion professionnelle, ou encore de proposer des compléments de revenus. On ne devrait pas simplement dire que les marchés finiront par régler les choses, parce que pour certaines personnes, vous savez, « la fin » ne sera peut-être pas dans 50 ans, elle pourrait arriver très bientôt et là, tout à coup, votre carrière est terminée. Et rappelons-le, la pause d’Engels a duré plusieurs décennies. Il faut donc être préparé à ce genre de scénario. Même si les technologies passées ont mis du temps à se diffuser dans le monde du travail et à produire de grands effets, on doit rester ouvert à l’idée que cette fois-ci, ça pourrait aller plus vite, et d’ailleurs, le rythme d’adoption semble déjà plus rapide.
Les montants investis dans l’IA sont majeurs. Selon UBS, les dépenses mondiales d’investissement vont bondir à plus de 500 milliards de dollars en 2026. Sommes-nous face à une bulle spéculative ?
Franchement, je ne sais pas quel serait le bon niveau d’investissement. Je me souviens avoir posé cette question à un patron de la tech : « Avez-vous besoin d’investissements publics ? ». Il m’a répondu : « On a tout l’argent qu’il nous faut. » À mon avis, le gouvernement devrait plutôt investir dans la sûreté de l’IA. Maintenant, est-ce qu’on est dans une bulle ? Le problème, c’est qu’on a été conditionnés, surtout aux États-Unis, à penser en termes de bulles après celle d’Internet dans les années 1990, et bien sûr, celle de l’immobilier. Donc aujourd’hui, on voit des bulles partout.
Ce que je souhaiterais, c’est qu’on s’appuie moins sur des hypothèses, et davantage sur ce qui se passe vraiment.
Mais si cette technologie est vraiment révolutionnaire, qu’elle est sur le point de booster massivement la productivité, de créer des produits extraordinaires ou des traitements médicaux révolutionnaires, alors on s’attendrait à voir exactement ce qu’on observe aujourd’hui : un afflux massif de capitaux, des valorisations boursières qui s’envolent, c’est pour ça qu’il est difficile de dire : « C’est une bulle » ou « cette bulle va éclater ». Et même si elle éclate, cela ne signifie pas que la technologie est factice. Internet en est la preuve. En fait, les mêmes signes apparaîtraient si les optimistes avaient raison. Pour ma part, je n’ai entendu aucune prévision disant que si les actions baissent ou si certaines entreprises ne sont pas aussi rentables que prévu, cela pourrait faire sombrer l’économie. Oui, ce serait négatif pour les investisseurs, bien sûr. Mais est-ce que cela ferait couler l’économie ? Je n’ai vu aucune prévision sérieuse allant dans ce sens. Si ce que disent les entreprises est juste, et si des personnes intelligentes comme Erik Brynjolfsson ont raison, alors on devrait clairement commencer à voir des effets mesurables sur la productivité, et ce, dès les prochaines années. À quel point ces gains de productivité seront importants, on l’ignore. Mais ils devraient commencer à se refléter dans les données macroéconomiques. Et à ce moment-là, on aura bien plus que des prévisions, des projets pilotes ou des suppositions pour évaluer l’impact réel.
Plusieurs acteurs de la tech américaine ont relancé l’idée d’un revenu universel de base pour compenser les pertes d’emplois liées à l’IA. Vous semblez sceptique sur ce sujet.
Je suis très sceptique vis-à-vis des militants du revenu universel qui voient soudainement dans l’IA l’argument massue qu’ils attendaient depuis toujours, comme s’ils pouvaient enfin dire : « Voilà, maintenant, j’ai un argument en béton pour lancer une grande campagne ». Je discute avec des acteurs du secteur depuis longtemps. Déjà à la fin des années 2010 avec l’émergence des véhicules autonomes, il y avait déjà beaucoup de discussions sur l’intelligence machine et son impact sur l’économie. De nombreux ingénieurs, entrepreneurs et fondateurs d’entreprise ont compris que les médias allaient écrire des tonnes d’articles sur les robots qui prennent tous les emplois. J’ai l’impression qu’ils ont alors littéralement tapé sur Google : « Que faire si les robots prennent tous les emplois ? » Et ils sont tombés sur l’idée du revenu universel (UBI). Ça leur a semblé être une réponse élégante, simple, une sorte de solution à sortir en cas de crise. Mais ce scénario suppose que l’IA devienne quelque chose de qualitativement différent de tout ce que l’on a connu jusque-là, soit une technologie capable d’accomplir des volumes massifs de travail, entraînant des taux de participation à la vie active bien plus faibles que dans l’histoire récente. Peut-être aussi dans un monde où les robots prendraient le relais, un monde où il y aurait tout simplement moins de travail pour les humains. Dans un tel contexte, est-ce que je peux envisager une redistribution sous forme de revenu universel ? Oui, bien sûr. Mais tout cela repose sur une tour de Jenga d’hypothèses. Il faudrait supposer l’existence d’une superintelligence capable d’exécuter tous ces métiers sans qu’il y ait de résistance sociale demandant une régulation plus stricte pour limiter la perte d’emplois. Dans ce monde-là, oui, je peux imaginer un revenu universel. Mais, vous le voyez, cela fait beaucoup de « si ».
Pensez-vous qu’on aura les mêmes discussions sur l’IA dans un an ?
Ce que je souhaiterais à l’avenir, c’est qu’on s’appuie moins sur des références historiques ou des hypothèses, et davantage sur ce qui se passe vraiment. Qu’on puisse clairement voir où cette technologie est mise en œuvre, avec des impacts positifs réels sur la productivité, et que cela se reflète davantage dans les données, à la fois au niveau agrégé et, en partant de la base, dans ce que les entreprises elles-mêmes rapportent. Encore une fois, je suis enthousiaste à propos de l’IA. J’espère que cela va sortir les économies avancées de leur stagnation en matière de croissance. Si ce n’est pas le cas, je ne conclurai pas que cette technologie est bidon ou que Sam Altman, Elon Musk et les autres nous ont vendu du vent. Parce que je sais aussi que cela peut prendre du temps. J’espère qu’on aura au moins avancé de quelques étapes sur cette voie d’ici un an…
Source link : https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/lapocalypse-des-cadres-naura-pas-lieu-un-expert-americain-casse-le-recit-dominant-sur-lia-53IHCX4TIRDZHGZAAP64YMO4ZI/
Author : Laurent Berbon
Publish date : 2025-11-24 17:00:00
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