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Après les législatives, ce que les chefs d’entreprise doivent avoir en tête, par Nicolas Bouzou

Après les législatives, ce que les chefs d'entreprise doivent avoir en tête, par Nicolas Bouzou




Un sophisme chez les représentants patronaux consiste à répéter que l’économie n’aime pas l’incertitude. C’est dommage, car les incertitudes, justement, se multiplient. Il en est une, fondamentale déjà, c’est celle que la géopolitique fait peser sur les économies libérales. En effet, depuis 2022, année de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, du XXe Congrès du Parti communiste chinois et de la limitation des exportations de semi-conducteurs américains vers l’empire du Milieu par l’administration de Joe Biden, l’économie mondiale et quelques-uns de ses grands agrégats – exportations, coûts industriels, taux d’intérêt… – sont directement liés aux soubresauts géopolitiques. L’économie d’avant 2022 était instable. L’économie désormais géopolitisée est fondamentalement imprédictible.L’autre incertitude concerne évidemment la politique française. Et ceux qui ont accueilli les résultats du second tour des élections législatives avec un ouf de soulagement risquent de vite déchanter. Certes, le péril du Rassemblement national, de son programme inepte et de ses dirigeants incompétents, est provisoirement écarté. Mais au prix d’une Assemblée nationale éparse et à la durée de vie indéterminée.Sens du devoirCar, enfin, comment faire cohabiter dans une même majorité les députés du camp présidentiel qui soutiennent une politique de l’offre depuis sept ans – enfin rejoints, on l’espère, par les LR – et les thuriféraires du programme de destruction économique et social du Nouveau Front populaire, projet basé sur un braquage fiscal d’une brutalité inédite ? Où ira la politique économique de ce poulet sans tête ? A la limite, la seule chose à peu près certaine, c’est que la situation de nos finances publiques exige une baisse du déficit d’environ 20 milliards d’euros par an pendant cinq exercices budgétaires consécutifs, ce qui signifie que les entreprises ne pourront plus faire appel aux subventions publiques ou à de nouvelles niches fiscales à la première difficulté.Tout ceci pour dire que les dirigeants qui estiment que la vie de l’entreprise ne s’accommode pas des incertitudes devraient rejoindre sans attendre les eaux plus calmes de la fonction publique. Les autres, ceux qui ont le sens du devoir, doivent comprendre que la stabilité de notre pays repose désormais davantage sur les entreprises que sur la politique.Pôle de stabilitéJ’ai dévoré il y a quelques jours la biographie de Christophe-Philippe Oberkampf – l’homme qui a donné son nom à la station de métro du XIe arrondissement parisien – par son quatrième arrière-petit-fils, Etienne Mallet (Oberkampf, Vivre pour entreprendre, Editions Télémaque, 2015). Immigré venu de Suisse, Oberkampf a monté son petit atelier pour fabriquer la toile de Jouy sous le règne de Louis XV, bénéficiant des réformes libérales menées par le bon ministre Choiseul. A sa mort, en 1815, l’entreprise, qui était devenue sous Louis XVI une manufacture royale, était la troisième de France.Parlons d’instabilité politique : Oberkampf et ses salariés ont traversé l’Ancien Régime, la Révolution, la Terreur, le Directoire, le Consulat, le Premier Empire puis la Première Restauration et son calme bourgeois, mais précaire. Les guerres, les mobilisations forcées d’ouvriers et le retour périodique du protectionnisme – notamment le blocus napoléonien de l’Angleterre – ont singulièrement compliqué la vie des affaires. Mais cet industriel, en bon protestant, a déjoué toutes les difficultés et n’a jamais cessé de développer son activité, au bénéfice de ses collaborateurs et de l’influence française.Voilà ce que les dirigeants du secteur privé, de grands groupes comme de TPE, doivent avoir en tête aujourd’hui. Voilà le discours que devraient tenir le Medef et la CPME. Dans les temps troubles que nous traversons, les entreprises sont la colonne vertébrale de la société, le pôle de stabilité qui permettra à notre pays de rester prospère. Quoi qu’il arrive, les salariés doivent pouvoir travailler, les usines produire, et les décisions d’investissement être prises. La responsabilité des entreprises s’étend aujourd’hui très au-delà de l’économie.Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, est directeur du cabinet de conseil Astères



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Author : Nicolas Bouzou

Publish date : 2024-07-13 07:15:00

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