Si vous n’en pouvez déjà plus des Jeux olympiques à Paris, si le sport tout entier vous sort par les trous de nez, son éthique, son commerce, son esthétique huilée, glabre, collante, sa plastique de synthèse, et les mots qui vont avec, lénifiants discours sur l’universalité de l’effort, les vertus de la rencontre, rien sur la drogue des obsédés du record, rien sur la maltraitance des enfants gavés au culte de la victoire, rien sur les entraîneurs vicieux, les coaches violeurs et le public hystérisé, raciste, homophobe, si vous en avez marre de tout ça, achetez un livre, un seul, celui qui vous réconciliera avec le sport. Il s’appelle modestement Le Sport dans l’art, il est publié par Citadelles & Mazenod ; historiens, professeurs, docteure en littérature française, chercheuse au CNRS, ils sont sept contributeurs sous la direction de Yann Descamps et de Georges Vigarello. Le poids de l’ouvrage de 380 pages vous dispensera de vos 40 pompes matinales, et l’attention qu’il suscitera d’emblée vous fera économiser la cure de placebo prescrite par votre médecin avec ce conseil de bon sens : en cas d’effets secondaires, consultez une voyante, ça peut suffire.Ce livre ne va pas seulement vous réconcilier avec le sport, mais aussi avec les beaux livres à thème. En couverture, l’affiche officielle des Jeux olympiques de Munich en 1972, créée par David Hockney. Elle représente un plongeur avant le Bigger Splash. On pensera ce qu’on veut des derniers coloriages du « plus grand peintre vivant », dans les années 1970, les responsables de la com’ des JO étaient à la page. Ce que ne sont plus du tout les irresponsables qui ont commandé ce couvercle de boîte de pâtes de fruits qui fait l’affiche des JO de Paris 2024.Les auteurs du Sport dans l’art ne se sont pas trompés de symbole, celui-ci rappelle avec audace qu’au moment où un commando de Palestiniens de Septembre noir prenait en otages des athlètes israéliens dans le village olympique un beau garçon batifolait dans une piscine californienne sous le pinceau d’un peintre anglais. Ainsi va la vie, contrairement à ce que M. Macron s’imagine : ce ne sont pas ses belles paroles qui vont empêcher la politique de faire irruption dans les Jeux olympiques. Cette fois encore, paroles vaines. Comme l’écrit Mariette Darrigrand dans Le Monde du 23 juillet : « Notre président de la République, lui, s’est surtout fait des ennemis avec les mots. »Livre éternelCe livre dont l’ampleur, comme vous le remarquez, me paralyse, je dois pourtant le résumer : c’est autant une traversée de l’histoire de l’art qu’une traversée de l’histoire du sport. Vous pouvez monter dans le train à n’importe quelle page, c’est sublime, l’intelligence du choix des chefs-d’œuvre est à la hauteur de la qualité de leurs reproductions. Papier, encre, graphisme, jusqu’à la discrétion du bleu-blanc-rouge, tout est subtil, fait peur de poser dessus ses doigts moites. C’est mieux d’être un peu artiste quand on présente de l’art. Et un peu écrivain quand on écrit. Car, outre cette somme iconographique, il y a des textes. Un que je prends, c’est juré, au hasard : page 248, un article de Vigarello intitulé « Le loisir et l’image d’abandon ».L’auteur évoque la possibilité d’un autre sport qui apparaît au milieu du XIXe siècle et dont la peinture réaliste, de style dit pompier, témoigne. C’est le sport de la détente, du laisser-faire, dont la baignade serait la religion. On ne frappe pas l’eau, comme le prof de natation l’exige de Dora la douce, on la caresse, l’eau de la rivière, et loin de s’épuiser en vaines battles, on reste sur le rivage et on pêche à la ligne. C’est l’antisport, celui des rêveurs, « du loisir mérité, de la détente, de l’abandon, de l’appropriation de soi. » D’où Edouard Manet et Winslow Homer, d’où Georges Seurat et Frédéric Bazille.C’est cher, certes, 179 euros, mais comme vous avez fait l’économie d’une place debout derrière un poteau à la soirée d’inauguration, vous pouvez vous offrir ce livre éternel.Christophe Donner, écrivain
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Author : Christophe Donner
Publish date : 2024-08-01 08:00:00
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Vous n’en pouvez plus des JO ? Ce livre qui vous réconciliera avec le sport
