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Généraux, espions… Dans la Russie de Poutine, les criminels sont des héros

Généraux, espions… Dans la Russie de Poutine, les criminels sont des héros




A l’aéroport de Vnoukovo, à Moscou, le tapis rouge, bordé d’une haie d’honneur, avait été déroulé pour l’atterrissage de l’avion floqué « Rossiya » (Russie). En cette soirée du 1er août, le président Vladimir Poutine a fait lui-même le déplacement pour accueillir tout sourire les huit espions et criminels échangés contre une vingtaine d’Américains et d’opposants russes. Le premier à dévaler l’escalier est Vadim Krassikov, casquette et veste de sport, apostrophé d’un « Zdorovo ! » (« Super ! », en russe), par un président Poutine aux anges, qui l’a pris dans ses bras.Tueur à gage pour le compte du FSB – successeur du KGB -, Vadim Krassikov était prisonnier en Allemagne depuis 2019 pour avoir assassiné à Berlin en pleine journée le séparatiste tchétchène d’origine géorgienne, Zelimkhan Khangoshvili. Le président russe avait justifié cet acte par le « sentiment patriotique » qui animait l’assassin ce jour-là… Depuis, Krassikov est rapidement devenu le prisonnier que le président voulait absolument récupérer. La condition sine qua none pour organiser un échange de prisonniers avec l’Ouest.Il faut dire que les liens entre les deux hommes sont étroits. Krassikov aurait été garde du corps de Poutine lorsque ce dernier étaitpremier adjoint à la mairie de Saint-Pétersbourg dans les années 1990, selon le Wall Street Journal, et pourrait être détenteur de secrets d’Etats, d’après le quotidien suisse Bild. En sortant Vadim Krassikov de derrière les barreaux, le chef du Kremlin envoie à tous les espions russes en Occident, arrêtés ou dormants, le message que la Russie sera là pour négocier leur libération. « Votre pays ne vous oubliera jamais », a répété Vladimir Poutine à la sortie de l’avion, s’adressant à ses compatriotes.D’anciens criminels et espions désormais députésLe cas de Krassikov rappelle celle d’un autre détenu russe à l’étranger, rentré en Russie après un échange de prisonniers : Viktor Bout. Libéré en 2022 contre la basketteuse américaine Brittney Griner, il constituait aussi une priorité pour Vladimir Poutine. Agent du FSB, il avait été marchand d’armes en Afrique et Amérique du Sud, et arrêté en 2008 par les autorités thaïlandaises, puis transféré aux Etats-Unis.Après dix années de prison en Amérique, celui qui a inspiré le film américain « Lords of War » a été accueilli en héros. Il a même pu se reconvertir en politique dans son pays, où, après avoir été parachuté dans l’oblast d’Oulianovsk, il est devenu l’an dernier député local du parti libéral-démocrate de Russie (LDPR), une opposition de façade au pouvoir. Dans la même formation politique, on trouve aussi le député national Andreï Lougovoï, l’assassin présumé de l’ex-agent russe Alexandre Litvininko à Londres. A la Douma, il siège en face de Maria Boutina (détenue quatorze mois aux Etats-Unis pour espionnage aux profits de Moscou qui, libérée en 2019, a été élue députée du parti présidentiel « Russie Unie » en 2021.Les mercenaires de Wagner décorésNul ne sait si Vadim Krassikov fera son entrée en politique. Il est néanmoins probable qu’il reçoive une récompense pour les bons et loyaux services rendus au régime. Vladimir Poutine a en effet promis ce 1er août que les prisonniers rapatriés auraient le droit à une distinction officielle. Rien d’inhabituel en Russie, qui a déjà récompensé de nombreux criminels, à l’instar de feu Evgueni Prigojine, ancien chef du groupe de mercenaires Wagner. Alors qu’il était tombé en disgrâce après sa mutinerie spectaculaire de juin 2023, on découvrait dans son appartement de Saint-Pétersbourg un grand uniforme militaire recouvert de médailles, dont l’une en forme d’étoile en or. Elle le distingue comme « héros de la fédération de Russie » – le plus haut titre honorifique du pays, tandis que d’autres médailles font de lui un héros de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Louhansk, deux régions ukrainiennes annexées par la Russie.Les généraux proches de Wagner n’ont pas non plus été oubliés. En 2016, quatre d’entre eux posaient solennellement aux côtés de Vladimir Poutine lors d’une cérémonie au Kremlin, récompensés pour la prise de Palmyre, en Syrie. Sur la photo, figurent Dmitri Outkine, un néonazi qui a fondé Wagner avec Evgueni Prigojine, accompagné d’Alexandre Kouznetsov, d’Andreï Bogatov et d’Andreï Trochev, des commandants de Wagner.Les criminels de guerre en Ukraine glorifiésSi la plupart des cadres de Wagner ont été tués dans le crash d’avion qui aussi coûté la vie à Evgueni Prigojine en août 2023, les autres sont discrètement rentrés dans les rangs du ministère de la Défense. Mais les simples soldats ayant servi dans les unités de Wagner, en Ukraine, continuent, eux, d’être récompensés de médailles d’honneurs, souvent après leur mort. Il s’agit souvent d’anciens criminels sortis de prison, enrôlés ensuite dans les troupes de Wagner. Le média indépendant « Temps présent » cite par exemple un de ces mercenaires, reconnu coupable de trafic de drogue, qui reçoit à titre posthume une médaille du courage et des funérailles solennelles à Saint-Pétersbourg. Un autre, condamné pour meurtre, a désormais son nom sur une plaque commémorative, sur la façade d’une école de la ville de Saratov, dans l’ouest du pays.D’autres condamnés qui n’ont pas été tués au front ont pu être magnanimement graciés par le pouvoir russe. La chaîne Agentsvo a compilé les cas d’au moins 17 personnes coupables des meurtres les plus sordides, tirés de prison pour aller se battre en Ukraine entre 2022 et 2023 (pour le compte de Wagner puis de l’armée régulière). Vladislav Kanious, un habitant de Kemerovo qui avait assassiné son ex-petite amie âgée de 23 ans, est désormais libre comme l’air. Tout comme cet ivrogne d’Arkhangelsk, Vyacheslav Samoilov, qui avait tué sa colocataire de 33 ans, puis l’avait découpée à la scie à métaux.La récompense la plus cynique a peut-être été décernée le 18 avril 2022, lorsque, sur décret du président russe, la 64ème brigade a reçu un titre honorifique pour sa défense des « intérêts de la mère patrie et de l’État ». Cette même brigade est accusée par l’Ukraine d’avoir perpétré des crimes de guerre atroces à Boutcha. En Russie, tout crime est bon à commettre, s’il reflète une loyauté aveugle au Kremlin.



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Publish date : 2024-08-02 17:04:21

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