Ils sont tous deux originaires du Midwest, ont été élus au Congrès après une expérience militaire, sont amateurs de Diet Mountain Dew, un soda caféiné, et viennent d’être choisis comme potentiels vice-présidents. Mais ce sont là les seuls points communs de deux hommes que tout oppose sur le plan idéologique.Tim Walz, le colistier de Kamala Harris, est un ancien enseignant de géographie qui a fait une longue carrière dans un lycée du Minnesota, où il était aussi l’entraîneur de football américain. Ce sexagénaire affable a fait partie de la Garde nationale pendant vingt-quatre ans. En 2006, il remporte un siège à la Chambre des représentants après avoir battu le républicain sortant et devient l’un des rares démocrates élus dans une circonscription rurale. Il siège pendant douze ans au Congrès avant, en 2018, de se présenter au poste de gouverneur de l’Etat et est réélu quatre ans plus tard.J. D. Vance, son adversaire républicain, a vingt ans de moins. Il a grandi dans une famille très modeste de l’Ohio, élevé par ses grands-parents. Après le lycée, en 2002, il s’engage dans les Marines et est envoyé en Irak, mais rentre très désillusionné par la politique américaine : « Une blague totale. » Il fait des études de science politique et de philosophie, puis intègre la fac de droit de Yale. Il est embauché par une société de capital-risque dirigée par Peter Thiel, un libertarien de la Silicon Valley qui a viré trumpiste En même temps, il publie un récit autobiographique en 2016, Hillbilly Elegy, qui raconte son enfance pauvre sur fond d’Amérique postindustrielle. Le livre devient un best-seller et le rend célèbre.Vance, anti-avortement, sans exceptionsA cette époque, J. D. Vance est très anti-Trump, qu’il compare à Hitler. Mais en 2019, influencé par la lecture de saint Augustin et du philosophe français René Girard, il se convertit au catholicisme. Et quelque temps plus tard opère une seconde conversion, cette fois au trumpisme. Un authentique changement de vue, disent ses défenseurs. Ses détracteurs, eux, y voient de l’opportunisme politique. En 2022, il se présente à un siège de sénateur dans l’Ohio et ne doit sa victoire qu’au financement de Peter Thiel et au soutien de Donald Trump. »J. D. me lèche le c… tellement il veut mon soutien », ironisera Donald Trump. Depuis, Vance, grand admirateur du Premier ministre hongrois Viktor Orban, s’est mué en mini Trump et le défend farouchement. Il se présente comme un membre de la « Nouvelle Droite », un mouvement en faveur d’un parti plus populiste, plus nationaliste et plus conservateur. Il est partisan d’une interdiction de l’avortement au niveau fédéral, sans exceptions, même en cas de viol ou d’inceste, qualifie les profs « d’ennemis » et est résolument isolationniste. Sur le plan international, il s’oppose notamment à l’aide à l’Ukraine. Des opinions aux antipodes de celles de Tim Walz.Walz, drôle et mordantLe social-démocrate sans complexe défend tout ce que Vance abhorre, l’Etat providence, la lutte contre le réchauffement climatique, la défense des droits reproductifs… Comme il ne s’est jamais exprimé sur Gaza ou l’Ukraine, on ignore ses positions. Mais il connaît la Chine. Au début de sa carrière, il y a passé plusieurs mois comme professeur d’anglais et il est réputé capable de tenir une conversation en mandarin. Le gouverneur du Minnesota peut se targuer d’avoir mis en place toute une série de lois très progressistes. Lors de son second mandat, il a fait voter une loi pour protéger le droit à l’avortement, légalisé la marijuana à usage récréatif, instauré des repas gratuits pour les enfants pauvres, imposé congés maladie et congés parentaux, donné un accès gratuit à l’université pour les plus pauvres, durci les lois sur le port d’arme, limité le prix de l’insuline.Bref, Tim Walz peut se targuer d’une expérience politique que J.D. Vance n’a pas. Elu au Sénat depuis moins de deux ans, le républicain a un bilan assez mince : il a proposé un projet de loi pour interdire l’obligation fédérale du port du masque, réduire la discrimination positive dans les facs et permettre les poursuites contre les médecins qui offrent des traitements aux ados transgenres.Ce manque d’expérience est visible depuis sa nomination. Les démocrates sont allés rechercher des déclarations controversées qu’il avait faites dans le passé. Dans l’une d’elles, dévastatrice, il s’en prend aux « femmes à chats sans enfants qui sont malheureuses et qui regrettent leurs choix de vie, et qui veulent donc que le pays soit misérable lui aussi ». Dans une autre, décidément obsédé par la natalité, il affirme que ne pas avoir de gosses rend « les gens plus sociopathes ». Face au tollé, J. D. Vance a du mal à contrattaquer.A sa décharge, la configuration politique actuelle n’est pas celle à laquelle il s’était préparé. Quand il a été choisi, J.D. Vance prévoyait de ferrailler pour la vice-présidence avec Kamala Harris, une Afro-Américaine de Californie, perçue comme à gauche et sans grand talent oratoire. Mais Joe Biden s’est retiré de la course et le sénateur se retrouve à affronter un gouverneur du Midwest populaire, drôle et mordant. Avant même d’être choisi, Tim Walz a commencé à l’attaquer en le traitant de « bizarre », car il pousse à des réformes « que personne ne veut ». La porte-parole de la campagne de Trump a riposté en accusant le démocrate d’être « un dangereux extrémiste gauchiste ». « Le rêve californien de Harris-Walz est le cauchemar de tous les Américains », a-t-elle asséné.La mission des colistiers dans les prochains mois va être de sillonner le pays pour convaincre les électeurs. Tous deux ont été choisis pour leur capacité à parler aux populations de cols-bleus et de ruraux. Ils vont donc se faire concurrence dans les Etats du Midwest et de la « Rust Belt », cette région industrielle du nord-est des Etats-Unis, pour séduire les désenchantés de la politique.Un futur débat téléviséEt bien sûr, les deux hommes vont s’affronter lors d’un débat télévisé dont la date n’est pas encore fixée. Un spectacle très attendu. Lors de son premier meeting électoral, hier à Philadelphie, avec Kamala Harris, Tim Walz a fait un discours enlevé, émaillé de plaisanteries, et a remercié la candidate « de ramener la joie ». Une atmosphère bien différente des meetings républicains où Trump et Vance jouent sur les peurs et multiplient les prédictions apocalyptiques.Ce qui n’a pas empêché le gouverneur démocrate de descendre son adversaire en flammes. « Comme tous les gens ordinaires, j’ai grandi dans l’Amérique profonde. J. D., lui, a fait ses études à Yale, a eu sa carrière financée par des milliardaires de la Silicon Valley et ensuite a écrit un best-seller qui dénigre sa communauté (d’enfance) », a-t-il lancé avant d’ajouter : « Ce n’est pas ce qu’est l’Amérique de la classe moyenne. » Il a repris sa pique désormais populaire : « Ces gens sont malsains et, oui, juste vraiment bizarres. » Mais il a ajouté qu’il avait hâte de débattre avec lui. « Enfin, s’il veut bien quitter son canapé et se montrer. »J. D. Vance a annoncé qu’il allait se rendre exactement les mêmes jours et dans les mêmes Etats que les deux candidats démocrates en tournée. Il a commencé, ce mardi 5 août, en organisant un meeting à Philadelphie quelques heures avant celui de Harris et de Walz. Il a rassemblé quelques centaines de personnes. Les démocrates, eux, ont rempli un stade.
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Author : Hélène Vissière
Publish date : 2024-08-07 10:27:53
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