« Allez Taïwan ! » Une pancarte écrite en mandarin a priori des plus innocentes. Mais le 2 août dernier, lors de la demi-finale de badminton, à l’Arena Porte de la Chapelle, le cliché fait le tour du web. Aux côtés de la supportrice taïwanaise qui, debout dans les gradins, tient la bannière, un agent de sécurité, qui s’est rapproché, parle à un interlocuteur via son talkie-walkie. Quelques secondes plus tard, la banderole est violemment arrachée par un supporter présumé chinois. L’homme est par la suite rattrapé et renvoyé du stade. Plusieurs vidéos témoignant de l’incident ont circulé sur les réseaux sociaux et ont causé l’émoi chez les internautes taïwanais.Liberty Times reports that a woman’s « Taiwan Add Oil » banner was snatched by Chinese national during a badminton match at the Paris Olympics. Video via social media. pic.twitter.com/494z4L9aSR— Razven (@RazvenHK) August 2, 2024Aux yeux des Taïwanais, les Jeux olympiques ne se résument pas au nombre de médailles remportées ; ils sont aussi un moyen d’accroître la visibilité de l’île dans le reste du monde. Sauf que pour les ressortissants de ce territoire revendiqué par la Chine et non reconnu par l’immense majorité de la communauté internationale, soutenir son pays s’apparente à un jeu dangereux. Même en France.L’altercation a plus tard été condamnée par le gouvernement taïwanais qui a enjoint les autorités françaises d’intervenir. Mais selon Sandy Hsieh, présidente de l’association des Taïwanais d’Europe, ceci « n’est pas un incident unique » […] « Pendant un match de tennis de table, une personne m’a prise en photo et dénoncé aux autorités » jure cette Taïwanaise qui vit à Paris, et brandissait elle aussi une pancarte pour encourager Taïwan. Selon elle, l’auteur de la photo est « assurément un ressortissant chinois ».Victoire contre la Chine au badmintonPour beaucoup de Taïwanais, ces incidents dans la capitale française reflètent la pression politique de la Chine sur l’île de 24 millions d’habitants. Dans un groupe regroupant 200 personnes créé sur le réseau social Line – le plus utilisé à Taïwan – les supporters taïwanais mentionnent plusieurs dizaines d’incidents similaires à Paris.Alors que les athlètes concourent sous le nom « Chinese Taipei », une appellation issue d’un consensus entre Taïwan et le comité olympique en 1981, les drapeaux représentant la République de Chine, nom officiel de Taïwan, sont bannis des stades, des piscines et des gymnases depuis l’exclusion du pays des Nations unies en 1971 au profit de la Chine Populaire.Si la plupart des supporters taïwanais aux JO français respectent cette règle, chaque pancarte évoquant Taïwan est quasi systématiquement filtrée par la sécurité. « On m’a retiré une image de bubble tea » se plaint Tsai I-ling, une supportrice venue à Paris pour être bénévole pendant la saison olympique. De même, Nancy*, une journaliste taïwanaise, rapporte de longues discussions avec les agents de sécurité car elle portait un sac mentionnant le nom de Taïwan, offert par le pavillon taïwanais du village olympique.Dans les stades, une affiche à disposition des équipes de sécurité mentionne trois drapeaux interdits d’entrée dans les gradins : la Russie, la Biélorussie et la République de Chine. « Taïwan est la seule démocratie interdite aux Jeux, c’est ridicule… » se désole Nancy. Ses déconvenues se sont prolongées lorsqu’elle a essayé de photographier les éléments confisqués par la sécurité : « dans leur salle de stockage, j’ai découvert toutes sortes de symboles qui se réfèrent à Taïwan, des ours noirs, des bubble tea… ». Mais rapidement, la jeune femme est réprimandée par les agents qui menacent de lui retirer son accréditation. »On nous a pris tout notre matériel de supporter », se désole Tsai I-ling venue voir la finale de badminton. J’ai pleuré du début à la fin, à la fois de joie et de tristesse ». La jeune femme raconte un match extrêmement émouvant opposant le duo taïwanais Lee Yang et Wang Chi-lin aux joueurs chinois Liang Wei-kang et Wang Chang : « Des supporters français, malaisiens et anglais ne comprenaient pas pourquoi nous nous faisions retirer nos drapeaux. Ils ont proposé de nous rapporter des pancartes et ils ont crié avec nous ‘Taïwan !’ et ça, personne ne pouvait nous en empêcher ».Le match s’est terminé sur une victoire de l’équipe taïwanaise face aux ressortissants d’un pays qui menace constamment leur souveraineté sur la scène internationale. La première médaille d’or pour l’équipe Chinese Taipei a provoqué des scènes de jubilation des Taïwanais à Paris jusque dans les rues de Taipei, la capitale de Taïwan.Les supporters s’organisentEn France, face aux obstacles, les supporters taïwanais s’organisent sur les réseaux sociaux : comment faire passer des pancartes sur les lieux de compétition ? Certains d’entre eux ont eu l’idée de venir avec des feuilles blanches ou d’utiliser des iPad. Mais le subterfuge semble avoir vite été repéré par les agents de sécurité qui n’autorisent plus les Taïwanais à rentrer avec des feuilles vierges ou vérifient les iPad. Sandy Hsieh soupçonne que le groupe Line de supporters a été infiltré par des ressortissants de la République Populaire de Chine.Malgré l’attitude pacifique générale dans les stades, difficile donc d’échapper aux tensions entre la Chine et Taïwan. « Nous ne sommes pas là pour nous battre, mais nous sommes traités comme des rebelles, des personnes violentes, c’est ironique de voir que cela se passe dans un pays démocratique comme la France », bouillonne Sandy Hsieh. I-ling, la volontaire, rapporte quelques altercations politiques avec des bénévoles chinois, en marge des Jeux : « Un Français m’a demandé si Taïwan faisait partie de la Chine, une Chinoise s’est interposée, pour dire que nous étions Chinois ».*Le prénom a été modifié
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Publish date : 2024-08-09 08:00:00
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