Les témoignages relatent le même crève-cœur. Il s’agit d’Ania Dvoryaninova, femme ukrainienne de 35 ans, qui confie à l’AFP ne pas vouloir quitter son « Donbass bien-aimé ». De Nina Uvarova, 84 ans, qui après avoir déjà dû fuir la région lorsqu’elle avait deux ans et demi face à l’avancée nazie, doit de nouveau échapper à un autre impérialisme, russe cette fois-ci, comme elle le raconte à The Economist. Ou encore Maryna, 33 ans et trois enfants sous le bras, qui raconte au Guardian « ne ressentir que de la tristesse » tout en craignant pour la sécurité de ceux faisant le choix de rester.Depuis que le 19 août dernier, les autorités ukrainiennes ont ordonné l’évacuation des familles avec enfants de la ville de Pokrovsk, les trains faisant partir les civils vers l’ouest du pays se suivent. Car en face, la menace russe ne fait que se rapprocher. Ce mercredi 28 août, Volodymyr Zelensky a confirmé que la situation était « extrêmement difficile » dans la région de Donetsk, et en particulier près de Pokrovsk. Et ce jeudi, les forces russes ont annoncé la prise d’une nouvelle localité proche, Mykolaïvka, poursuivant leur rapprochement à seulement une petite dizaine de kilomètres de la ville.Carte montrant les zones où les forces russes ont progressé vers Pokrovsk dans la région ukrainienne de Donetsk au 28 aoûtL’étau semble se resserrer sur les forces de Kiev, et les précédents de Bakhmout, Marioupol ou Avdiivka, laissées en ruines par la Russie, ne sont pas là pour rassurer. « On ne sait pas exactement pourquoi l’état-major russe se focalise de façon aussi persistante à cette localité. Il se peut qu’il ait des considérations spécifiques. À mon avis, l’enjeu est que Pokrovsk est la plus grande ville de l’ouest de la région de Donetsk », explique Vladyslav Seleznov, expert militaire et ancien porte-parole de l’état-major général des forces armées ukrainiennes, auprès de l’agence de presse ukrainienne RBC. »La porte d’entrée de Donetsk »Les raisons, pourtant, ne manquent pas pour expliquer pourquoi la Russie semble tenir autant à la conquête de Pokrovsk. Ville de près de 60 000 habitants avant le début de la guerre, elle est notamment un très important nœud ferroviaire et routier pour l’Ukraine. C’est notamment par ici que circule une grande partie du ravitaillement ukrainien sur les autres points de tension dans le Donbass, que soit la cité industrielle de Tchassiv Yar ou la ville de Kostiantynivka, lieux de très intenses combats.Alors que Pokrovsk est même surnommée la « porte d’entrée de Donetsk » par les médias russes, l’enfoncer permettrait ainsi à Moscou de largement perturber l’approvisionnement ukrainien sur le reste du front. Et de s’avancer toujours un peu plus vers l’un de leurs objectifs clés pour cette guerre : la conquête complète de la région de Donetsk.Quelques kilomètres à l’ouest de Pokrovsk se trouve également un objectif hautement stratégique : l’une des plus grandes mines de charbon ukrainiennes. Comme l’explique The Guardian, cette usine est le seul endroit en Ukraine qui produit du charbon à « coke » de haute qualité, essentiel pour la fabrication de l’acier et donc crucial pour l’effort de guerre ukrainien. »Les gens ne sont pas faits en acier »Cette avancée vers Pokrovsk semble ainsi devenue la priorité absolue de l’armée russe. Et qu’importe la percée ukrainienne à Koursk, en partie déclenchée avec l’espoir qu’elle force une partie des troupes russes à quitter l’est ukrainien pour défendre leur sol. Non seulement aucun soldat russe ne semble avoir été retiré du front, mais « les troupes russes les plus aptes au combat soutiennent actuellement les avancées russes vers Pokrovsk », confirme l’Institut pour l’étude de la guerre, qui analyse au jour le jour l’évolution des combats. De quoi confirmer « la théorie de la victoire en Ukraine formulée par le président russe Vladimir Poutine, qui suppose que les forces russes conservent l’initiative et poursuivent une guerre d’usure constante pour venir à bout de l’Ukraine et de ses partenaires », poursuivent-ils dans leur bilan quotidien du 27 août.Cette percée, cependant, ne se fait pas sans un coût humain très lourd pour les forces de Poutine, à l’image de la très coûteuse bataille d’Avdiivka, où les forces russes perdaient au pic des affrontements plus de 1 000 hommes par jour. « Le chef du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Budanov, avait parié sur le fait que l’offensive russe s’épuiserait en un ou deux mois. Deux semaines se sont déjà écoulées. L’armée de Poutine parviendra-t-elle à vaincre la résistance ukrainienne en un peu plus d’un mois ? », s’interroge Vladyslav Seleznov.Mais, de l’autre côté du front, imaginer une ligne de défense ukrainienne inébranlable paraît aujourd’hui au mieux naïf, au pire complètement déconnecté. Les forces de Kiev rapportent toujours que les soldats russes tirent dix fois plus d’obus qu’eux, et que le rapport de force humain se situe autour d’un soldat ukrainien pour quatre soldats russes. Et c’est sans compter l’épuisement généralisé des troupes, dû au manque de renouvellement des forces, comme le rapporte The Economist.Un combattant, « Dublin », explique ainsi que certains soldats restent sur la ligne de front jusqu’à 40 jours d’affilée, et que deux d’entre eux y ont été victimes d’un accident vasculaire cérébral. Les problèmes de l’Ukraine sont aggravés par des ordres « idiots », explique-t-il. « Les gens ne sont pas faits en acier », insiste quant à lui le colonel Pavlo Fedosenko. C’est pourtant presque ce qu’il faudrait pour espérer repousser durablement les incessantes vagues humaines russes.
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Publish date : 2024-08-30 05:30:00
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