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Jacques-Louis Ménétra ou l’art de savoir écrire quand on n’est jamais allé à l’école

Avant l'invention de la dictée, certains prônaient la "cacographie". En clair : la création de textes remplis de "fautes" afin d'obliger le lecteur à les corriger. (ici, la "Grande dictée des Jeux" olympiques 2024).




Imaginez que vous soyez né au XVIIIᵉ siècle. Imaginez que vous n’ayez reçu aucune instruction. Et imaginez que vous décidiez d’écrire votre autobiographie. Si étonnante soit-elle, cette entreprise extraordinaire a été menée à son terme par Jacques-Louis Ménétra. D’une main malhabile, ce vitrier parisien a multiplié les écrits : un Journal de ma vie, donc, mais aussi des traités religieux, des textes philosophiques, des essais politiques et même des poésies érotiques. Une sorte de Douanier Rousseau de la langue française.VOUS SOUHAITEZ RECEVOIR CETTE INFOLETTRE ? >> Cliquez iciComment y est-il parvenu, sachant, on l’a dit, qu’il n’avait jamais été initié aux mystères de l’orthographe ? Pour l’essentiel, il a suivi son oreille et s’est affranchi des règles de grammaire. « Je suis née le 13 juillet 1738 natif de cette grande citée », lance-t-il ainsi au tout début de son Journal, lequel fascine les historiens de la langue dans la mesure où il présente un français singulier, libre de toute contrainte. « Chez lui, ‘je’ n’est pas différent de ‘j’ai’ et les accords sont guidés par le sens, comme dans ‘toute la garnison a été fait prisonniers’. Quant à la ponctuation, c’est bien simple : elle est inexistante », précise la très pédagogique Histoire de la langue française*, publiée par les éditions Hatier.Sous l’Ancien Régime, le recours à ce « français non normé » est plus fréquent qu’on ne le croit. Logique : au XVIIIᵉ siècle, le niveau d’éducation atteint seulement 10 % chez les hommes et se situe à un niveau moindre encore chez les femmes. Cela n’empêche pas une partie de la population d’écrire, que ce soit pour tenir des livres de comptes ou échanger des informations pratiques. A côté des érudits et des illettrés, on trouve donc aussi des « peu lettrés », autrement dit des domestiques, des artisans, des bourgeois et même des nobles qui manient l’écrit avec difficulté, sans doute, mais qui le manient néanmoins. Rarissimes, en revanche, sont ceux qui, comme Ménétra, osent se lancer dans une véritable production littéraire.C’est dans ce contexte que paraît en 1803 le très étonnant Manuel de cacographie, rédigé par un certain Jean-Etienne-Judith Forestier, dit Boinvilliers, dont j’ai appris l’existence dans la même Histoire de la langue française. La cacographie ? Voici la définition qu’en donne lui-même ce grammairien : « Cacographie vient des deux mots grecs ’cacos’ (‘malus’, ‘mauvais’) et ‘graphê’ (‘scriptura’, écriture) ; ce qui signifie ’écrire mal, écrire d’une manière vicieuse ou contraire aux lois de l’orthographe’. » Son ouvrage rassemble donc des textes volontairement fautifs dans un but pédagogique : obliger le lecteur à corriger les « erreurs » qu’il y a glissées. »L’instucsion est ci prétieuse »Prenons quelques exemples : « La sciance est le plus beau thresor » ; « L’instucsion est ci prétieuse ! Pourquoi la négligé ? » ; « Les jeune-jens doive cherché les moiens de devenire savant »… Vous avez maintenant compris le système (ou alors, procurez-vous un Bled sans trop tarder) : il convient de rectifier les inexactitudes qui pullulent dans ces « phrases dans lesquelles on a violé à dessein l’orthographe des mots, les règles des participes et les lois de la ponctuation ».A sa sortie, l’ouvrage de Boinvilliers rencontre très vite le succès, et cela s’explique. En ce début de XIXᵉ siècle, alors que la France commence à s’urbaniser, l’écrit détermine de plus en plus la réussite sociale. Or non seulement le peuple demeure largement illettré, mais les notables eux-mêmes sont loin de maîtriser les subtilités de la langue nationale. Une attitude qui fait d’ailleurs enrager notre grammairien : « Se croient-ils dispensés d’écrire selon les lois de l’orthographe parce qu’ils possèdent des châteaux ? » Dans une société qui aspire à l’alphabétisation, son Manuel de cacographie vient opportunément combler un manque.Cela ne lui épargne pas les critiques, au contraire. Très vite, on l’accuse d’aggraver le mal qu’il prétend combattre. En diffusant des formes fautives, sa cacographie ne perturbe-t-elle pas la mémoire photographique des lecteurs ? Aussi d’autres prônent-ils la méthode inverse, dite « praxigraphie ». En clair : la fameuse dictée ! Celle-ci, apparue au XVIIIᵉ siècle, devient très vite l’un des loisirs préférés de l’aristocratie et atteint, avec celle de Mérimée, des sommets de raffinement (ou de sadisme, selon les points de vue). Elle Elle deviendra matière reine à l’école sous la IIIᵉ République et tournera même au phénomène de société, bien plus tard, avec celles du regretté Bernard Pivot.Un triomfe qui sonerat déphinnitifeman le glat de la kacaugrafi.RETROUVEZ DES VIDÉOS CONSACRÉES AU FRANÇAIS ET AUX LANGUES DE FRANCE SUR MA CHAÎNE YOUTUBE* Chronologie. L’histoire de la langue française, par Frédéric Duval, Jacques Dürrenmatt, Gilles Siouffi et Agnès Steuckardt, préface de Jean Pruvost (Bescherelle/Hatier). On peut également se reporter à cette conférence donnée par Daniel Roche, qui a étudié le Journal de Ménétra.À LIRE AILLEURSBreton, occitan, wolof… Google Traduction ajoute une centaine de langues à son répertoireBelle avancée pour la diversité linguistique. Google vient d’ajouter une centaine de langues à son service de traduction. Au total, celles-ci concernent plus de 600 millions de locuteurs, soit 8 % de la population mondiale, estime le géant des moteurs de recherche. 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En revanche, l’Unesco encourage « la France à continuer à travailler avec les communautés concernées pour assurer la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel » en Bretagne. « L’Unesco dit que notre toponymie relève bien du patrimoine immatériel de l’Humanité et appelle l’État à la sauvegarder et à mesurer l’impact de ses lois », se félicite Yvon Ollivier, le président de l’association Koun Breizh, qui avait saisi l’Unesco.Guingamp : suppression de la section bilingue breton-françaisLes futurs élèves de sixième ont appris la mise en veille de l’apprentissage bilingue du breton au collège Jacques-Prévert de Guingamp (Côtes-d’Armor). 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Une « égalité » et une « fraternité » qui, visiblement, ne s’appliquent pas aux langues de France…Un colloque en hommage aux auteurs baroques provençauxOn ne saurait donc trop recommander ce colloque organisé en hommage aux écrivains baroques aixois ayant écrit en langue d’oc provençale. A l’initiative de Didier Maurell, il réunira des universitaires et se tiendra le 15 septembre au musée Granet d’Aix-en-Provence et vise à « remettre en lumière la richesse et l’originalité des œuvres produites en langue d’oc provençale aux 17e et 18e siècles ». On pourra également visiter l’exposition « Viser juste. Pétanque et jeu provençal dans l’objectif de Hans Silvester”, qui se tient jusqu’au 29 septembre au Museon Arlaten-musée de Provence d’Arles, où a été prévu un guide écrit en provençal.L’occitan fait son entrée à l’université de Berkeley…A l’initiative d’un universitaire états-unien, Oliver Whitmore, l’occitan est désormais enseigné dans la prestigieuse université de Californie à Berkeley. 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On recommandera notamment Et hat von os plat, précis de grammaire bilingue français-allemand du francique carolingien ; les deux volumes de L’Atlas linguistique du francique carolingien et Clef 4. La morphologie du francique carolingien, synthèse élaborée en langue française (à commander ici : [email protected]).L’écriture inclusive disparaît des textes officiels en Wallonie et à BruxellesLa nouvelle majorité régionale de Wallonie et de la fédération Wallonie-Bruxelles a décidé d’interdire dans les textes officiels le point médian, considérant qu’il « complique l’accès à l’information pour les citoyens les plus fragilisés, en particulier dans leurs contacts avec les administrations et complexifie l’apprentissage de la langue française ».Dites « bureau flexible » et non « flex office »Telle est l’une des recommandations de la Commission d’enrichissement de la langue française, qui s’est penchée sur le vocabulaire de l’urbanisme. 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Une belle illustration de la capacité d’invention de la langue française, comme le souligne Linda Giguère dans sa chronique de TV Monde.Réagissez, débattez et trouvez plus d’infos sur les langues de France en me rejoignant sur LA PAGE FACEBOOK DEDIÉE A CETTE INFOLETTRE



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Author : Michel Feltin-Palas

Publish date : 2024-09-03 05:15:00

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