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Immigration : pourquoi le programme de Trump menace l’innovation

Donald Trump, candidat républicain à la présidentielle américaine, en meeting à Uniondale, près de New York, le 18 septembre 2024.




Pour un politique en campagne, le choix des villes où se déroulent ses meetings ne doit rien au hasard. Son histoire, ses symboles ou encore son territoire, constituent autant d’éléments sur lesquels s’appuyer dans un discours afin de captiver l’auditoire et faire passer ses idées. Mercredi 18 septembre, c’est à Long Island que Donald Trump a choisi de prendre la parole. Une partie de cette île appartient à la ville de New York qui fut un temps, via Ellis Island, la porte d’entrée de l’immigration aux Etats-Unis. Entre 1892 et 1924, plus de 16 millions de migrants, dont une large majorité en provenance d’Europe, y ont transité pour vivre le rêve américain.Cet idéal, l’ancien locataire de la Maison-Blanche le combat avec force. Durant plus d’une heure et demie d’intervention, le candidat républicain à la présidentielle s’en est une nouvelle fois pris de façon virulente aux migrants, multipliant les diatribes et les alertes. Comme celle sur le futur de la Big Apple qui pourrait, selon lui, « bientôt devenir un pays du tiers-monde ». « Ils viennent d’Afrique, du Moyen-Orient, du monde entier, d’Asie […] On est tout simplement en train de détruire notre tissu social », a lancé Donald Trump devant une foule acquise à sa cause.La lutte contre l’immigration est, comme en 2016, l’un des thèmes centraux de sa campagne. S’il est élu, le milliardaire américain entend aller encore plus loin et promet de renvoyer plus de 11 millions de personnes sans papiers. « Personne ne sait ce que Donald Trump va vraiment faire. Mais une chose est sûre, ses conseillers, en particulier Stephen Miller qui est une personne clé, sont très opposés à l’immigration et veulent réduire toutes les formes légales existantes », raconte un consultant, spécialiste de ces questions, basé aux Etats-Unis.Les étrangers à l’origine de 23 % des brevetsUne politique radicale qui pourrait affecter l’économie du pays, tant les immigrés contribuent à l’innovation dans de nombreux secteurs. « Je suis extrêmement préoccupé. Si vous commencez à sévir contre les immigrés qualifiés en provenance d’Etats comme l’Iran ou la Chine, cela aura une incidence sur l’innovation. Or, c’est le moteur de la croissance américaine. Je crains que ce type de mesure ait des effets sur le long terme », confie Pol Antràs, professeur d’économie à Harvard.Ces dernières années, de nombreuses études ont permis de rendre compte de leur rôle dans le développement de nouvelles technologies. En 2022, le National Bureau of Economic Research montrait que, bien qu’ils ne représentent que 16 % de l’ensemble des inventeurs aux États-Unis, ceux de nationalité étrangère ont produit environ 23 % des brevets déposés entre 1990 et 2016 dans le pays. « Ils sont plus créatifs. Il est essentiel d’avoir des personnes provenant de systèmes éducatifs variés. Lorsque l’on n’a pas la même formation ni le même environnement familial, on ne réfléchit pas de la même manière », pointe Emmanuelle Auriol, professeure d’économie à la Toulouse School of Economics et auteure, avec son confrère Hillel Rapoport, d’une note du Conseil d’analyse économique sur le sujet.Dans l’écosystème foisonnant des start-up, plus de la moitié de celles valorisées au moins un milliard de dollars ont été fondées par des immigrés, selon l’analyse réalisée par la Fondation nationale pour la politique américaine (NFAP). « Les Etats-Unis bénéficient d’un solide écosystème de capital-risque où un étranger peut venir sur notre territoire et présenter une bonne idée, explique Stuart Anderson, directeur exécutif de cet organisme américain à but non lucratif. Personne ne se soucie de votre origine et si vous parvenez à convaincre d’autres personnes que votre projet sera rentable, les gens le financeront. In fine, cela profite à l’ensemble de l’économie en créant des emplois et de la richesse ».Dans le secteur de l’intelligence artificielle, où les Etats-Unis ont déjà un temps d’avance, les immigrés sont surreprésentés. « Ils ont tendance à être plus entreprenants que les non-immigrés. Ils sont plus actifs et croient peut-être davantage en eux-mêmes. C’est aussi en partie la raison pour laquelle ils réussissent si bien aux Etats-Unis », ajoute Johann Harnoss, directeur associé pour l’innovation au Boston Consulting Group. »Environnement hostile et dissuasif »Si Donald Trump cible plus particulièrement les sans-papiers, il continue d’entretenir une position ambiguë vis-à-vis de l’immigration qualifiée. En juin dernier, le républicain a promis d’accorder un visa permanent à tous les étudiants étrangers diplômés d’une université américaine. Une mesure jugée bénéfique pour l’économie par de nombreux experts, mais paradoxale. « Il est en train de créer un environnement hostile et dissuasif. C’est extrêmement difficile d’à la fois mener une politique anti-immigration et de dire que les gens très diplômés sont les bienvenus », souligne l’économiste Hillel Rapoport.Il n’y a pourtant pas de place pour la tergiversation. Les besoins dans les secteurs technologiques vont s’accroître considérablement dans les années à venir et la population américaine ne sera pas en mesure d’y répondre. Rien que dans l’industrie des semi-conducteurs, les entreprises devront recruter plus de 230 000 profils hautement qualifiés dans la prochaine décennie. « Le pays doit attirer les ingénieurs les plus brillants au monde pour contribuer à ses écosystèmes technologiques car nous avons des lacunes dans notre vivier de talents nationaux », assure Stephen Ezell, vice-président de l’Information Technology and Innovation Foundation, un think tank basé à Washington.En parallèle, l’application à la lettre du programme de Donald Trump pourrait encourager les envies de départ. « Vous verrez des entreprises déplacer davantage de ressources en dehors des Etats-Unis, notamment au Canada, en Inde ou en Europe, si elles ne sont pas en mesure d’employer les personnes qu’elles souhaitent », note Stuart Anderson, de la NFAP. A l’heure où la croissance américaine risque de ralentir l’an prochain, un coup porté à l’innovation serait malvenu.



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Author : Thibault Marotte

Publish date : 2024-09-20 09:30:00

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