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L’Express

Agnès Pannier-Runacher à la Transition écologique : ses trois dossiers brûlants sur l’énergie

Agnès Pannier-Runacher, nommée ministre de lla Transition écologique et de l'Energie dans le gouvernement de Michel Barnier, photographiée le 9 juillet 2024




Retour à l’envoyeur. Les dossiers énergétiques, passés sous le giron de Bercy lors du dernier remaniement, en janvier, retournent au ministère de la Transition écologique, au sein d’un portefeuille qui comprend également le Climat et la Prévention des risques. Et une figure connue – et appréciée – du secteur va les reprendre en main : Agnès Pannier-Runacher, déjà chargée de la Transition énergétique entre 2022 et le début d’année 2024, succède à Christophe Béchu à l’hôtel de Roquelaure.Pour démêler les sujets épineux qui l’attendent, elle sera accompagnée d’Olga Givernet, ingénieure et députée Renaissance de l’Ain, nouvelle secrétaire d’Etat chargée de l’Energie. Toutes deux auront pour mission de s’assurer que les prix de l’énergie ne plombent ni les factures des ménages, ni la compétitivité des entreprises. Elles devront aussi regarder à plus long terme et faire en sorte que la politique énergétique de la France réponde aux besoins d’un pays en pleine électrification. L’Express passe en revue trois dossiers prioritaires, auxquels le duo devra très vite s’atteler.La « taxe EDF »En partant, le gouvernement sortant s’est permis de laisser sur la table un gros dossier, potentiellement explosif. La proposition de Bruno Le Maire, faite devant la Commission des finances lors de son ultime audition le 9 septembre, prévoit la mise en place d’une nouvelle taxe sur la « puissance électrique installée ». Autrement dit : un impôt sur la rente des énergéticiens, dans un contexte de restrictions budgétaires. Concrètement, le projet ambitionne de mettre à contribution toutes les centrales de production dépassant les 260 mégawatts. Ce seuil exclut donc les parcs éoliens et photovoltaïques, et concernerait avant tout les réacteurs nucléaires et les centrales hydroélectriques d’EDF – ainsi qu’une poignée d’actifs d’Engie et de TotalEnergies. Ce nouvel impôt, que beaucoup surnomment déjà « taxe EDF », serait une manière de revenir sur l’échec de « la contribution sur la rente inframarginale ». Un mécanisme qui devait permettre de capter les superprofits des électriciens, mais qui n’a rapporté que 300 millions d’euros l’an dernier sur les 3 milliards escomptés.Bruno le Maire pouvait-il avoir pire timing ? Trois jours avant sa prise de parole, un rapport sévère de la Cour des comptes appelait les autorités à revoir en profondeur la politique fiscale sur l’énergie, jugée mal répartie et peu optimisée. Sans surprise, les énergéticiens ont peu goûté le bouquet final du ministre. « C’est un sujet brûlant, commente Phuc-Vinh Nguyen, chercheur et spécialiste des politiques énergétiques à l’Institut Jacques Delors. On n’a pas réfléchi aux conséquences de ces économies sur le moyen et le long terme. Cela risque de grever la capacité d’investissement d’EDF et envoie un message contre-productif sur l’électrification des usages ». Avec cette mesure, l’administration espère récupérer 2 milliards d’euros dès cette année, selon Les Echos. Mais l’électricien, encore occupé à éponger ses résultats catastrophiques de l’année 2022, doit aussi doubler ses investissements pour répondre aux défis du nouveau nucléaire. « C’est effectivement une mauvaise idée de priver EDF de moyens financiers. Lors du premier quinquennat du président actuel, il était question de réduire les impôts de production, et voilà qu’on veut les augmenter », déplore Jean-Jacques Nieuviaert, président de la Société d’études et de prospective énergétique. « L »Etat a une attitude un peu schizophrène avec EDF : il veut en même temps protéger et taxer », constate Boris Solier, maître de conférences en économie à l’Université de Montpellier. « On a rarement vu une proposition faire autant l’unanimité contre elle », confirme Phuc-Vinh Nguyen. Il sera d’autant plus difficile de faire accepter cette nouvelle taxe qu’elle risque d’augmenter la facture d’électricité des ménages, qui absorberont le surcoût. Le dernier épisode du même genre n’est pas un bon souvenir pour le gouvernement. C’était sur le carburant, et « il y a eu les gilets jaunes ensuite », rappelle Boris Solier.L’électricité post-ArenhC’est un autre des dossiers chauds de la rentrée. L’Etat va-t-il revenir sur l’accord entre EDF et les industriels fortement consommateurs d’électricité ? Actuellement, ces derniers bénéficient d’un tarif préférentiel d’accès à l’électricité nucléaire (Arenh). Mais ce dispositif doit prendre fin en 2025. Pour répondre à l’inquiétude des industriels « électro intensifs » et leur assurer de la visibilité sur leurs coûts futurs, l’Etat a donc passé un accord avec EDF en novembre dernier afin de leur garantir un prix moyen de 70 euros le MWh pour la production d’électricité d’origine nucléaire sur une période de 15 ans. Il s’appuie sur deux principes : des contrats de long terme et un mécanisme qui prévoit la captation des revenus d’EDF si le marché s’envole. Or ce cadre, obtenu au terme d’intenses négociations, est de plus en plus attaqué par les industriels, qui estiment le prix trop élevé et craignent pour leur compétitivité. Bruno Le Maire lui-même s’est emparé du sujet et des négociations ont été rouvertes.Voilà pratiquement un an que les discussions traînent. En juillet, une commission d’enquête du Sénat sur l’avenir du coût de l’électricité est venue fragiliser encore un peu plus l’accord. Après six mois de travail et plus de 140 auditions, le sénateur (centriste) de l’Essonne, Vincent Delahaye, a appelé à privilégier un autre outil de régulation, non retenu par l’Etat : le contrat sur la différence. Un mécanisme à travers lequel « EDF va vendre son électricité à prix fixe, avec un principe : si ses revenus sont inférieurs à ceux escomptés, l’Etat rembourse la différence ; et si ses revenus sont plus élevés, l’Etat peut bénéficier de la hausse du prix avant de la redistribuer », expliquait à L’Express Nicolas Meilhan, l’un des experts auditionnés.Fin août, Luc Benoit-Cattin, le coprésident de la commission énergie du Medef, a alerté sur l’urgence à « stabiliser les contours du nouveau cadre de régulation » et a demandé à l’Etat de se saisir de la question pour trouver des solutions. Le pourra-t-il ? « A partir du moment où la durée de vie du gouvernement est faible, je ne sais pas quel temps utile il est en mesure de consacrer à ces négociations », doute Phuc-Vinh Nguyen. « Alors qu’on aurait pu régler cette question avant même le Covid-19 et la crise énergétique », déplore Boris Solier.Les plans stratégiquesC’était une question de jours. Le gouvernement aurait dû ouvrir, mi-juillet, les consultations publiques portant sur deux textes essentiels – et très attendus – de la stratégie française sur le climat : la PPE, la feuille de route énergétique du pays, et la SNBC, son plan pour réduire les émissions de carbone. Mais la dissolution est venue percuter une machine déjà à la traîne. « On a pourtant besoin d’un cap clair », alerte Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau Action Climat (RAC). Ces dossiers occuperont logiquement une place importante sur le bureau du nouveau ministre. « Tout est prêt, il n’y a plus qu’à appuyer sur le bouton. On ne comprendrait pas qu’il y ait un délai entre sa nomination et le lancement de la consultation », poursuit l’experte.Alors que la Commission européenne vient de rappeler à l’ordre la France pour qu’elle respecte son engagement d’atteindre 42,5 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici à 2030, la PPE doit fixer les priorités de l’Etat pour chaque filière. « Sur l’éolien en mer, c’est extrêmement urgent. Les objectifs sont ambitieux et l’incertitude les met en péril. Si on veut les tenir, il faut lancer les investissements, ouvrir des usines… », presse Anne Bringault. « Les stop-and-go sont préjudiciables à nos industries du temps long », prévenaient, au milieu de l’été, plusieurs fédérations et associations professionnelles du secteur. Celles-ci doivent également faire face à la concurrence d’autres pays européens, qui se sont fixé des objectifs et des horizons similaires.Sur le nucléaire aussi, l’avenir est flou. « A part la parole présidentielle, il n’y a pas d’engagement gravé dans le marbre. Même si le sujet avance, officiellement, EDF n’a pas de commande publique pour des réacteurs. Et donc de mécanisme de financement identifié », rappelle Boris Solier. Embêtant, alors qu’un nouveau débat public vient de commencer à Gravelines (Nord) pour deux EPR de plus. La Commission nationale du débat public (CNDP), qui en organise le bon déroulé, a d’ailleurs rappelé l’Etat à ses obligations sur la publication de ces feuilles de route. Dans un avis publié début septembre, après une première concertation pour de nouveaux réacteurs à Penly (Seine-Maritime), l’institution – créée en 1995 par un certain… Michel Barnier – a constaté que les « questions sur l’avenir énergétique de la France n’ont pas reçu de réponses ». « Sans vision globale, on est aveugle. Difficile, donc, de donner un avis sur de tels projets », estime Anne Bringault.Seul point positif : le précédent gouvernement avait – enfin – expédié son Plan national intégré énergie-climat (Pniec) à la Commission européenne le 10 juillet, soit trois petits jours après le second tour des élections législatives. Pour le reste, la stratégie française compte de sérieux trous dans la raquette.



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Author : Valentin Ehkirch, Baptiste Langlois

Publish date : 2024-09-21 18:56:54

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