Une nomination controversée de plus pour un casting gouvernemental bâti à son image. Donald Trump a annoncé ce jeudi 14 novembre que Tulsi Gabbard prendrait la tête du renseignement américain à partir de janvier prochain. Un poste très stratégique créé au lendemain des attentats du 11 septembre, visant à chapeauter les 17 agences d’espionnages américaines, de la CIA au FBI en passant par la NSA. Problème : Tulsi Gabbard s’est davantage distinguée par ses prises de position pro-Russes ou son soutien récurrent au dictateur syrien Bachar al-Assad que par sa maîtrise des rouages du renseignement.Âgée de 43 ans et originaire des Samoa américaines, Tulsi Gabbard a d’abord mené son ascension au sein du parti démocrate, où elle a toujours défendu une vision isolationniste en matière de politique étrangère. Élue à Hawaï au sein de la Chambre des représentants entre 2013 et 2021, soutenant Bernie Sanders en 2016 notamment pour ses positions internationales, elle avait même tenté de briguer l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2020, avant de devoir rapidement abandonner la course dans les primaires.La guerre en Ukraine, la faute de l’OtanMais c’est surtout à partir du début de l’invasion russe en Ukraine que Tulsi Gabbard a gagné une certaine notoriété outre-Atlantique, avec des prises de position controversées reprenant ouvertement le narratif du Kremlin. Ainsi, dès le 24 février 2022, au lendemain du début de la guerre déclenchée par Vladimir Poutine, elle avait écrit sur X (ex-Twitter) : « Cette guerre et cette souffrance auraient pu être évitées si l’administration (de Joe) Biden et l’Otan avaient simplement pris en compte les inquiétudes légitimes de la Russie sur une possible entrée de l’Ukraine dans l’Otan ».Quelques semaines plus tard, c’est une autre déclaration qui avait fait des remous, alors que l’ancienne représentante avait affirmé sur ses réseaux sociaux que la présence en Ukraine de « plus de 25 laboratoires biologiques financés par les Etats-Unis qui, en cas d’accident, libéreraient et propageraient des agents pathogènes mortels » justifiait un accord de paix au plus vite. Des allégations déjà formulées par des responsables russes, que les autorités américaines avaient directement démenties. « Tulsi Gabbard ne fait que répéter comme un perroquet la propagande russe. Ses mensonges perfides pourraient bien coûter des vies », avait alors tancé le sénateur et ex-candidat républicain à l’élection présidentielle Mitt Romney, fervent critique de Donald Trump.Une défenseure de Bachar al-AssadPourtant, Tulsi Gabbard en était loin d’être à son coup d’essai. En 2017, son déplacement dans la Syrie de Bachar al-Assad avait suscité de très nombreuses controverses. Celle qui était alors représentante démocrate avait affirmé s’y rendre dans le cadre d’une « mission d’enquête », afin de « voir et entendre directement de la part de la population syrienne » les conséquences de la guerre civile dans le pays.Une fois sur place, Tulsi Gabbard a rencontré Bachar al-Assad à deux reprises, à une période où le président syrien était sous le feu d’innombrables enquêtes pour la répression sanglante de ses opposants, le bombardement de populations civiles, sans oublier l’utilisation dévastatrice d’armes chimiques. Refusant de condamner les crimes de ce dernier, affirmant que l’autocrate syrien n’était « pas l’ennemi des États-Unis, car la Syrie ne représente pas une menace directe pour les États-Unis » tout en taxant ses détracteurs de « bellicistes », Tulsi Gabbard avait notamment remis en question l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien. Une position sur laquelle elle n’est jamais revenue, malgré les preuves accablantes.Sur le dossier russe également, il n’avait pas fallu attendre le début de la guerre en Ukraine pour voir naître des suspicions à son égard. Dès sa campagne pour les primaires démocrates en 2019, beaucoup avaient pointé du doigt le relais actif de réseaux de propagande et de médias russes en sa faveur, comme Sputnik News ou Russia Today. De quoi faire dire à Hillary Clinton que Tulsi Gabbard était « un atout pour la Russie ».Une revanche personnelle de Trump ?Comment cette personnalité aux relations très ambiguës avec certains dictateurs, sans aucune expérience en matière de renseignement, a-t-elle donc pu être choisie pour diriger l’entièreté de l’espionnage américain ? Son départ avec fracas du parti démocrate en octobre 2022, et son glissement progressif vers le camp républicain marqué par un soutien officiel à Donald Trump en août dernier, lui a valu une certaine popularité au sein du Grand Old Party. Ce profil de transfuge lui aura donc valu d’être récompensée au sein de la nouvelle administration, alors même qu’elle n’avait pas manqué de sévèrement tacler le président républicain par le passé, notamment pour l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani à Bagdad en 2020.De là à occuper un rôle aussi stratégique, le pas est immense. « Voulez-vous vraiment qu’elle ait tous les secrets des États-Unis et de nos agences de renseignement alors qu’elle a été si clairement sous la coupe de Poutine ? », s’est inquiétée la sénatrice démocrate Elizabeth Warren sur CNN ce jeudi. Une question à laquelle le journal américain The Atlantic répond sans détour, affirmant que « la nomination de Tulsi Gabbard représente un risque pour la sécurité nationale ».Le magazine s’interroge notamment sur les motivations ayant poussé Donald Trump à la nommer à un tel poste : « Elle l’a soutenu, mais elle n’a pas joué un rôle central dans sa campagne, et il ne lui doit pas grand-chose. Pour quelqu’un d’aussi mercantile que Trump, cette nomination n’a pas beaucoup de sens ». The Atlantic évoque notamment la possibilité que « Trump déteste tellement les agences du renseignement – qu’il accuse d’être à l’origine d’une grande partie des problèmes rencontrés lors de son premier mandat – que la nomination de Gabbard représente sa revanche ». Aux côtés de Marco Rubio, le futur chef de la diplomatie américaine, celle qui plaidait en 2022 pour « mettre la géopolitique de côté et embrasser l’esprit d’aloha, de respect et d’amour » pour « arriver à un accord selon lequel l’Ukraine sera un pays neutre » aura en tout cas un pouvoir non négligeable si sa nomination est confirmée par le Sénat américain.
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Publish date : 2024-11-15 09:47:15
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