L’Express

De Northvolt à Ynsect, la fin de l’âge d’or de la « deep tech » européenne ?

Une toute petite partie de l'immense usine de batteries Northvolt




Un vent violent souffle sur la deep tech européenne. Ces dernières semaines, le fabricant suédois de batteries pour véhicules électriques Northvolt et le constructeur allemand de véhicules à décollage vertical Lilium, créés en 2015, ainsi que le producteur français de protéines et engrais naturels à base d’insectes Ynsect, né en 2011, se sont mis en sauvegarde pour se protéger de leurs créanciers. Ces entreprises, arrivées à maturité entre 2018 et 2022, lorsque l’argent coulait à flots dans le secteur tech, sont les enfants de la période des taux d’intérêt zéro.Ainsi, au cours de leur jeune histoire, elles ont respectivement levé pas moins de 10, 1,5 et 0,7 milliards d’euros en dette et capital. A cela s’ajoutent des subventions directes. Au plus haut de la bulle, en septembre 2021, Lilium, basée à Munich, est entrée au Nasdaq par le biais d’une fusion inversée avec Qell Acquisition Corp. pour une valeur de 3,3 milliards de dollars. Cette parenthèse a pris fin avec la remontée des taux directeurs la plus brutale de l’histoire économique moderne. Elle emporte avec elle de nombreuses entreprises à forte croissance mais avec des horizons de rentabilité incertains.La tentation est grande, dans ces moments de difficulté, de se tourner vers les Etats et de déplorer que l’Europe se montre, ici, moins interventionniste que l’Oncle Sam. Lilium a cherché en vain ces dernières semaines à obtenir un prêt de 100 millions d’euros de la part du gouvernement allemand, à grand renfort de lobbying de ses investisseurs et autres entrepreneurs. Mais Berlin sans doute échaudé après avoir promis 902 millions d’euros à Northvolt en début d’année, a préféré passer son tour cette fois. L’Europe, via l’EIC et l’EIB, a du reste largement financé ces trois entreprises.Northvolt trop presséBien au-delà de la question financière, ces échecs s’inscrivent en réalité dans des difficultés opérationnelles. La réussite d’une start-up repose avant tout sur sa capacité à innover avec des ressources limitées et sa concentration sur quelques sujets. Des moyens trop importants conduisent à la dispersion. Northvolt voulait construire simultanément sept usines en Californie, au Québec, en Allemagne, au Portugal, en Pologne et en Suède. Roder une usine est déjà un exercice difficile. Tesla n’a par exemple pas bâti lui-même son premier site, mais en avait racheté un à Toyota en 2010. Cette usine qui fabrique désormais 12 000 véhicules par semaine n’en produisait que 60 en 2012 et un maigre millier en 2015. Tesla n’a ouvert sa deuxième usine qu’en 2017, dans le Nevada.La notion de « deep tech » est par ailleurs trop vague. Le qualificatif devrait être réservé à des entreprises travaillant sur des technologies de rupture, telles que le quantique, les sciences de la vie ou la fusion nucléaire. Si la barrière concurrentielle d’une start-up est l’amélioration d’un procédé de production, même avec un bon portefeuille de brevets, c’est une industrial tech. Cela veut dire que l’écart avec ses compétiteurs n’est que de 10 à 20 % et qu’elle est à la merci de la moindre erreur opérationnelle ou d’un événement exogène. Northvolt illustre bien le problème. Le constructeur avait misé sur une technologie adossée à une cathode NMC (nickel, manganèse, cobalt) dans son usine suédoise, alors que la cathode LFP (lithium, fer, phosphate) gagne de la part de marché. Son différenciateur était moins la performance que le poids carbone de production de ses batteries. L’année dernière, la société avait annoncé une densité de 160 Wh par kilogramme pour sa batterie sodium-ion, un chiffre déjà atteint par son concurrent chinois CATL et dont BYD, l’autre fabricant chinois, prétend aussi s’approcher.Quant aux véhicules à décollage vertical (EHang, Archer, Volocopter, Wisk, Vinata…), ils ont certes des designs différents mais leurs performances se rapprochent. Lilium faisait le pari d’un véhicule plus gros – cinq passagers contre deux chez ses concurrents – et d’un rayon d’action un peu plus grand. Rien de révolutionnaire pour autant. Quant à Ynsect, avec 30 brevets, la société détenait 40 % du portefeuille total de brevets détenus par le top 10 des producteurs d’insectes. Mais le coût de production de 1 tonne d’insectes, qui pourrait rivaliser avec celui de la farine de poisson, est composé à 30 % du coût de l’électricité. Autant dire qu’un choc énergétique comme celui de 2022 suffit à effacer votre avantage technologique.



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Author : Robin Rivaton

Publish date : 2024-11-25 12:00:00

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