L’Express

Guerre en Ukraine : Kiev face à un nombre croissant de déserteurs

Un soldat ukrainien à Tchassiv Iar, dans l'est de l'Ukraine, le 24 juillet 2024




L’armée ukrainienne se réduit comme peau de chagrin. Soumises à de lourdes pertes après bientôt trois ans d’invasion russe, les forces bleu et jaune voient leurs rangs se clairsemer petit à petit. En cause, les désertions qui ne cessent d’augmenter. En novembre, l’Associated Press, citant le bureau du procureur général ukrainien, rapportait que plus de 100 000 soldats ont été accusés de désertion depuis février 2022. « Les procureurs ont ouvert 60 000 dossiers contre des soldats ayant abandonné leurs positions en 2024 », précise le Financial Times.Dans une longue enquête du quotidien britannique, on apprend ainsi que le nombre de déserteurs ukrainiens, sur les dix premiers mois de cette année, est « presque deux fois plus » élevé « qu’en 2022 et 2023 réunies ». Si les hommes en âge de servir ont interdiction de quitter l’Ukraine, ils profitent de leur déplacement dans des camps d’entraînement à l’étranger pour se volatiliser. « Environ douze personnes s’enfuient en moyenne chaque mois d’un entraînement militaire en Pologne », a compté un responsable de la sécurité polonais interrogé par l’hebdomadaire.Fin octobre, ce sont des centaines de fantassins servant dans la 123e brigade ukrainienne qui ont abandonné leurs positions dans la ville orientale de Vuhledarn (Oblast de Donestk). Ils sont retournés chez eux dans la région de Mykolaïv où certains ont organisé une rare manifestation publique, exigeant une meilleure préparation et de meilleures armes. « Nous sommes arrivés [à Vuhledar] avec uniquement des fusils automatiques. Ils disaient qu’il y aurait 150 chars, il y en avait 20… Et rien pour nous couvrir », a justifié un officier de la 123e Brigade, qui s’est exprimé dans le Financial Times sous couvert d’anonymat. S’ils sont reconnus coupables, les déserteurs risquent jusqu’à douze ans de prison. Certains membres de la 123e Brigade sont depuis retournés au front, d’autres se sont cachés ou ont été placés en détention provisoire après avoir été interpellés, d’après les autorités locales.Un contexte difficile pour l’UkraineLa hausse des désertions s’inscrit dans un contexte difficile pour l’armée ukrainienne qui voit le rouleau compresseur russe conquérir des territoires à un rythme plus rapide que jamais depuis 2022. En novembre 2024, le ministère de la Défense a revendiqué la prise de plusieurs villages aux abords de la ville de Kourakhove, qui semble le véritable objectif de ces troupes. « Les tenailles se referment sur Kourakhove », martelait mi-novembre un haut responsable de l’armée russe à l’agence économique RBK, repris par nos confrères de Courrier International.Sur le terrain, les hommes en treillis ukrainiens sont épuisés et n’ont pas la possibilité de faire des roulements ou de se reposer. De quoi effrayer ceux qui auraient pu vouloir participer à l’effet de guerre. De l’autre côté, en Russie, des responsables avaient déclaré qu’en 2023, le ministère de la Défense recrutait à un rythme de 1 600 soldats par jour. Mais les chiffres cités publiquement cette année situent ce rythme à environ 1 000 par jour, rappelait Euronews en septembre dernier.Comment faire pour grossir les rangs des troupes ukrainiennes ? Volodymyr Zelensky refuse de demander une aide humaine à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan). Dimanche 1er décembre, il a justifié ce choix à l’issue d’une rencontre avec la porte-parole de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, et le président du Conseil européen, Antonio Costa, tous deux en visite à Kiev au premier jour de leur mandat : « Si je posais la question de la nécessité de troupes étrangères, qu’elles soient de l’OTAN ou d’ailleurs, la moitié de nos alliés cesseraient immédiatement de nous soutenir », a-t-il souligné. Cependant, le président et chef de guerre peut compter sur les volontaires ukrainiens vivant en Europe.700 volontaires ukrainiens recrutés en EuropeAu total, ils étaient 700 à s’être inscrits, au début du mois de novembre, pour rejoindre la Légion ukrainienne, une nouvelle formation de l’armée censée ensuite être déployée contre les troupes russes sur le front, a détaillé, mardi 12 novembre, le ministère ukrainien de la Défense. Ironie du sort : certains avaient fui leur pays illégalement, justement de peur d’être mobilisé. Afin de faciliter l’enrôlement de ces soldats aux quatre coins de l’Europe, Kiev a annoncé, début octobre, l’ouverture d’un premier bureau de recrutement dans la ville polonaise de Lublin. Les candidats ont postulé dans plusieurs pays, dont la Pologne, la République tchèque, l’Allemagne et l’Irlande. Les premières recrues ont signé leur contrat dans le centre de recrutement de Lublin avant de partir aussitôt vers un centre d’entraînement en Pologne, a ajouté le ministère, sans préciser combien de personnes s’étaient engagées.Les volontaires recevront une formation militaire de base de 35 jours, avec la participation d’instructeurs polonais et ukrainiens, après quoi ils suivront une formation spécialisée dans des bases de l’Otan en Europe, a précisé Petro Gorkoucha, lieutenant-colonel ukrainien. Kiev a récemment annoncé prévoir de mobiliser 160 000 personnes entre novembre et février. Au début de l’année, Kiev a estimé qu’environ 300 000 Ukrainiens en âge de combattre vivaient en Pologne.Parmi les autres solutions, un haut responsable de l’administration de Washington, repris par l’hebdomadaire Newsweek, a déclaré que Kiev devrait envisager d’abaisser l’âge de mobilisation à 18 ans seulement, afin d’envoyer rapidement davantage de troupes dans son armée. L’abaissement de l’âge de la conscription est très controversé alors qu’il a déjà été ramené à 25 ans (contre 27) en avril dernier. La mobilisation est un sujet houleux en Ukraine, où le système d’enrôlement, jugé injuste par de nombreux Ukrainiens, a été au centre de nombre scandales de corruption.



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Author : Audrey Parmentier

Publish date : 2024-12-02 14:51:30

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