Des enquêtes de conjoncture qui dévissent, une productivité en berne, un taux de chômage qui remonte… Entre le début de 2024, où le gouvernement misait sur un « effet JO » et la période actuelle marquée par un sentiment de perte de contrôle, le contraste est saisissant. Deux éléments ont fait basculer la France vers le pot-au-noir : la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron en juin et le dérapage des finances publiques, sans précédent hors temps de crise. Comment rebondir ? Le moindre vent contraire semble aujourd’hui capable de plonger le pays dans un début de récession. Le coup fatal viendra-t-il des marchés obligataires ? A moins que la guerre commerciale ou la mauvaise météo ne viennent à bout de plusieurs pans de notre économie, déjà exsangue avant même tout effort budgétaire. L’Express passe en revue les principaux risques auxquels le nouveau tandem de ministres Eric Lombard (Economie) et Amélie de Montchalin (Budget) est confronté.Et si le gouvernement Bayrou tombait à son tour ? Et si le déficit de 2024 s’avérait, une nouvelle fois, sous-estimé, du fait d’un dérapage des dépenses de Sécurité sociale ? Et si les agences abaissaient encore la note de crédit de la France ? La patience des investisseurs a des limites. Certes, le spread, cet écart entre les taux à dix ans auxquels la France et l’Allemagne empruntent, et qui trahit une moindre confiance accordée au prêteur tricolore, semble stabilisé. Malgré les palabres parlementaires déconnectées des réalités de l’économie, la censure de l’équipe Barnier ou encore la dégradation récente de Moody’s. Mais sous ce calme apparent pointe la nervosité : comme le soulignait le cabinet Asterès peu après la chute du gouvernement, « les spreads de nos voisins les plus comparables ont davantage baissé que celui de la France ».Difficile d’envisager à court terme une détente. La différence de rendement entre les obligations assimilables du Trésor (OAT) et le Bund allemand, longtemps inférieure à 50 points de base, paraît bien installée autour de 80. « Une envolée au-delà de 100 est hélas possible : cela s’est produit fin 2011, début 2012, avec des pointes jusqu’à 160 », rappelle l’économiste Marc-Olivier Strauss-Kahn. Le coauteur de On parie que vous allez aimer l’économie ! (Ellipses) note trois similarités avec le contexte actuel. Incertitude politique : les sondages précédant les élections de 2012 donnaient l’avantage au candidat socialiste François Hollande, adversaire autoproclamé de « la finance ». Inquiétude budgétaire : le déficit atteignait 5 % en 2011. Illusion d’optique, enfin : sur fond d’assouplissement monétaire dans la zone euro, la baisse du taux français était entravée, du fait d’un spread qui ne cessait de se creuser avec celui de l’Allemagne.Impact sur les crédits immobiliersMais 2025 n’est pas 2012. A l’époque, les élections avaient dissipé les doutes, avec une majorité claire votant un budget qui visait à réduire le déficit, majoritairement par des hausses d’impôts. Cette fois-ci, rien n’annonce dans les mois qui viennent une levée du brouillard politique. Autre dissemblance : « La dette publique sur PIB en 2012 avoisinait les 80 %, contre plus de 110 % aujourd’hui, ajoute Marc-Olivier Strauss-Kahn. Or, à ce ratio plus élevé vont s’appliquer des taux de refinancement plus élevés qu’auparavant. »Au-delà du coût de la dette publique, la moindre dérive des taux pèse sur l’économie. « Les taux des crédits immobiliers, très corrélés à l’OAT, seraient pénalisés, signale Maxime Darmet, d’Allianz Trade. Par ailleurs, les banques pourraient, par prudence, restreindre l’accès au crédit des entreprises. » Néfaste pour la croissance et les recettes fiscales. Même si son scénario privilégié reste à 80 points de base, l’économiste a chiffré pour L’Express les effets d’un spread à 112 points de base en 2025, moyenne observée durant la tempête dans la zone euro entre octobre 2011 et juin 2012. L’impact négatif sur le PIB serait de 0,2 à 0,3 point de pourcentage, la croissance tomberait à + 0,5 % l’an prochain et le déficit se maintiendrait autour de 6 %, au lieu de refluer vers 5,8 %. « Ce ne serait pas catastrophique, mais très préoccupant », conclut-il.La Banque centrale européenne ne laissera pas faire, espèrent les optimistes. Un outil a bien été créé, en 2022, pour venir au secours d’un Etat membre « attaqué par les marchés ». Mais à la condition que sa gestion des finances publiques soit saine et soutenable… Difficile à faire valoir quand la France est sous le coup d’une procédure pour déficit excessif.
Source link : https://www.lexpress.fr/economie/entreprises/en-2025-lecart-de-taux-avec-lallemagne-explose-ce-scenario-inquietant-pour-la-france-5T3ZL5QOONESRJHTVICKAWPNNI/
Author : Muriel Breiman
Publish date : 2024-12-30 06:00:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.