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Tusk et Trump, le duel des deux Donald au cœur de la guerre en Ukraine

Le président du Conseil européen Donald Tusk (d) et le président américain Donald Trump (g) à Bruxelles le 25 mai 2017




Donald versus Donald. C’est un duel insolite qui méritera d’être observé de près, dans le grand chamboulement géopolitique qui s’annonce en 2025. Donald Trump et Donald Tusk ont en commun, outre leur prénom, de se retrouver au même moment à la tête de leur pays après y avoir l’un et l’autre exercé le pouvoir, connu l’échec et mûri leur retour après des années d’absence. Le 20 janvier, Trump sera investi président des Etats-Unis, où il a été élu le 5 novembre. Tusk, Premier ministre de Pologne depuis un an, assure depuis le 1er janvier et pour six mois la présidence tournante de l’Union européenne.Le moment de leur face-à-face n’est pas anodin au moment où l’Ukraine, qui entrera le 24 février dans sa quatrième année de guerre, connaît une phase critique. Donald l’Américain a défini l’Union européenne comme un « ennemi » commercial qu’il veut affaiblir par une hausse des tarifs douaniers et laissé entendre un affaiblissement, sinon un retrait, du soutien des Etats-Unis à l’Otan. Il a promis à la fois un arrêt des aides à l’Ukraine (qu’a contredit son émissaire Keith Kellogg) et un règlement du conflit ukrainien « en vingt-quatre heures », sans préciser comment, mais qui pourrait favoriser Poutine.Européen ferventA l’inverse, Donald le Polonais est un Européen fervent, ancien président du Conseil de l’UE et à la tête de l’un des pays européens de l’Otan les plus attachés au renforcement de l’Alliance atlantique, les plus exposés à la Russie et les mieux préparés à la combattre. La Pologne, qui détient en Europe le record de la part du PIB consacrée à sa défense, est devenue la première armée conventionnelle de l’Union. Au moment où la France et l’Allemagne se trouvent l’une et l’autre en situation de grande faiblesse politique, la Pologne de Tusk gagne en importance et affirme son leadership.Plus d’un océan sépare les deux Donald, et pas seulement l’Atlantique. Le libéral Premier ministre polonais a œuvré à une expérience, inédite en Europe, de déconstruction d’un système national-populiste édifié par le parti Droit et justice (PiS) qui, en huit ans et à l’instar de la Hongrie de Viktor Orbán, s’est employé à confisquer les contre-pouvoirs – judiciaire, législatif, médiatique – pour le compte de ses intérêts. Le président américain élu, icône des nationalistes-populistes, a mis en place quelques bases d’une « démocratie illibérale » inspirée par celle d’Orbán, pour lequel il ne cache pas son admiration. De la Cour suprême, il a obtenu de se voir conférer l’immunité sur tous les actes officiels pris pendant son mandat. Il est ainsi le premier président américain (ré)élu en ayant été inculpé, parmi des dizaines de motifs, pour rien de moins qu’un « complot à l’encontre de l’Etat américain », après qu’une enquête parlementaire de dix-huit mois a prouvé sa tentative de rester au pouvoir malgré sa défaite, ainsi que son rôle dans l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.Entre Donald et Donald, une surprise est possibleLa confrontation Tusk-Trump sera-t-elle explosive, ou au contraire complémentaire ? Des deux côtés de l’Atlantique, les Donald pourraient surprendre sur la question, existentielle pour l’Union européenne et ses Etats membres, d’empêcher une victoire de Poutine en Ukraine qui porterait un coup quasi fatal au droit international, acterait la victoire de l’impunité et le feu vert donné aux dictatures impérialistes dans le monde. Le Polonais, parce que sa détermination, même associée à celle des pays les plus voisins de la Russie, mais aussi de la France, du Royaume-Uni ou de l’Italie, bloque sur les réticences de pays européens prorusses et sur l’incapacité de l’UE à mettre en œuvre un véritable pilier européen de l’Otan. L’Américain, parce qu’il est pris dans le conflit de ses propres vanités : celle de tenir sa promesse lancée à la va-vite de « terminer la guerre en Ukraine en vingt-quatre heures » et celle d’apparaître comme un leader puissant qui ne s’agenouille pas devant Vladimir Poutine. Donald Trump, et son émissaire en Russie et en Ukraine le général Kellogg est là pour le rappeler, ne peut pas commencer son second mandat par une débandade en Ukraine qui ressemblerait fâcheusement à celle à laquelle a présidé Joe Biden en Afghanistan. Les deux Donald pourraient alors faire un bout de chemin ensemble.Marion van Renterghem est grand reporter, lauréate du prix Albert-Londres et auteure du Piège Nord Stream (Arènes)



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Author : Marion Van Renterghem

Publish date : 2024-12-31 08:00:00

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