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Le mandat Trump vu par Kevin McCarthy : « Mon conseil aux dirigeants européens ? Téléphonez-lui ! »

Le chef de la minorité républicaine à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, le 18 mars 2021 au Congrès américain

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Personnalité de premier plan, le républicain de Californie Kevin McCarthy a été député à la Chambre des représentants pendant dix-sept ans jusqu’en octobre 2023. Alors « speaker » de la Chambre (équivalent de président de l’Assemblée nationale), il a été destitué par l’aile droite de son parti lors d’une guerre fratricide menée par les ultraconservateurs du Parti républicain sous la houlette du très controversé député de Floride, Matt Gaetz. Une première dans l’histoire du Congrès américain.En retrait de la vie politique depuis lors mais toujours présent en coulisses, McCarthy savoure aujourd’hui la chute de celui qui avait juré sa perte. En novembre, « l’ultra » Matt Gaetz a en effet dû démissionner du Congrès après les multiples accusations à son encontre (malversations, achat de services sexuels, usage de drogue). Ce qui n’avait pas empêché Donald Trump de proposer Gaetz pour le poste de ministre de la Justice…Interviewé lors du 17e World Policy Conference organisé mi-décembre à Abou Dhabi par Thierry de Montbrial et l’Institut français des relations internationales, Kevin McCarthy livre à L’Express le « mode d’emploi » du second mandat de Donald Trump qui débutera le 20 janvier. Et il formule ce paradoxe : selon lui, le caractère disruptif du prochain président est gage de stabilité.L’Express : Comment Donald Trump gouvernera-t-il ? Quelles différences y a-t-il avec son premier mandat ?Kevin McCarthy : Cette fois-ci, il n’aura pas besoin d’une période d’apprentissage : il connaît déjà le job. Et, comme il sait qu’il n’aura pas de second mandat [NDLR : la Constitution américaine limite à deux le nombre de mandat], il ne perdra pas une minute. Regardez comment il gère la période de transition depuis son élection début novembre : il agit avec davantage de célérité que la plupart de ses prédécesseurs dans la même situation. Il est mieux préparé que la dernière fois. Il s’entoure de gens de qualité et, surtout, il sait ce qu’il veut faire dès le premier jour de sa présidence.Depuis deux mois, il prépare le terrain. Avec un objectif : tenir ses promesses de campagne, notamment la sécurisation de la frontière avec le Mexique. Il a déjà discuté du problème (et des solutions) avec la présidente du Mexique Claudia Sheinbaum. Il a aussi parlé avec le Premier ministre canadien Justin Trudeau puisque des migrants illégaux viennent aussi du Canada. Concernant le fentanyl qui entre en Amérique en provenance de Chine via le Mexique, il va également agir fermement. Il a déjà mis la Chine en garde contre ce fléau. C’est un sujet énorme pour notre pays car le fentanyl constitue la première cause de mortalité parmi les Américains âgés de 18 à 45 ans.Le chef du GOP à la Chambre, Kevin McCarthy, a rendu visite à Trump en Floride le 28 janvier 2021Sur le plan intérieur, l’Amérique sera plus forte grâce à la déréglementation de l’économie qui contrastera avec la surréglementation des années Biden. Ce nouveau cadre économique permettra aux petites entreprises de relever les défis qui s’imposent à elles. La présence de professionnels de la finance, comme l’investisseur et gestionnaire de fonds spéculatif (hedge fund) Scott Bessent, nommé secrétaire au Trésor, est également de nature à dynamiser l’économie. Tout en étant disruptif, Donald Trump va apporter de la stabilité aux Etats-Unis.Comment concilier ces deux notions : »disruption » et « stabilité » ?La stabilité vient du fait qu’il a déjà été à la Maison-Blanche et qu’il connaît de nombreux chefs d’Etat étrangers. Il va gagner du temps, car contrairement à un président novice, il ne mettra pas des mois à établir des connexions avec Xi Jinping, Macron ou d’autres. Il connaît déjà les dirigeants étrangers et ceux-ci le connaissent. Dans bien des cas, les ponts existent et, des deux côtés, chacun connaît le mode de fonctionnement de l’autre. Cela évitera l’habituel round d’observation. Sur le plan intérieur, le fait que le Parti républicain contrôle la Maison-Blanche ainsi que les deux chambres du Congrès et le fait, aussi, que Trump ait remporté à la fois le vote populaire et celui des grands électeurs, rend sa victoire incontestable. Cela aussi constitue un facteur de stabilité. Au Congrès, il sera possible de légiférer plus rapidement.Quid du style disruptif de Trump ?Trump est disruptif en ce sens qu’il n’a pas froid aux yeux. C’est un intuitif qui ne regarde pas les détails mais voit les choses en plan large, de façon macro. Aussi, il ne craint pas de faire des choses qui n’ont jamais été faites auparavant. Certes, il s’exprime de manière parfois inhabituelle pour un chef d’Etat mais c’est son style et, surtout, c’est un avantage. D’un côté, cela déséquilibre ses partenaires ; de l’autre, cela crée des opportunités. Par exemple, lorsque, lors de son précédent mandat, il a qualifié Kim Jong-un de « Little Rocket Man » (petit homme-roquette), beaucoup ont interprété cela comme une déclaration de guerre. En réalité, loin de le fâcher avec le leader nord-coréen, cette interpellation a permis d’établir un contact avec lui. Finalement, les deux hommes se sont rencontrés et le Nord-Coréen a suspendu ses essais de tirs de missiles (qui ont repris sous Joe Biden). D’ailleurs, il n’est pas exclu que Trump et Kim reprennent leur dialogue.Vladimir Poutine respecte davantage Donald Trump que Joe BidenEn fait, à chaque fois que Donald Trump fait une déclaration qui paraît excessive – et qui choque tant les Européens –, c’est l’occasion d’ouvrir une discussion. Oui, cela crée une tension. Mais en même temps, 9 fois sur 10, cela débouche sur une négociation. Bref, c’est une méthode. De plus, les questions soulevées par Trump sont souvent pertinentes. Franchement, n’avait-il pas raison lorsqu’il disait voilà huit ans que les Européens devaient augmenter leur budget de défense ? Et n’avait-il pas raison d’étrangler financièrement l’Iran ? Lorsqu’il était président, Téhéran produisait 400 000 barils de pétrole par jour ; sous Biden, c’était 3 millions… Cela a renforcé les mollahs qui, sous Biden, ont financé leurs « proxys » au Moyen-Orient (Hamas, Hezbollah, Houthis) et déstabilisé la région. Je rappelle aussi que Donald Trump avait négocié les accords d’Abraham qui constituent une avancée et un socle de travail pour reprendre les efforts de paix.Parlons de ses nominations, également… « disruptives ». Le très controversé Matt Gaetz était accusé d’avoir eu des relations sexuelles tarifées, notamment avec une adolescente de 17 ans. Il a dû renoncer de lui-même au poste d’Attorney General (ministre de la Justice). La nomination de Pete Hegseth, simple commandant dans l’armée et ex-présentateur sur Fox News, au poste de ministre de la Défense fait aussi couler beaucoup d’encre. Votre avis ?Matt Gaetz n’avait pas sa place dans l’administration ni même au Congrès [NDLR : dont il a démissionné fin novembre]. Il a rendu un grand service au pays en démissionnant de la Chambre des représentants. Concernant Pete Hegseth, c’est un bon choix car le Pentagone a besoin d’être secoué. Il lui faut à sa tête une personnalité disruptive. C’est ainsi qu’il évoluera. L’armée doit se réformer et se moderniser afin de mieux s’adapter aux réalités de la guerre contemporaine. Le Pentagone doit être plus léger, plus efficace, plus responsable, moins bureaucratique.Or, Pete Hegseth est une personne intelligente qui a étudié à l’université de Princeton, l’une des meilleures des Etats-Unis. Il est aussi un ancien combattant qui a servi son pays. Et il ne l’a pas défendu en étant assis au Pentagone, mais sur la ligne de front, en Irak et en Afghanistan. C’est très important d’avoir des gens comme lui qui connaissent la réalité vécue par les Américains. Notons que jusqu’à présent, les nominations de Trump ont reçu un accueil très positif chez les Américains. Des sondages le montrent. Pour la première fois dans sa carrière politique, le taux d’opinions favorables à l’égard de Donald Trump dépasse le taux d’opinions négatives. Il est plus populaire que jamais.Pourquoi le ministère de la Défense [NDLR : Departement of Defense ou Pentagone] aurait-il besoin d’être « secoué » ?Le budget du Pentagone s’élève à près de 900 milliards de dollars. On ne peut pas dépenser de telles sommes sans réfléchir aux guerres de demain. Il est inconcevable de continuer à acheter des missiles à 10 millions de dollars pour abattre des drones à 1 000 dollars. Ce dont nous avons besoin au Pentagone, c’est de quelqu’un qui met les pieds dans le plat, mais de manière constructive, à l’image d’Elon Musk qui est lui aussi un disrupteur. Avant Musk, l’Amérique avait pour ainsi dire cessé d’envoyer des fusées dans l’espace. Maintenant, grâce à lui, nous sommes redevenus leader mondial du secteur. Elon s’est aussi attaqué à la vieille industrie automobile pour imaginer et développer ce qui est devenu la voiture électrique la plus vendue au monde. C’est ce genre de profil qu’il nous faut.Avec Trump, ce ne sera pas business as usual. Ça va secouer. Le Pentagone sera toujours là pour protéger l’Amérique, mais différemment. Il ne s’appuiera pas sur un logiciel du XXe siècle, mais sur les sociétés « tech » Anduril et Palantir qui représentent le futur. Avec Elon Musk et sa société SpaceX, l’accent sera mis aussi sur la guerre dans l’espace. Je vous rappelle que l’U.S. Space Force avait précisément été créée sous le premier mandat de Trump. Ce dernier avait compris que la supériorité technologique et spatiale des Etats-Unis doit être écrasante. Au XXIe siècle, l’Amérique restera forte si elle utilise toutes les possibilités technologiques à sa disposition.Comment décrire la relation Trump-Poutine ?Vladimir Poutine respecte davantage Donald Trump que Joe Biden. Ou plutôt : Poutine craint davantage Trump que Biden. D’ailleurs, depuis qu’il est arrivé au Kremlin en 1999, Vladimir Poutine a envahi des pays sous toutes les présidences américaines (Clinton, Bush, Obama, Biden) sauf une, celle de Donald Trump. En fait, la planète était un endroit plus sûr sous le premier mandat de ce dernier. Ceux qui, en Europe, se plaignent de lui devraient analyser les faits de manière plus objective plutôt que de s’arrêter à son style parfois grandiloquent.Votre conseil aux dirigeants européens ?Téléphonez à Trump plus souvent ! Il adore ça. Moi, j’ai plus de facilité à lui parler directement que de joindre des membres de son entourage. Alors, appelez-le, y compris si vous n’êtes pas d’accord avec lui et contestez ses positions. La contradiction, il adore ça.

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Author : Axel Gyldén

Publish date : 2025-01-02 17:00:00

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