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Donald Trump : sa stratégie de saturation médiatique qui laisse les démocrates sans voix

Donald Trump : sa stratégie de saturation médiatique qui laisse les démocrates sans voix

Être là partout, tout le temps, sur tous les sujets. Depuis son investiture le 20 janvier dernier, Donald Trump ne cesse d’annoncer des mesures plus radicales les unes que les autres, dans une volonté de bouleverser la politique mise en place par son prédécesseur, Joe Biden. Une logique défendue dès le premier jour de son mandat, avec un discours d’investiture très offensif. Le républicain s’est bien éloigné des codes d’ordinaire policés de la tradition américaine lors de cette prise de parole, prédisant notamment « un nouvel âge d’or de la grandeur américaine » sous sa présidence.Les heures qui ont suivi l’intronisation du président américain ont donné le ton. Une succession d’annonces a d’emblée été communiquées par les proches du clan Trump. Sortie de l’accord de Paris sur le climat et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), grâce accordée aux 1600 émeutiers du Capitole le 6 janvier 2021, reconnaissance officielle de seulement deux sexes, expulsions massives de migrants vers le Guatemala ou le Brésil… Tant de mesures controversées présentées en grande pompe par le président américain, sans laisser de place au débat sur ces sujets.Un schéma qui se répèteDepuis dix jours, le même schéma se répète. L’opposition démocrate, toujours sonnée par la défaite de Kamala Harris, n’a pas le temps de s’organiser pour réagir à une décision de Donald Trump que déjà, un autre plan est annoncé. Les médias américains, eux, tournent en continu sur les nouveaux choix du milliardaire de retour au pouvoir – chaque initiative présidentielle en chassant vite une autre. Cette saturation du débat public est, selon plusieurs spécialistes, exactement ce que cherche le locataire de la Maison-Blanche : il s’agit pour lui d’ »inonder la zone » d’informations concernant son action.Cette stratégie – du nom américain « flood-the-zone » – a été théorisée par l’ex-proche de Donald Trump, Steve Bannon, figure de proue des sphères d’extrême droite. Lorsqu’il avait encore les faveurs du président lors de son premier mandat, ce dernier l’avait déjà incité à multiplier les déclarations aux médias. Dans ce modèle, Steve Bannon avait érigé les journalistes comme les véritables ennemis du parti républicain, bien plus que les démocrates. « La manière de s’occuper d’eux, c’est d’inonder l’espace [médiatique] avec de la merde », avait-il préconisé à l’époque.Une tactique qui semble de nouveau être celle choisie par l’administration Trump pour ce second mandat. Après son élection début novembre, la découverte au jour le jour des différents noms de sa future équipe gouvernementale, aux profils parfois abracadabrantesques, a déjà fait la une de l’actualité. La montée en puissance de son soutien à Elon Musk en politique, les rencontres successives organisées avec plusieurs dirigeants dans sa résidence personnelle de Mar-a-Lago, ses déclarations provocatrices et belliqueuses à l’encontre du Canada, du Panama ou du Groenland… Pendant les derniers mois sous gouvernance démocrate, Donald Trump a bel et bien attiré l’attention sur lui.Un des fidèles du président américain, le chef adjoint de son cabinet Stephen Miller, aurait lui-même favorisé la méthode « flood-the-zone » pour son second mandat. « C’est une stratégie classique en relations publiques : submerger, distraire et contrôler le récit médiatique avant que d’autres ne puissent le faire », décrypte Evan Nieman, fondateur et directeur général de l’agence spécialisée dans la communication de crise Red Banyan, cité par l’AFP. « C’est sa manière de faire en sorte qu’aucune controverse ne dure longtemps parce qu’il y en aura toujours une autre pour la remplacer. »Des démocrates déboussolésUne façon, aussi, de saborder tout contre-argumentaire du côté démocrate. L’opposition apparaît d’ailleurs comme tout à fait déboussolée par la surprésence médiatique de Donald Trump et de ses relais. Les élus du parti tentent de trouver la bonne formule pour réussir à exister face à cette logique. « Je crois que nous devons choisir nos combats », exhorte le sénateur de Californie Adam Schiff, selon des propos rapportés par NBC News. « Le changement de nom du golfe du Mexique et les autres absurdités de ce genre, on doit juste les laisser de côté. »Le responsable appelle ses pairs démocrates à « se concentrer » pour lutter sur « les choses qui comptent vraiment », comme « les guerres commerciales » ou « les réductions d’impôts pour les gens très riches qui n’apporteront rien aux travailleurs » voulues par Donald Trump. Est-ce la bonne solution pour les démocrates ? Choisir les dossiers à défendre pour réoxygéner le débat politique américain avec des idées divergentes de celles de Donald Trump semble en tout cas nécessaire avant toute reconstruction du parti.Mais pour l’instant, les démocrates sont acculés par les propositions répétées de la Maison-Blanche. « À un moment donné, je suis au téléphone avec une personne qui effectue des essais cliniques de médicaments anticancéreux pour le gouvernement et qui a été renvoyée parce qu’une petite partie de son travail consiste à sensibiliser les minorités. L’instant d’après, je parle à des avocats du ministère de la Justice et je leur annonce qu’ils vont être réaffectés contre leur gré. Cela ne s’arrête jamais », raconte ainsi dans le New York Times James Raskin, élu démocrate du Maryland à la Chambre des représentants.D’autres appellent à ne pas se précipiter pour lancer la « contre-offensive » face au républicain, pariant sur l’essoufflement prochain de son administration. « Ils vont bientôt trébucher », prédit le représentant démocrate de Virginie Gerry Connolly, toujours dans le quotidien new-yorkais. « Dans leur hâte de remodeler le gouvernement fédéral, ils vont commettre de grosses, grosses erreurs. » La confusion autour du projet de gel de milliards de dollars de dépenses fédérales souhaité par Donald Trump, puis annoncé comme annulé, avant d’être nouveau qualifié d’actualité par la Maison-Blanche, apparaît comme un premier couac.La « flood-the-zone tactic » peut-elle perdurer tout au long des quatre prochaines années ? « Même ses partisans les plus fidèles peuvent se lasser de cette agitation constante », juge Evan Nieman dans son interview accordée à l’AFP. Et plutôt que de nouvelles décisions sans cesse mises en avant, « les électeurs indécis pourraient finir par préférer la stabilité au spectacle ».



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Publish date : 2025-01-30 18:41:00

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